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"Notre-Dame-de-la-Merci" de Quentin Mouron

Publié le 24 août 2012 par Francisrichard @francisrichard

Quentin-Mouron-2.jpgAu point d'effusion des égouts ici, premier roman de Quentin Mouron, n'a pas paru il y a un an que déjà l'auteur récidive avec un deuxième.

Certes le titre, Notre-Dame-de-la-Merci, est plus avenant et plus réconfortant que le précédent, mais c'est pour mieux déranger le lecteur.

Tandis que le premier roman se déroulait dans l'ouest des Etats-Unis, celui-ci se passe au Québec, dans un village de cinq cents âmes qui porte ce nom marial.

Comme l'habit ne fait pas le moine, le nom de ce village, fût-il situé dans une forêt, au nord de la Belle Province au drapeau fleurdelysé, n'est pas celui d'un havre de paix, ni de douceur de vivre, bien qu'il s'agisse, en principe, d'un village de paisibles retraités.

Le narrateur, cette fois, n'est pas le protagoniste. Il regarde vivre les êtres humains avec une certaine distance, ce qui lui permet de philosopher à loisir sur leur destinée. Parmi eux, il s'intéresse plus particulièrement à trois personnes que relient des fils tumultueux. Disons-le tout de suite, ces gens-là sont aussi tristes et noirs que la chanson éponyme de Jacques Brel.

Odette est veuve, jalouse de sa tranquillité, tout en étant en quête de reconnaissance. Ce qui ne lui a pas réussi jusqu'à présent, puisqu'elle "a fait trop peu de prison pour qu'on se foute pas d'elle": six mois seulement et une amende. Elle aime un grand type, "dont elle a honte, et qui la fait souffrir", Jean, le fils du vieux Pottier, qui, dans le prologue au récit, vient de se pendre, à une poutre apparente.

Daniel était tenu jadis pour un "crétin honnête" avant de n'être plus "aux yeux du monde qu'une ordure malhonnête". Il vit chez sa vieille mère qui s'occupe de ses enfants, fruits de plusieurs lits, désertés et fuis par les différentes génitrices. Ce crétin fait les quatre volontés d'Odette, qu'il aime, sans que cela ne soit réciproque, bien au contraire:

"On conçoit de la haine d'être adulé par des crétins quand ceux qu'on aime, eux, nous méprisent."

Car Jean méprise Odette. Ce "moindre ivrogne, un peu drogué, cogneur de femmes" n'aime pas. Ni Odette, ni personne. Il l'a baisée, comme "il baise sa copine de temps en temps, les besoins d'homme, l'hygiène". Il est sans scrupules. Après avoir découvert son père mort, il lui fait les poches, en attendant de trouver une solution pour soustraire à ses frères et soeur un part d'héritage dissimulée dans le buffet.

Le lien qui relie ces trois personnages, c'est la drogue, la cocaïne. Odette est la pourvoyeuse. Daniel le livreur. Jean le consommateur. Ce petit trafic de stupéfiant est générateur de violence entre eux. Les dépits amoureux de Daniel pour Odette et d'Odette pour Jean n'arrangent rien. Le premier donne un moyen de pression d'Odette sur Daniel, le second de Jean sur Odette.

Dans cette histoire pessimiste où suintent la résignation et la solitude existentielle, où tout sent mauvais, où l'on ne rêve pas parce que c'est réservé à ceux qui gagnent, le narrateur peut écrire:

"Du haut de la falaise je ne vois que des perdants. Des perdants qui crient. Et la nuit qui les brise."

Alors le lecteur, après que cette histoire a gonflé en tragédie, s'il ne veut pas sombrer à son tour, tomber de cette falaise, n'a que le recours de se raccrocher au style, proche de la langue parlée, proche du coeur, comme dans cette phrase lourde de sens pour décrire tous les perdants de l'existence:

"Le cri qu'on étouffe n'est qu'un silence de plus."  

Francis Richard

Notre-Dame-de-la-Merci, Quentin Mouron, 120 pages, Olivier Morattel ici  


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