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Lors du suicide, le sens le plus élevé de l’amour se perd déjà !

Publié le 29 mai 2007 par Psychanalyse Suicide

Liliane Fainsilber attire notre attention sur un texte de Sigmund Freud, « le manuscrit N. » rédigé en 1897. C’est donc un texte précoce dont l’intérêt est pourtant grand dans la mesure où y sont exposés des idées dont on retrouvera les traces ultérieurement dans les textes freudiens.

A partir d’une discussion sur le désir de mort à l’égard des parents, Freud évoque Goethe : « le mécanisme de la création poétique est le même que celui des fantasmes hystériques. Goethe prête à Werther quelque chose de vécu : son propre amour pour Lotte Kästner et, en même temps, quelque chose dont il a entendu parler : le sort du jeune Jérusalem qui se suicida ». Donc, un élément composite qui allie un fait personnel et un fait réel dont Goethe a eu connaissance du côté de Jérusalem.

« Les souffrances du jeune Werther» est un grand classique à connaître dans l’étude du suicide. L’intérêt de la remarque de Freud est de souligner la dimension biographique du texte. Ce suicide étant construit sur une rivalité oedipienne par identification de Goethe à Jérusalem. Mais comme il le précise, Freud estime que l’identification « n’est qu’un mode de pensée » et ne nous « délie pas de l’obligation de rechercher les motifs » de cette identification.

Pour comprendre tout l’intérêt de cette réflexion, il est utile de survoler rapidement la référence à Goethe. Charles Guillaume Jerusalemn, une simple connaissance de Goethe, était tombé amoureux d’une femme mariée. Il lui avoua son amour en se jetant à ses pieds. Econduit, il se suicide. Du coup, le récit de Werther par Goethe laisse supposer qu’il aurait pensé lui-même à se suicider dans des circonstances similaires.

L. Fainsilber rappelle avec raison le point de vue de Goethe. Ce dernier considère ce suicide sous l’angle de la perte du « premier amour » : le premier amour serait en quelque sorte le dernier. « L’unique, car, dans le second et par le second, le sens le plus élevé de l’amour se perd déjà ». Si bien que les amours suivants ne sont que des répétitions du premier. Ils sont inévitablement en défaut par rapport au premier amour déjà perdu. En tant que tels, ils réactivent la perte initiale et réveillent le sentiment d’une faute qui alimente la tendance suicide. Donc sous l’identification au rival, il y a la perte de l’objet.

Goethe était un fin lacanien !

Sa théorie suppose que la séparation est insupportable car elle réactive la perte. Cette idée se retrouve ensuite dans les textes ultérieurs de Freud. Par exemple Deuil et mélancolie, dans lequel Freud la développe. Loin de l’écarter, il la complète en la détaillant.

Goethe ne s’est pas suicidé en écrivant Werther. Comme l’indique L. Fainsilber, « le suicide de Jérusalem lui permit en quelque sorte de cristalliser » son oeuvre écrite. C’est l’une des issues possibles à la tendance suicide. Un conseil utile à formuler à l’entourage du suicidaire en particulier. Ecrivez le récit de ce que vous avez perdu !

Le texte de L. Fainsilber reprend de larges extraits de Goethe dans Werther. Il vaut la peine d’une lecture attentive.


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