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Race and Disunion

Publié le 25 mars 2008 par Scopes
B. Obama le 18 mars 2008


En s’exprimant librement et élégamment sur la délicate question de la « race », Barack Obama a réussi son pari au moins sur un point. S’il n’a pas tout à fait effacé la controverse concernant les propos enflammés de son ancien pasteur, Jeremiah Wright (Hillary Clinton a relancé le débat aujourd’hui, espérant ainsi faire oublier ses rodomontades bosniaques), il a fait de la question « raciale », -- un non-dit du champ politique (officiel) depuis la fin des années 1960 -- un enjeu majeur des primaires et, au delà, des débats sociétaux américains.
En voici un exemple humoristique:
On ne compte plus le nombre de journalistes, d’universitaires, de blogueurs et de simples citoyens qui s’interrogent à haute voix sur la cohabitation entre blancs, noirs et « marrons » -- les Hispaniques dans le sabir de la campagne. Après de petites vacances californiennes à écouter CNN dans sa chambre d’hôtel, il fallait bien qu’InBlogWeTrust se joigne au chorus… Revenons donc sur le discours d’Obama, et sur la vision de l’histoire américaine qui y transparaît.
L’histoire selon Obama
Dans sa narration historique, Barack Obama est un parfait héritier de Frederick Douglass (1818-1895), cet ancien esclave, puis abolitionniste, ami de Lincoln et homme d’Etat qui voyait dans la Constitution de 1787 un espoir de libération et de justice pour les Afro-américains. Il s’opposait ce faisant au courant dominant de l’abolitionnisme d’alors, le garrisonnisme (de William Lloyd Garrison, 1805-1879) qui refusait toute compromission avec le système politique voulu par les Pères Fondateurs (Adams, Jefferson, Hamilton…). La Constitution, en autorisant de fait l’esclavage (poursuite de la traite pendant vingt ans, clause des 3/5…) sans jamais le nommer par son nom (chaste pudeur des rédacteurs ?) avait pour lui tâché d’une encre indélébile les institutions démocratiques américaines.
Obama se veut l’héritier d’un texte libérateur et révolutionnaire, amélioré au fil du temps par divers amendements (dont les 13è, 14è et 15è après la Guerre de Sécession, qui respectivement abolissent l’esclavage, accordent la citoyenneté et le droit de vote aux Noirs). Car pour lui, l’histoire comme la société américaine ne sont pas figées ou statiques ; elles évoluent, se transforment, et tendent avec le temps vers la réalisation du mythique rêve américain de liberté, d’égalité et de propriété. L’Amérique d’Obama est tournée vers le futur, et se rappelle du passé pour mieux le dépasser.
La question raciale
La question raciale pour lui résume et synthétise cette promesse américaine. Jusqu’au mois de mars, il avait cherché à éviter le sujet. L'homme était noir, mais il n’en parlait pas. Il se présentait plutôt comme post-racial, comme un candidat qui, contenant en lui toutes les races et toutes les nations ("trois continents"), les annulait. Obama n’était ni noir, ni blanc, il était sans couleur. Ou du moins c’est ainsi qu’il voulait apparaître. Peut-être banal en France, mais étrange et intrigant dans un contexte américain de racialisation et d’objectivisation des différences.
Les commentaires acerbes de Géraldine Ferraro (Obama serait populaire grâce, et en non pas en dépit de, sa couleur de peau) et le bombardement médiatique des remarques incendiaires du pasteur Wright ont changé la donne. Pour la première fois depuis longtemps, les différences et les stéréotypes ethniques font débat et ne sont plus relégués aux oubliettes par un politiquement correct bon teint. Les combattants doivent reconnaître leur inimité d’abord afin de pouvoir s’entendre ensuite. On ne fait pas la paix entre faux amis.
Et les sujets de colères ne manquent pas. Pour reprendre des exemples communs, l’amertume silencieuse des noirs face aux discriminations, à la persistance des inégalités, à la ghettoïsation, au racisme symbolique sous couvert de respect des traditions (comme l’omniprésence du Battle Flag dans les États du Sud, symbole s’il en est de « l’institution particulière » et du sang versé en sa faveur) est réelle. Les peurs des blancs face aux violences (une grande majorité des prisonniers sont noirs) tout comme leur ressentiment envers le busing et la discrimination positive le sont tout autant, eux qui font face à une crise économique sans précédent, qui luttent pour s’en sortir, et qui ne veulent pas payer pour une ségrégation mise en place par leurs arrières grands parents (quand ils ne sont pas immigrés par la suite) et dont ils ne se sentent pas directement responsables.
Ainsi, après avoir essayé de transcender les questions raciales, Barack Obama les affronte. Il ne se veut plus au-delà des races, mais leur synthèse (là encore, ce qui peut paraître banal dans un contexte français et républicain est tout à fait novateur outre-atlantique), dans un but unificateur. Et il refuse de voir la question des origines plus faire office de cache misère médiatique face aux « vrais » problèmes, économiques et sociaux.
Le discours était donc d’importance, et méritait au moins un post, même en décalé.
Une chose est sûre : il sera désormais difficile de le dénigrer comme musulman…
Scopes
PS : pendant ce temps, la résistance s’organisent - et trouve des arguments originaux pour expliquer son ascension "météorique" …
Vu à Chicago...



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