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Abjection

Publié le 05 septembre 2012 par Malesherbes

Richard Millet est un écrivain qui est également éditeur et membre du comité de lecture de Gallimard. On le crédite d’avoir dans ce rôle conduit jusqu’au Goncourt deux premiers romans : en 2006, les Bienveillantes de Jonathan Littell et, en 2011, l'Art français de la guerre  d'Alexis Jenni. Le 22 août de cette année, il a publié aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux un livre, Langue fantôme. Cet ouvrage comporte seize pages consacrées à un Eloge littéraire d'Anders Breivik. Ce texte suscite actuellement dans le milieu littéraire de vives réactions dont l’écho dans les médias me semble être resté plutôt limité. Mais jugez plutôt cette prose.

Richard Millet n’approuve pas l’acte d'Anders Breivik mais il en souligne « la perfection formelle » et « la dimension littéraire ». Comment peut-on reconnaître une dimension littéraire au meurtre de 77 personnes, en majorité des adolescents ?  J’avoue que je l’ignore mais ce triste sire disculpe l’assassin qui, selon lui, n’a fait que supprimer « de futurs collaborateurs du nihilisme multiculturel ». Comment peut-on condamner des individus pour d’éventuelles actions futures et au seul vu de leur appartenance politique ? À supposer par extraordinaire que le multiculturalisme soit criminel, cette brute sanguinaire savait-elle si chacun des participants à cette réunion était un fervent du multiculturalisme ? Sans verser dans un antiracisme primaire, force est de reconnaître que le mode de pensée de Breivik est intrinsèquement raciste. Mais Richard Millet tient  « l’antiracisme pour un terrorisme ». Bien sûr ! Et la tuerie d'Utøya était une bénigne entreprise de persuasion.

Quant à la perfection formelle, si la forme n’est pas sans intérêt, c’est le fond qui importe. Ce massacre a fauché 77 vies dont certaines étaient à peine entamées, plongé des familles entières dans le deuil et le chagrin, infligé des souffrances physiques ou psychologiques aux blessés et survivants. Et où est la perfection ? Si le but était de lutter contre l’envahissement de la Norvège par des hordes barbares, ce sont elles qu’il convenait de frapper. Mais quelques dizaines de morts ne pouvaient en rien endiguer l’invasion.

Alors, de quoi s’agissait-il ? D’alerter les Norvégiens sur cette menace par une action médiatique ?  Mais il existe d’autres moyens : au Tibet, pour protester contre la main-mise des Chinois sur leur peuple, des bonzes se font brûler. Anders Breivik aurait mieux fait de les imiter. J’entends parfois, généralement des personnes âgées, déclarer : « ce qu’il nous faudrait maintenant, c’est une bonne guerre ! » S’ils s’attendent ainsi à de nombreuses victimes, ils excluent assurément d’en faire partie. MM. Breivik et Millet me semblent de la même race, en pire. .


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