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Aulnay: et si Hollande avait raison mais plus le choix ?

Publié le 13 septembre 2012 par Juan
Aulnay: et si Hollande avait raison mais plus le choix ? Ils sont en rage, et c'est normal. Dans l'opposition, ils sont encore nombreux à être persuadés d'avoir perdus les scrutins présidentiels et législatifs sur un malentendu. A gauche ou au Modem, on sait ce que c'est que de perdre ainsi. Cette fois-ci, le malentendu serait qu'on a mal évalué le bilan de Nicolas Sarkozy et qu'on lui a reproché de vouloir faire ce que François Hollande finalement se serait résigné à mettre en oeuvre: rigueur nationale, pacte budgétaire européen et chasse aux Roms.
Ces critiques oubliaient l'essentiel: Nicolas Sarkozy était le problème, il fallait le faire partir, l'éjecter d'un pouvoir qu'il avait abimé. Quant à espérer qu'une rigueur sarkozyste aurait été préférable à un redressement hollandais... c'est assez crétin de le dire.
Plus étonnant (ou pas), on découvre que nombre d'éditocrates n'avaient n'avaient pas lu le programme de François Hollande. Cette impression est troublante. Ces gens-là consacrent leur temps et leur colonnes à décortiquer le jeu politique sans prendre la peine quelques pages d'un calendrier ou une liste de promesse... Car on ne pourra accuser Hollande de n'avoir pas présenté son programme, ses 60 propositions, ni même un calendrier. Hollande avait bel et bien promis le redressement des comptes publics, où est la surprise, le revirement ou les hésitations ?
Que dire du traité européen ? Son adoption à l'Assemblée semble malheureusement acquise. Même si le Front de Gauche tente de mobiliser plus largement; même si des syndicats appellent à une grève que l'on devine modeste; même si cela créé des remous au sein d'un parti socialiste (faiblement) préoccupé à remplacer sa direction.
Mercredi soir, la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem était au Grand Journal de Canal+. face à elle, deux représentantes des sociétés Doux et PSA.
La confrontation fut rude et directe.
Car après le démantèlement du groupe Doux (et un bon millier de postes supprimés), la véritable information était à Aulnay-sous-bois, 3.000 postes supprimés prochainement. L'usine de PSA fermera puisque la direction l'a annoncée en juillet en dernier. Mais le gouvernement semble s'y plié. Certains prennent cela pour un renoncement, c'est facile, de bonne guerre et sans grand intérêt pour le site. L'orage a eut lieu en juillet, même si Arnaud Montebourg a pu laisser croire que la décision de fermeture serait remise en cause.
La nouvelle du moment était la remise d'un rapport, celui de l'expert mandaté par le gouvernement. Il désavoue pas la décision de fermer le site. L'information a fait la une du Monde mardi 11 septembre. Mais qu'a-t-il réellement écrit ?
C'est un réquisitoire.
En vrac, l'expert dénonce:
- la « dépendance de PSA au marché européen » (58 % de ses ventes)... Un marché... qui s'est effondré depuis l'été 2011 (un an déjà que tout cela est connu !), et qui n'est plus qu'un marché de renouvellement;
- une erreur stratégique, demeurer «constructeur généraliste », qui rend le groupe automobile fragile sur tous les segments, sur des modèles à faible marge, « pris en tenaille entre les autres constructeurs généralistes qui produisent des voitures à bas coût en Europe de l'Est et les constructeurs allemands (Audi, BMW, Mercedes), qui attaquent le milieu de gamme » (à l'exception de la gamme DS plus premium que le reste)
- un outil sur-dimensionné pour 4 millions de véhicules par an alors que l'entreprise n'a jamais dépassé les 3,6 millions en moyenne;
-  une «  stratégie tardive de développement international, dans une économie de l'automobile qui s'est mondialisée en moins de 20 ans.» Ou encore: « Avec le recul, la direction de PSA semble avoir manqué d’ambition dans l'internationalisation du groupe.»
- des dividendes toujours conséquents; « en juin 2011, PSA a versé 250 M€ de dividendes à ses actionnaires et racheté pour 199 M€ de ses propres actions » (après deux années sans dividendes).
Au passage, l'expert rappelle quelques curiosités bien négligées dans l'argumentaire de l'administration précédente. Comme celle-ci: « Le traité de libre échange entre l’Union européenne et la Corée du Sud, entré en vigueur le 1er juillet 2011, fait ainsi progressivement disparaître la taxe de 10 % imposée par l'Union européenne sur les automobiles importées de Corée du Sud. » Et oui... Mais qui nous avait prévenu, parmi les anciens Sarko-boys, les chantres du Président protecteur ?
La conclusion est sans appel: « dans l'immédiat, PSA doit d'urgence redresser la situation. En ce sens, la nécessité, dans son principe, d'un plan de réorganisation des activités industrielles et de réduction des effectifs n'est malheureusement pas contestable.» Et là, une fraction médiatique s'arrête, pose le stylo ou le micro. Et arrête de lire. La conclusion semble toute trouvée: PSA a fait des erreurs, mais la fermeture d'Aulnay est inévitable...
Il n'y a plus qu'à demander à François Hollande, en déplacement je-ne-sais-où ce qu'il pense dudit rapport, remis à son ministre redressé et productif Montebourg. 
Pourtant l'expert ne s'arrête pas là: il précise deux conditions. Primo, le plan dit de redressement (qui comprend la fermeture d'Aulnay) doit s'accompagner d'un plan de développement ... visiblement non identifié à ce jour. Deuxio, l'expert dénonce la décision de la direction de fermer Aulnay sans davantage d'évaluation. La remarque porte. Jugez plutôt: 
« La direction de PSA porte son choix sur l'arrêt d'une ligne d'assemblage, celle de l'usine d'Aulnay, choix douloureux pour la France. En revanche, elle évacue rapidement la possibilité d'arrêter son usine de Madrid, qui souffre pourtant de nombreux défauts (usine ancienne, de faible capacité, en ville, éloignée de ses fournisseurs) et dans laquelle elle a engagé des investissements en vue d'y produire un nouveau modèle, la E3 (E cube). On peut regretter que PSA n'ait pas mené, sur l’avenir de ses sites industriels, une réflexion d’ensemble qui laisserait aujourd’hui davantage d’options pour faire face à sa situation actuelle de surcapacité et à un marché automobile européen très inférieur aux prévisions. »
L'expert continue sur les précautions nécessaires et quelques (nécessaires) mises en gardes: aucun plan de revitalisation du site, absence d'évaluation de l'impact sur la sous-traitance, ni sur la RD du groupe, etc... Il rappelle qu'il n'a eu accès qu'aux données financières publiques.
Bref, l'histoire pourrait continuer.
Ce jeudi, le patron de PSA est donc reçu par le ministre du Redressement Productif.


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