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Mais au fait, c’est quoi le «féminisme» ?

Publié le 09 septembre 2012 par Everobert @eve_robert

Le terme désignant tout autant les suffragettes que le manifeste des 343 salopes ou les Pussy Riot, une sérieuse explication de texte s’impose pour comprendre ce que revêt désormais ce mouvement qui reprend depuis quelques années de l’élan. Force est de constater qu’un vent de renouveau souffle sur les revendications des Femmes : l’image de la féministe n’est plus un cliché ringard envisageant une énervée voire une lesbienne cramant volontiers son sous-tif pour régler sa frustration ou ses comptes avec les hommes. La réalité de nos jours correspond plutôt à l’idée de déboulonner les idées misogynes des machos (vieux ou jeunes) et souvent en ayant recours à l’humour pour y parvenir.

Cette effervescence se retrouve dans le milieu associatif, ainsi depuis quatre ans, nous voyons de nouvelles références apparaître, pour ne citer que les plus connues commençons par le groupe d’action La Barbe lancé en 2008,  Osez le féminisme (OLF) en 2009 devenu depuis un véritable réseau dans toute la France et le Laboratoire de l’égalité qui depuis 2010 milite pour la représentativité des Femmes au sein des entreprises.

Les media ne sont pas en reste, en 2009 sont apparues Les Nouvelles News, le premier webmagazine généraliste au contenu « mixte ». Mais qu’est ce qu’un contenu mixte me direz-vous ? Et bien c’est un journal qui veille à ce que les personnes évoquées dans le contenu de l’actualité ne soient pas qu’à seulement 20% des femmes comme cela est le cas dans le reste de la presse. L’objectif de citer une femme plus qu’une fois sur cinq c’est loin de la parité mais c’est déjà militant.

On ne doit pas oublier Causette qui depuis deux ans annonce dès la couverture s’adresser à des lectrices « plus féminines du cerveau que du capiton ». Couvrant des sujets de fond en s’affranchissant de la publicité pour produits de beauté, la rédaction s’émancipe du ton habituel des magazines dits « féminins ». Grégory Lassus, son fondateur, se souvient des réactions au tout premier numéro dans un article de Télérama :

« La coïncidence entre journalisme de qualité et magazine féminin semblait si improbable qu’on nous a tout de suite collé l’étiquette “féministes”. Comme si parler de places en crèche plutôt que de crèmes de jour relevait d’un acte militant… ».

Quand on s’adresse aux femmes en ne les prenant pas que pour des consommatrices décérébrées, à des ménagères de moins de 50ans ou à des porte-manteaux ambulants et bien cela fonctionne : les ventes avoisinent les 30 000 exemplaires, et le lectorat transgénérationnel (« de 15 à 89 ans chez les abonnés ») est réparti sur toute la France.

Mais au fait, c’est quoi le «féminisme» ?

Mais alors, s’intéresser aux véritables problématiques rencontrées par les femmes ou simplement parler des femmes, c’est de fait être féministe ? Et ben oui.

Un consensus fait démarrer le « retour » du féminisme à l’affaire DSK qui a fait déferler une ribambelle de clichés sexistes dont le summum a été l’expression de Jean-François Kahn qualifiant l’affaire de « troussage de domestique ». Je suis tentée de penser que cette prise de conscience et ce militantisme est davantage une affaire générationnelle à en juger par l’âge de ces nouvelles activistes qui correspond systématiquement à la génération Y, ne serait-ce que sur ce blog. En effet, si ma maman a connu une époque où l’autorisation de son époux était nécessaire pour qu’elle puisse obtenir un chéquier, ma génération à moi envisage l’égalité comme un postulat de départ et renverse les mœurs par leurs nouvelles attentes. Nous ne sommes pas des amazones, nous sommes des citoyennes.

Mais au fait, c’est quoi le «féminisme» ?

