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JSBG en visite chez Carlos Santos: l’interview (Part 2)

Par Jsbg @JSBGblog

JSBG en visite chez Carlos Santos: l’interview (Part 2)

Mardi passé vous avez pu suivre ma visite à la manufacture de la marque Carlos Santos (à relire ici). Je vous propose aujourd’hui la seconde partie de ce reportage: l’interview de Carlos Santos lui-même. Après avoir débuté à 14 ans à la « Zarco », le nom de sa fabrique de chaussures, il en est aujourd’hui à la fois le propriétaire et le garant d’une tradition d’excellence, inscrite dans les gènes de la maison. À 58 ans, gérant cette société florissante employant 105 artisans, encensé par ses pairs (et non pas paires), c’est le bon moment pour lui de faire le point sur sa carrière de créateur de souliers haut de gamme. J’ai donc l’honneur de vous présenter Monsieur Carlos Santos, un homme d’exception.

JSBG en visite chez Carlos Santos: l’interview (Part 2)

JSBG – Vous êtes entré dans le monde de la chaussure à… 14 ans, dans cette entreprise, Zarco, qui est aujourd’hui la vôtre. Qu’avez-vous retenu de votre entrée dans le monde du travail si jeune? Carlos Santos – À l’époque j’ai pu vraiment apprendre comment fabriquer un soulier à la main, à l’ancienne. Je me suis très vite passionné pour ces façons de faire, m’insérant ainsi dans une équipe qui était alors déjà en quête d’excellence.

Comment avez-vous fait pour gravir si vite les échelons de cette entreprise, jusqu’à la racheter complètement à la famille Costa? Au début je n’avais rien, sauf la chance d’avoir pu entrer directement dans une des meilleures fabriques. Ensuite, au contact de mes collègues mais aussi des visiteurs étrangers qui passaient par ici, j’ai pu apprendre à reconnaître les qualités du produit, les matières, le design, etc, et j’ai pu passer au département ventes à mes 18 ans. Là, j’ai réussi à faire entrer nos produits dans les 12 magasins de référence de l’époque au Portugal. J’ai compris comment faire des souliers susceptibles de plaire au client. Du coup, j’ai décidé de petit à petit commencer à acheter des actions de la société. J’ai aussi eu de la chance, car les propriétaires de l’époque, la famille Costa, ont repéré ma volonté et mon ambition, et m’ont  donné les moyens de réussir. Vers mes 30 ans j’ai dû prendre une décision: soit partir et aller créer ma propre marque de toutes pièces, soit rester mais comme patron. Comme depuis tout jeune j’avais dans l’idée qu’un jour cette usine serait mienne, le choix a été vite fait. J’ai donc racheté progressivement le solde des actions de la famille Costa, jusqu’à ce que l’entreprise m’appartienne entièrement.

Zarco fabriquait à l’époque des chaussures pour certains fournisseurs de la famille royale anglaise, dont la marque Sids. Que vous a inspiré cette exigence absolue du fait main? Les chaussures étaient des oeuvres d’art à cette époque. En ce temps-là, des clients anglais, américains ou français venaient nous trouver et commander des souliers de

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grande qualité, mais aussi au design particulier, ce que nous maîtrisions moins au Portugal. Nous nous sommes beaucoup améliorés à leur contact.

Certaines des machines que vous utilisez ne sont plus fabriquées et sont introuvables. Comment entretenez-vous ce trésor? Grâce à la sensibilité et au know how de nos artisans, qui savent panacher le savoir-faire ancien à la technologie moderne. Nous réfléchissons beaucoup avant de commander et d’utiliser des machines modernes. Les gains en productivité ne nous intéressent que s’ils apportent en parallèle un mieux au point de vue qualitatif également.

Votre entreprise est l’une des dernières à connaître les secrets de certaines façons de faire. Comment perpétuez-vous ce savoir-faire? Comment formez-vous vos jeunes collaborateurs pour qu’ils acquièrent l’expérience unique de leurs ainés? Zarco fonctionne aussi comme une école, un centre de formation, elle est souvent le premier travail des jeunes qui arrivent chez nous. D’ailleurs je privilégie les premiers emplois, avant qu’ils ne prennent de mauvaises habitudes chez la concurrence (rires). J’ai beaucoup investi pour développer une formation suivie en interne. Ainsi, quand l’un de nos artisans part à la retraite, son successeur est prêt à prendre sa relève. Le résultat, en plus bien entendu d’un savoir faire précieux, en est le très faible taux de rotation du personnel chez nous. Nos collaborateurs ont un sentiment de fierté « du maillot », d’appartenir à un groupe, à une famille, d’écrire une histoire.

Après avoir racheté Zarco qui fabriquait quasi exclusivement pour des tiers, vous avez lancé les marques maison Mack James et Star Label. Pourquoi avoir ensuite décidé de sortir de l’anonymat en créant une marque à votre propre nom, Carlos Santos? Nous étions un peu tributaires du manque de notoriété du Portugal en la matière. Nous avons donc préféré d’abord montrer notre savoir-faire avec la marque Mack James, dont les modèles goodyear se sont vite fait connaître en Angleterre. Au début, nous n’aurions pas pu positionner notre marque comme nous le voulions. Maintenant oui, c’est devenu possible. D’où l’arrivée d’une marque à mon nom, en 2007.

