C’est une première au Québec, deux aspirants au poste de premier ministre de la province ont dévoilé leur rapport d’impôt personnel respectif. C’est louable de leur part, mais franchement Y A RIEN LÀ!
Les rapports d’impôt personnels de Pauline Marois et de François Legault ne reflètent finalement que ce qu’ils veulent bien nous montrer. Que Charest refuse de dévoiler le sien, cela m’en dit bien davantage. Vous ne trouvez pas que le non-dit est parfois bien plus révélateur?
Avant d’élaborer les différentes raisons qui pousseraient un politicien à CACHER son rapport d’impôt, commençons par analyser ceux qui ont été fournis de bonne foi par madame Marois et monsieur Legault. Aux fins d’analyse sommaire, j’ai confié les rapports en question à une experte; madame Sarah Ferron, CGA.
Le rapport Legault
Son premier commentaire rejoint exactement le mien. « Mais comment se fait-il que le rapport de monsieur Legault soit fait au crayon??? Je vous avoue que je ne vois presque plus ça. D’abord, en terme de rigueur c’est discutable.»
En effet, les logiciels des comptables sont «certainement fiables»! À moins que monsieur Legault qui se méfie des conseillers financiers… se méfie aussi des comptables! La ligne 154 code 6 a aussi fait sursauter madame Ferron. « Sur l’ensemble de ses revenus de 164 427,06$ , cette partie renferme le plus gros montant soit 62 701.94$. Cette ligne c’est un fourre-tout. Ça peut-être n’importe quoi SAUF du salaire. Jetons de conseil d’administration, honoraires versés par son parti ou comme consultant, conférencier… etc.. Étrange. Allez savoir? On n’arriverait pas à un montant aussi précis de 62 701.94$». Curieusement, monsieur Legault n’a pas versé un rond à un parti politique en 2011.
Comme Sarah Ferron, j’ai aussi été étonné de voir 37 981,28$ en dividendes de sociétés canadiennes. Est-ce d’une de ses sociétés personnelles de portefeuille? Ou bien est-ce le versement de dividendes d’actions en bourse. En supposant que monsieur Legault a investi dans une grande banque canadienne, il peut recevoir un dividende d’environ 3%. Dans ce cas, il faut avoir une somme de 1 266 042$ en action pour le générer. Avec la passe qu’il a faite en vendant Air Transat, il y a quelques années, c’est tout à fait possible.Le rapport Marois
Pour faire son rapport d’impôt, on peut dire qu’elle fait ça très sérieusement. Raymond-Chabot-Grant-Thornton en a orchestré la préparation. En un coup d’oeil, on remarque qu’elle est très généreuse. Sa liste des dons de bienfaisance touche une quarantaine d’organismes. Plus chiche avec les politiciens, elle n’a contribué que 310$ à des partis. Sarah Ferron,CGA observe: «Madame Marois déclare 1000$ en frais financiers et d’intérêt qu’elle relie à des revenus d’intérêts ou autre de seulement 28.48$. Serait-ce des revenus de droits d’auteur? Elle utilise d’ailleurs la même somme plus loin comme déduction de ce type»
Bref rien pour apeurer ou choquer qui que ce soit. Quand j’ai su que les chefs du PQ et de la CAQ acceptaient d’ouvrir leur filière fiscale, je ne m’attendais pas à grand-chose. Dans ces deux cas, nous sommes en face de biens nantis bien au fait des rouages des fiducies familiales, des compagnies de gestion et du miracle du décaissement de capital… etc. Autant d’outils efficaces et LÉGAUX qui isolent les actifs importants de placement «sans contaminer» les revenus personnels.
Le rapport manquant
Quant à Jean Charest, madame Ferron souligne qu’ «il pourrait se sentir inconfortable à montrer un rapport d’impôt affichant d’importants revenus en dividendes, de gains en capital ou de revenus de locations.» En effet, moi aussi à sa place j’aurais gardé ce genre d’informations secrètes. Cela pourrait créer un sérieux malaise. Ce politicien de carrière n’a pratiquement jamais fait autre chose. Comment aurait-il bien pu engendrer des «extras» qu’il vaut mieux garder personnels? Rappelons que pendant une décennie, le député de Sherbrooke complétait son maigre salaire de PM par une enveloppe secrète de 75 000$/an du Parti Libéral.
Se pourrait-il qu’un généreux donateur lui ait refilé en contrepartie une bonne quantité d’actions génératrices de dividendes réguliers? Bref, en laissant planer le mystère, il ouvre la porte à tous les scénarios et fantasmes.