Une nouvelle tuerie aux Etats-Unis… Abasourdie en découvrant ce titre sur la Une du Monde L'auteur des coups de feu près de l'Empire State Building est un "employé mécontent" (24 août 2012) et « qu’une dispute entre employés serait à l’origine de la fusillade »… mais c’est bien sur ! N’importe quel différend à n’importe quel propos ne saurait désormais se régler que par les armes. Tu ne me plais pas, tu m’as regardé de travers, tu m’as bousculé, tu m’as piqué ma meuf (ou mon mec), tu m’as fait une queue de poisson, on s’est engueulé au travail, etc. qu’à cela ne tienne. Un coup de surin ou une giclée de bastos dans le buffet et hop ! On n’en parle plus et pour faire bon poids bonne mesure, tirer au hasard dans la foule. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin, hein ?
Deux morts - dont l’auteur des coups de feu… ne me demandez pas de compassion pour cette crevure - et neuf blessés.
Bien au-delà du problème (réel) des armes à feu en vente libre en Amérique, bien au-delà de l’horreur des tragédies humaines qui ne sauraient me laisser indifférente, le cœur et les yeux sec, je ne peux que m’interroger sur ce vent de folie qui pousse tant d’individus à prendre une arme et tirer dans le tas. Non seulement aux Etats-Unis mais également en France et en Europe. Les exemples se multipliant à l’infini comme je le démontrai il y a un mois Quand le drame d’Aurora inspire des margoulins (26 juillet 2012). L’histoire a beau m’avoir appris que la violence et les massacres ont existé de tout temps et qu’il y en eut de bien plus terribles, il n’empêche. Je ne saurais dire si c’est la société qui secrète le poison ou si quelque chose s’est perverti dans le psychisme humain. Sans doute les deux.
Comment ne pas penser à Freud - « Malaise dans la civilisation » - écrivant que le vernis culturel (lato sensu) pouvait s’écailler très vite, les êtres humains retrouvant leurs instincts de bête sauvage ? Quitte à me faire traiter une fois de plus de réactionnaire (mais si vous saviez à quel point je m’en tape !) je dirais une fois de plus que notre époque est totalement décadente.
Comment s’en étonner ? L’éducation lato sensu a disparu en même temps que le respect des autres. Parler de « morale » est devenu du dernier ringard. L’on préfère « l’éthique » mais sans la respecter pour autant. Règne du chacun pour soi, de la loi du plus fort (pousse-toi de là que je m’y mette) et de la lutte de tous contre tous : « homo homini lupus est » à ceci près que le Léviathan de Hobbes supposé nous protéger en contrepartie du renoncement à la liberté d’agression, de défense et de vengeance individuelles fait aujourd’hui partie de nos pires agresseurs sans pour autant que nous soyons plus libres, tout au contraire.
Comment parler de liberté quand il s’agit de licence ? Quand ces pseudo libertés ne portent que sur des choses dérisoires et insanes et non sur l’essentiel. Le droit de vivre debout et non l’échine pliée. Le droit de choisir sans que l’on cherche à nous imposer en permanence des façons de penser et de s’exprimer - le langage « politiquement correct » et autres foultitude de tics verbaux - des comportements, des modèles de consommation, des goûts culturels, j’en passe et des meilleures. Nous voilà bien loin d’Eluard « Liberté j’écris ton nom » qui enchanta mes vingt ans !
Jean-Pierre Chevènement avait raison de parler de « sauvageons » au sujet des jeunes sans foi ni loi semant la terreur dans les cités de banlieue à ceci près que les vrais « sauvages » tels que les anthropologues les ont étudiés sous toutes les latitudes dans des milieux restés totalement isolés du monde moderne obéissaient à des codes autrement drastiques et impératifs que n’importe laquelle de nos lois même les plus strictes. Malheur à celles et ceux qui transgressaient les tabous !
Or, aujourd’hui force est de constater que c’est la « transgression » permanente qui constitue l’alpha et l’oméga de la pseudo liberté. Il n’y a plus de bornes et de limites. Tout se confond dans un relativisme délétère, le futile prenant le pas sur l’essentiel. La vie humaine ne compte plus que pour peau de balle.
Bien évidemment, il s’agit là d’une tendance générale. Il reste fort heureusement grand nombre de gens bien qui respectent encore les valeurs essentielles au premier rang desquelles je place le respect des autres sinon l’amour. Qui élèvent leurs enfants dans le respect de ces valeurs en prêchant par l’exemple. Qui s’indignent à juste titre du spectacle du monde.
Pour en terminer avec la fusillade de l’Empire State Building, le tireur serait un homme de 53 ans ayant perdu son emploi il y a un an qui aurait tiré sur un ancien collègue. Je ne peux m’empêcher de me poser une question : souffrait-il de dépression et recevait-il un traitement ? L’on ne soulignera jamais assez le rôle des anti-dépresseurs, calmants et somnifères dans l’apparition de troubles graves du comportement et le passage à l’acte, qu’il s’agisse de suicide ou d’agressions meurtrières. Si le traitement cumule les trois, les risques sont maximum.