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La Cenerentola au Château de Nymphenburg

Publié le 24 août 2012 par Luc-Henri Roger @munichandco
La Cenerentola au Château de Nymphenburg
La Première du spectacle d'été de l'Opéra de chambre de Munich qui a eu lieu hier soir était l'un des événements les plus attendus de la saison estivale dans la capitale bavaroise. Un public des plus élégants a répondu présent à l'invitation du Münchner Kammeroper, dans le cadre magnigiquement adapté du château de Nymphenburg. Peut-on rêver meilleur cadre qu'un château royal pour monter la Cenerentola de Rossini? D'autant plus que parmi les nombreuses personnalités bavaroises, on pouvait  reconnaître  le Duc Franz von Bayern, chef de la Maison royale des Wittelsbach, la Princesse Ursula von Bayern ou encore la Comtesse Rose Marie von Königsdorff, une généreuse mécène dont les actions de soutien envers les jeunes espoirs artistiques est bien connue.
Et ce fut à nouveau un grand succès pour le cofondateur du Kammeroper Dominique Wilgenbus, qui produit les spectacles de l'Opéra de chambre depuis 2006 dans la grande salle Hubertus du Château, une salle qui peut accueillir un peu moins de 400 spectateurs.
La réorchestration de la partition pour orchestre de chambre est particulièrement réussie. Sur les dix instruments utilisés,  deux étonnent et séduisent d'emblée: ce sont l'accordéon et le marimba. On est agréablement surpris par la capacité du marimba, joué par l'excellente Ria Ideta, de mettre en valeur et de soutenir le chant d'opéra. Le koweitien Nabil Shebata dirige l'orchestre avec un talent consommé et rend toute l'allégresse, l'humour primesautier et la joie pétillante de l'oeuvre de Rossini, que l'arrangement n'a dénaturé d'aucunes façons: la transposition en est délicate  et  bien adaptée aux dimensions de la salle. Le livret traduit en allemand rend bien l'esprit de l'original, avec cependant un curieux passage au cours duquel le sage Alidoro semble enclin à vouloir séduire Angelina, et perdre un moment sagesse et contenance.
L'orchestre, tout entier visible du public, est situé derrière la scène, dont le décor rudimentaire est d'une simplicité efficace. Deux escaliers montent de part et d'autre du centre de la scène et sont terminés par un petit podium où seront placés un puis deux fauteuils de style Louis XV. Il faut tout le génie chorégraphique  et l'inventivité de Bettina Fritsche pour produire autant d'effets scéniques sur un espace aussi réduit. La mise en scène de Dominique Wilgenbus et de son équipe est d'une efficacité remarquable. Les chanteurs sont tous d'excellents comédiens et se prêtent remarquablement aux nombreuses pantomimes, imaginés par Wilgenbus et sa chorégraphe. On s'amuse beaucoup à voir leurs performances gesticulatoires pendant toute la durée du spectacle. Wilgenbus a le sens des tableaux vivants qui terminent souvent un mouvement musical. Les ensembles, du quatuor au spetuor, sont particulièrement réussis. Peu de moyens pour beaucoup d'effets, c'est là tout l'art du spectacle: les beaux et simples costumes du XVIIIème siècle  (Katka Melle), le cadre de la salle Hubertus qui date de la même époque, et de rares accessoires, comme ces cadres ovales de tableaux dans lesquels les chanteurs viennent placer leurs visages pour composer des tableaux de famille, ou des grands pots à plantes en frigolite où viennent s'empêtrer les comédiens. Parmi les trouvailles de la mise en scène, l'emploi du travesti: Dominik Wilgenbus transforme le personnage de Don Magnifico en Donna Magnifica, qui devient la mère des deux demi-soeurs de Cendrillon, et sa belle-mère. Mais c'est un homme qui joue et chante le rôle et domine la scène de sa haute taille renforcée par une abondante fausse poitrine et un faux cul de la plus magnifique importance. Erik Ginzburg incarne la marâtre avide d'un grand mariage avec un talent de comédien consommé. Si le travesti de Donna Magnifica est magistralement caricaturé, un autre travesti, celui de Tisbé, chanté avec subtilité par un contre-ténor, Thomas Lichtenecker, est tout à fait remarquable: Lichtenecker n'a pas ce timbre suraigu un peu forcé et souvent métallique qu'on entend chez certains contre-ténors mais donne véritablement l'impression auditive d'une voix de femme. Il salue la perruque à la main, et en étonne plus d'un dans le public, qui ne s'étaient pas aperçus du travesti.
La palme vocale de la soirée revient à Irina Nikolskaya qui donne une très belle interprétation d'Angelina. La jeune soprano, remarquée dans plusieurs concours de chant, donne une Cenerentola accomplie, avec une belle gamme de couleurs émotionnelles, une belle présence en scène, un talent fougeux et passionné dont on suivra le parcours avec le plus grand intérêt. Elle domine vocalement un plateau où, mis à part l'excellente Tisbé, les talents d'acteur l'emportent sur les performances du chant, avec cependant des ensembles fort bien exécutés, qui rendent hommage au talent du compositeur.
Une soirée des plus réussies dans un cadre prestigieux avec des jeunes artistes totalement engagés dans leur travail. A ne pas manquer!
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