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Umar TIMOL : "L'HOMME QUI NE POUVAIT S'EMPÊCHER DE RIRE " (suite).

Par Ananda

 

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J’ai rencontré en route mon ex-professeur de français à l’université, Monsieur D. Il est vrai que mes souvenirs à son propos se résument à une caricature, cette tendance a élaborer des phrases interminables et incompréhensibles. Mais l’homme est brillant, il était au Collège Royal dans les années 60 et il était même parvenu à obtenir une bourse pour poursuivre ses études en France. Contrairement à ses amis plus conventionnels, il avait choisi de suivre des études de lettres. De retour au pays, il avait servi pendant quelques années dans un collège de l’état avant d’entamer une longue et belle carrière à l’université. Il est à la retraite depuis quelques années. Il affiche un look très particulier, avec une belle touffe de cheveux qui culmine au-dessus de sa tête . Je ne suis jamais vraiment parvenu à le situer idéologiquement, est-il de gauche ou de droite, avant-gardiste ou conservateur ?... Mais je crois qu’il était avant tout un empêcheur de tourner en rond, un type qui prenait un malin plaisir à démolir nos petites convictions bien confortables. On pouvait comparer son esprit à une sorte de broyeuse , une sorte de machine à réduire en poussière les pensées et idées des autres. Ne nous déclarait-il pas souvent : je ne suis pas là pour révéler la vérité mais pour interroger vos vérités ?. Et il le faisait avec talent…

Il aimait à se définir comme un intellectuel inscrit dans une longue tradition d’anti-connerie. Je suis, en d’autres mots, la machine anti-connerie ! ajoutait-il.

Nourrissant, par ailleurs, une certaine forme d’ estime à mon endroit, il avait même trouvé le moyen de me gratifier d’ un compliment dont j’ai gardé tous les mots en mémoire (ça ne s’oublie jamais, ce genre de chose !) : parmi tous les cons qui viennent défigurer les bancs de l’université vous êtes sans doute le moins con. Voilà qui, dans le contexte d’inflation perpétuelle de la connerie qui caractérise notre petite île paradis, n’est pas sans mérite.

Après m’avoir expliqué, pendant une bonne demi-heure, qu’il en avait marre de la retraire, que cette dernière n’était, au pire, qu’ un dépotoir et, au mieux, un purgatoire pour ceux qui attendent la mort, que notre société s’enfonçait tous les jours dans une médiocrité croissante, et que ladite médiocrité finirait bien pas nous péter à la figure, il me demanda s’il m’emmerdait et pourquoi j’affichais cette tête de mort.

Saisissant la balle au bond, j’en profitai pour lui toucher un mot de ma maladie. Ce fut sans broncher qu’il m’écouta parler, me permit de vider mon sac. Après quoi, sans attendre, il entreprit de me proposer son diagnostic, que je vous invite à lire ci-dessous :

Il n’est jamais possible de déceler les causes exactes d’une maladie, ce surtout si elle est psychique, le réel étant d’une complexité sans fins, nous sommes tous au fond des métaphysiciens en quête de sens et de vérité et je n’ai donc aucune solution à te proposer. Je pourrais te proposer plusieurs pistes, il semblerait que tu t’es déjà rendu chez un psychanalyste, on pourrait peut-être essayer aussi la voie de la mythologie ou encore celle des religions ou même celle du mysticisme, des différentes philosophies, de tous les continents, de toutes les époques. Les hommes ont de tout temps voulu comprendre leur destin. L’homme est avant tout un philosophe. Ainsi le Mauricien le plus con, le plus inculte, qui ne lit jamais, qui ne réfléchit que très rarement, même lui est, à son insu, un philosophe ! Je sais combien cette affirmation a de quoi paraître invraisemblable, mais je la maintiens : il est effectivement un philosophe parce qu’il est condamné, à l’instar de tous ces confrères, à la mort finale. Je n’ai donc rien à te dire de plus…. Par contre je me souviens qu’a l’université tu étais le moins con d’entre les cons, et donc, je crois pouvoir dire que tu es apte à trouver la solution tout seul. Au fond, la solution se trouve en toi, il te suffira d’accéder à cette zone intermédiaire qui se trouve juste sous la connerie. Ceci fait, je suis sûr que tu sauras alors. Qu’alors,tu comprendras !


Umar Timol

(à suivre)


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