Je ne peux là dessus qu’avancer ma propre expérience mais il est vrai par exemple que l’homme avec lequel je partage ma vie la partage véritablement. Il fait les courses, sait faire cuire un œuf ou changer une ampoule et ce qu’il ne savait pas faire (parce que sa maman ne lui avait jamais montré), il a eu l’intelligence de l’apprendre. Pour cela, pas besoin de lavage de cerveau ou de sermons à la maison, contribuer à égalité au quotidien est une évidence qui relève de la logique spontanée de son côté. On se rapproche là du modèle Suédois (on cite souvent la société suédoise comme exemple mais il est vrai qu’elle est en avance sur bien des choses) où l’expression de la virilité passe par la capacité d’un homme à remplir son rôle de père et à assumer ses responsabilités au sein du foyer ; ainsi il est courant de croiser un homme en costard-cravate avec des courses dans une main et une poussette dans l’autre. En France, nous en sommes encore loin.

Mais si être féministe c’est seulement vouloir l’égalité alors on est tous féministe?

Mais au fait, c’est quoi le «féminisme» ?

Et bien non et l’inégalité  prospère. D’abord parce que les clichés ont la dent dure et que même si les lois ont été votées, le sexisme demeure. En pratique, le « féminisme » conserve une image dégradée voire dégradante alors que nous assumons toutes notre filiation (fille-iation ?) avec les générations précédentes grâce auxquelles nous avons des salaires égaux (au moins légalement), la pilule, les plannings familiaux (quand on y a accès), et les lois sur la parité, nous avons su nous adapter aux nouveaux media comme twitter, facebook ou youtube et nous avons rénové le militantisme. Nous sommes toutes d’accord sur l’idée qu’être discriminée parce que l’on est une femme n’est pas juste pourtant nous pouvons encore être frileuses vis à vis de ce qualificatif.

« Non, je suis pas féministe mais… »

Même dans les rangs des activistes, nous ne revendiquons pas toutes l’appellation. Je pense par exemple aux deux chanteuses du groupe Brigitte qui récusent le terme. Elles assument leur féminité, leur talent, leur vie de femme et de maman épanouie, leurs textes et leur posture sont clairement engagés pourtant elles expliquent ne pas être féministes. Mais pourquoi donc ?

Cela n’engage que moi mais j’ai tendance à penser que cela tient à la définition même du féminisme qui mérite elle aussi un sérieux dépoussiérage. Pour wikipedia, le féminisme « est un ensemble d’idées politiquesphilosophiques et sociales cherchant à promouvoir les droits des femmes et leurs intérêts dans la société civile. Il s’incarne dans des organisations dont les objectifs sont d’abolir les inégalités sociales, politiques, juridiques, économiques et culturelles dont les femmes sont victimes. ». VICTIMES, le mot est lâché.

Victimes des phallocrates, victimes des temps partiels et des salaires plus bas, victimes des violences et du harcèlement, victimes de nos maris flemmards, de nos pères rétrogrades, victimes de la publicité avec des filles qui n’existent que sur photoshop… VICTIMES !

Cette condition est pour le moins réductrice si ce n’est dérangeante et il est cohérent qu’elle soit reçue comme une posture pour les détracteurs qui ne réalisent pas que le féminisme n’est pas un ostracisme d’une catégorie pour ses propres intérêts mais la réponse mesurée à un problème de fond récurrent qui visent systématiquement les mêmes.
Mais au fait, c’est quoi le «féminisme» ?
Les femmes libres sachant dire « non » ou « merde » ou  “va te faire enculer connard” ne sont pas raccords avec cette position de victime. A mon sens, le féminisme tient davantage à l’ambition que nous avons pour nous-mêmes  au sein de la société et n’est pas une affaire de genre : un homme peut tout autant être féministe qu’une femme comme une femme peut tout autant être macho qu’un homme. A chaque génération sa progression mais le féminisme  en somme est en tout temps l’idée de devoir ne pas être jugé en fonction de son sexe, quel qu’il soit.

La définition en creux de wikipedia ne révèle pas que les féministes luttent contre tous les stéréotypes autant pour les femmes que pour les hommes, comme si les revendications ne tenaient qu’à se limiter à la défense d’un pré carré exclusivement féminin plutôt qu’au bénéfice de la société toute entière. Or c’est bien la remise en cause d’un modèle global pas de l’attitude des seuls Hommes ou de la condition des seules Femmes qui est évoquée, alors pourquoi cette définition si partielle ?

Justement parce qu’aujourd’hui, parler des femmes, c’est déjà revendicatif.


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