Vitesse de croisière

Le transport aérien se porte bien, malgré les apparences.
La conjoncture est médiocre, l’Europe en crise, les Etats-Unis pessimistes, les grandes compagnies low cost marquent le pas. Mais la réalité des chiffres ne laisse pour l’instant aucune place au doute : le transport aérien se porte raisonnablement bien. Jacques Delys, directeur d’ID Aéro, évoque une situation qui tient tout simplement de la Ťvitesse de croisičreť, sachant que Ťla croissance du trafic oscille autour de la moyenne historique, environ +5% par anť. Un repčre confirmé il y a quelques jours par de nouvelles analyses prévisionnelles d’Airbus et Boeing.
Cet optimisme est pondéré par les données mitigées de l’IATA relatives au mois de juillet mais, estime Jacques Delys, Ťc’est lŕ une faiblesse qui ne veut rien direť. Et d’ajouter qu’il convient néanmoins de surveiller la situation de prčs, que la volatilité est grande, qu’il y aura inévitablement retournement, tôt ou tard. ŤIl convient d’utiliser tout ŕ la fois une loupe et une longue vueť, d’autant que l’expérience montre que l’évolution du trafic tient historiquement de la sinusoďde. Mais sans remettre pour autant en cause une tendance générale qui, inlassablement, depuis longtemps, nous ramčne aux sacro-saints 5% annuels.
En d’autres termes, il convient d’éviter soigneusement de se focaliser sur d’éphémčres épiphénomčnes. Les statistiques les plus récentes nous le rappellent éloquemment. En juillet, les calculs établis par ID Aéro confirment que la croissance du trafic est descendue ŕ moins de 4% dans les régions réputées faibles, qu’elle est aussi tirée vers le bas par l’Amérique du Nord, oů les chiffres sont actuellement négatifs, et par l‘Europe, fragile. Mais, dans le męme temps, le rebond du printemps arabe, d’une part, celui qui a suivi le tsunami japonais, d’autre part, ont eu un effet doublement favorable, conforté par l’année bissextile, un jour de trafic supplémentaire.
L’essentiel : de janvier ŕ juillet 2012, le trafic mondial a progressé de 5,8%. L’Europe s’est inscrite dans cette bonne moyenne, ŕ 5,5%, l’Asie-Pacifique a évidemment fait beaucoup mieux ŕ 7,2% et l’Amérique du Nord est restée ŕ la traîne, ŕ 1,7%. La notion de sinusoďde apparaît clairement si, d’un regard, on balaie la période 2008/2011. On y retrouve en effet les effets de la crise financičre, avec 17 mois consécutifs de grande faiblesse, ensuite une phase de forte croissance bričvement brisée par l’épisode du volcan islandais, puis des sursauts liés ŕ des phénomčnes météorologiques, les sursauts en Tunisie et en Egypte, la Libye, etc. On ne s’y fait pas et, pourtant, c’est désormais un constat d’une grande banalité, l’extręme sensibilité du transport aérien aux problčmes qui ponctuent la marche du monde.
Ici et lŕ, on croit déceler l’amorce de tendances nouvelles, la premičre d’entre elles étant de savoir si les low cost marquent le pas et, en quelque sorte, auraient tendance ŕ rentrer imperceptiblement dans le rang. Le fait est que depuis mars-avril 2011, leur taux de croissance, loin de son glorieux passé Ťŕ deux chiffresť, subit une nette érosion au point de se placer au męme niveau que celui des compagnies traditionnelles. On aimerait bien entendu ętre en mesure de comprendre s’il s’agit lŕ d’un phénomčne durable, toute conclusion étant pour l’instant prématurée.
Dans le męme esprit, le trafic des acteurs Ťtraditionnelsť européens surprend. Le cumul janvier-juillet montre une progression de 5,5% mais, récemment, le trafic intérieur s’est littéralement effondré (+ 0,7% en juillet) alors que la demande ŕ l’international est correcte. Il ne fait pas de doute que le groupe Air France, ŕ lui seul, explique en grande partie cette difficulté européenne, sachant que Régional et Britair se heurtent ŕ de sérieuses difficultés. Mais, lŕ encore, il convient certainement d’éviter de tomber dans un pičge que seule peut déceler la loupe. Mieux vaut s’en tenir ŕ la longue vue.
Pierre Sparaco - AeroMorning