Aujourd’hui, la marque Carlos Santos se divise en 3 gammes: Santos by Carlos Santos, Carlos Santos (benchmade) et Handcrafted. Quelles sont les différences? Handcrafted est vouée à démontrer la qualité de notre savoir-faire. La production en est faite séparément par des artisans hautement spécialisés qui soignent chaque détail, à commencer par des peaux de tout premier choix, puis par des fabrications moitié blake moitié goodyear pour un aspect plus bespoke. Carlos Santos est une collection de grande qualité entièrement goodyear, dont la couture est invisible sous le soulier. Santos by Carlos Santos constitue notre entrée de gamme, des

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produits moins chers visant une nouvelle clientèle mais sans concession sur la qualité, puisque les modèles sont aussi de fabrication goodyear.

Pour vos créations, vous avez déjà travaillé dans le passé en collaboration avec des designers externes, comme le français Marc Guyot par exemple. Des surprises à venir? Nous travaillons déjà avec l’italien Uberto Loddo. Pour l’instant nous nous inscrivons dans la durée en voulant assoir notre différence. C’est pourquoi nous présentons deux collections par an, comportant chacune jusqu’à 50 nouveaux modèles.

Votre gamme de prix s’étend de €300 jusqu’à plus de €3000. Qui sont vos clients? Nous visons avant tout les connaisseurs, les vrais amoureux du soulier. Mais nous espérons démocratiser l’accès à la reconnaissance de cette qualité à tout homme de bon goût.

Pourquoi fabriquer seulement pour homme? À quand une ligne femme ou maroquinerie? Nous venons de lancer une petite collection pour femme constituée de jolis petits derbys. Et la porte est grande ouverte au développement à venir de cette collection, ainsi que celle d’une gamme d’accessoires.

Quand on pense chaussure de luxe, on pense Grande-Bretagne, Italie ou France, pas Portugal. Comment rendre le luxe « made in Portugal » sexy? Que ce soit dans le textile ou dans la chaussure, nous sommes maintenant un groupe de créateurs portugais à porter haut les couleurs de notre pays. Si nous continuons de nous efforcer à être les meilleurs dans notre domaine, la renommée finira automatiquement par arriver. Auparavant, nous nous contentions de fabriquer en secret pour de grandes marques étrangères. C’était une mauvaise politique pour la reconnaissance de notre savoir-faire. Il s’agit d’honnêteté face au sérieux de notre travail.

Votre pays traverse une grave crise économique. Comment cela vous affecte-t-il? Les entreprises qui ont prévu les choses depuis longtemps en visant une reconnaissance à l’international souffrent moins en n’étant pas dépendantes de notre marché national morose. Depuis toujours, j’avais la certitude que le futur de notre industrie était à l’étranger.

Quelle expansion prévoyez-vous pour votre marque Carlos Santos? Des magasins en propre également? Nous possédons déjà un magasin monomarque Mack James à Bruxelles, en Belgique. Bien sûr, le jour où nous penserons ouvrir des flagship stores Carlos Santos, des villes comme Paris, New York, Londres ou Tokyo seraient prioritaires, mais nous ne voulons pas nous disperser: il nous faut d’abord assoir encore notre notoriété.

Comment peut-on se procurer des souliers Carlos Santos aujourd’hui? Des points de vente existent en France, Allemagne, Benelux, Suisse, Japon, USA, Congo ou en Angola, en plus bien sûr de l’internet.

Comment voyez-vous l’avenir de votre marque? Si nous réussissons à continuer de proposer les mêmes qualités de fabrication, création et design, je suis persuadé que le prestige et la notoriété arriveront: c’est justement ce que le client recherche.

JSBG en visite chez Carlos Santos: l’interview (Part 2)

Un pertinent questionnaire selon JSBG:

  • Quel est votre plus grand vice? Du réveil au coucher, je ne pense qu’aux souliers!
  • Qu’est-ce qui vous fait peur? Perdre ma santé et ne pas réussir à péréniser mon travail.
  • Vivre au 21ème siècle: plus facile ou plus difficile qu’avant? Les personnes ayant de bonnes idées seront aidées par la globalisation. Donc plus facile, malgré le fait que le monde soit plus compétitif.
  • Vous êtes plutôt Facebook ou Twitter? Je ne suis sur aucun réseau social, même si j’en suis l’évolution.
  • Qu’est-ce que vos parents vous ont légué de plus précieux? La correction et une façon de traverser la vie en étant honnête et travailleur, tout en sachant adapter ces principes à son époque.
  • Quelle serait la bande-son de votre vie? Très rythmée, avec un petit côté latino.
  • À quel moment précis avez-vous pris conscience de votre succès? Lorsque les clients de l’entreprise n’ont plus voulu parler qu’à moi malgré le fait que je n’étais encore qu’un simple employé, j’ai su que je réussirais.
  • Où vous voyez-vous dans 10 ans? J’aurai 68 ans, j’espère avoir atteint la fin de ma maturation, de mon parcours personnel.

Merci Carlos!   Jorge S. B. Guerreiro  

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