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La mauvaise foi des bonnes âmes

Publié le 15 septembre 2012 par Beniouioui

Comme chaque jour, chaque semaine, chaque mois, la communauté des hommes assiste avec effroi à sa propre incapacité à mettre en pratique le principe de charité. Cela fait des siècles que l'être humain se complait dans son égocentrisme mais il ne s'y habitue pas. Il pourrait faire le cynique, hausser les épaules, sourire avec des dents de requin, mais non, il baisse la tête et se cherche de grandes excuses. Une bonne âme pour cacher sa mauvaise foi.

Ces derniers jours, nous avons eu droit à la mauvaise foi de l'ami des pauvres. Celui qui utilise la veuve et l'orphelin pour avoir le droit de traiter de "riche con" un homme, Bernard Arnault, qui pense différemment. En voyant cette une de Libération, j'ai sursauté. Comment ont-ils osé? Puis je me suis souvenu des Tontons Flingueurs : "les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnait." Critiquer les riches en osant la vulgarité pour vendre du papier. Libération est finalement très capitaliste. Néanmoins, je serais Vincent Peillon, je proposerais quand-même à Nicolas Demorand de retourner à l'école pour suivre des cours de morale.

Dans le même temps, nous avons eu droit à la mauvaise foi du défenseur de l'égalité. Cette semaine, c'était Christiane Taubira qui présentait son projet de loi sur le mariage homosexuel dans la Croix. C'est finalement un début de dialogue entre ennemis. Osé mais pas con. Le mariage homosexuel est symptomatique de notre difficulté à aimer véritablement. A avoir une bonne âme mais une mauvaise foi. Lorsque nous cotoyons nos amis homosexuels, que nous les aimons, nous nous sentons parfois impuissants. S'ils veulent se marier, qu'ils le fassent. Dans le fond, je pense pourtant que n'importe quel parent ressent intuitivement la limite du mariage gay et de l'adoption. Ils savent que si par malheur ils étaient contraints de confier leur enfant à une famille, ils choisiraient une famille traditionnelle emplie d'amour plutôt qu'un couple homosexuel ou une famille monoparentale. La question ne se pose donc pas. Chacun comprend que les différences physiques, physiologiques, hormonales, psychologiques, anthropologiques sont autant de dons que des parents doivent offrir à leurs enfants. Notre vocation familiale est justement de nous décentrer, sortir de notre volonté propre, de notre "moi je", de notre désir pour donner gratuitement à nos enfants. Nous savons qu'il faut parfois dire non à nos amis par amour et donc aujourd'hui dire non à nos amis homosexuels. L'Eglise qui est en pointe dans ce débat l'explique magnifiquement ici et . Mais elle n'est pas seule. Lionel Jospin, Jean-Marc Ayrault eux-mêmes l'ont déjà affirmé. Les juifs, les musulmans le proclament également, pas assez fort d'ailleurs. Les discussions individuelles que j'ai avec les uns et les autres me démontrent chaque jour que nous en sommes tous fondamentalement conscients. Mais voilà, il y a cette petite mauvaise foi intéressée qui ne veut pas se décoller. Oublions-la. Effaçons-la. Hétérosexuels, homosexuels, nous sommes tous égaux devant Dieu. Nous sommes aimés de la même manière et c'est là l'essentiel révolutionnaire. Nous avons tous une vocation, une "place dans le plan de Dieu" pour reprendre une expression de Benoit XVI. Mais une place différente que notre riche vie nous fera découvrir. 

Puis nous avons eu droit à la mauvaise foi du combattant de la liberté. Ce journaliste qui critique les autres mais oublie de temps en temps la poutre dans son oeil. Ce paparazzi qui fantasme devant les seins d'une princesse sans se soucier de ce qu'elle peut ressentir en voyant son corps, son intimité, son être violé par des magazines et des millions de lecteurs. La polémique entourant les photos de la poitrine de Kate Middleton peut sembler anecdotique voire faire sourire; pourtant elle est fondamentale si on veut bien l'intégrer à une réflexion plus large sur la responsabilité des médias. Toute liberté implique une responsabilité. Nous sommes libres lorsque nous orientons nos actions vers le bien commun et cette orientation se nourrit d'une raison responsable. Il est temps d'agir et aussi d'organiser la société de manière que toute personne puisse se développer en dignité et en sainteté. Les médias ne peuvent plus balancer des programmes avilissants, publier des informations non discernées voire fausses, violer l'intimité des gens. Nous méritons d'avoir des médias responsables, eu égard à notre dignité d'êtres humains. Souvenez-vous de cette phrase de Nicolas de Tavernost (alors Directeur Général de M6) qui déclarait en 1997 dans Paris-Match : « "Je passe ma journée à essayer de scotcher les individus devant la télévision et le soir je passe mon temps à essayer de descotcher mes enfants. Je fais un véritable métier de schizophrène."  Quand ferons-nous enfin un Grenelle des Médias pour réfléchir à leur rôle, leur devoir, leur liberté responsable?

Enfin nous avons eu droit à la mauvaise foi du peuple insulté. C'est un sujet sensible mais que personne ne doit maintenant éviter. Il est évidemment totalement scandaleux et anormal qu'un film stupide et insignifiant déclanche une violence meurtrière dans les pays arabes. Combien de films ont attaqué le Christ? Combien de films ont appelé à la haine des juifs? Rien ne les justifie bien-sûr; la liberté d'expression artistique doit également avoir sa limite raisonnable et responsable. Mais rien ne justifiera jamais des manifestations meurtrières. Il faut savoir aimer ses ennemis. C'est un sujet complexe, car il va bien au-delà de ce film. Le ressentiment des peuples qui hurlent dans la rue est plus profond que cette goutte d'eau cinématographique. Mais il y a urgence. L'urgence d'un pape qui va au Liban en ouvrier de paix. "La raison doit prévaloir sur la passion unilatérale pour favoriser le bien commun de tous", nous rappelle Benoit XVI. Urgence aussi d'une découverte de la charité universelle dans le monde musulman. Dans une interview dans le Figaro, le père Manuel Moussallam, curé de Gaza, avait eu cette phrase : "nous n'avons pas la même vision du monde : notre vocation de chrétiens, c’est le vivre ensemble universel; pour l’islam, c’est la communauté." Il est urgent que les visions se rejoignent.

La mauvaise foi est aussi celle de ma bonne âme qui zoome subjectivement sur la mauvaise foi des autres... Je m'associe donc à tous pour demander pardon et découvrir la charité.

Lundi et mardi, nos cousins juifs fêteront Roch Hachana qui leur enseigne que Dieu a créé le monde et qu'Il ne manque jamais de se souvenir des hommes et de leurs difficultés. Alors que l'ensemble des croyances ancestrales, y compris la philosophie grecque, divinisaient le monde, les prophètes ont séparé Dieu et l'univers et ont posé le principe d'un dieu créateur. Cette révolution philosophique pourrait nous conduire à réfléchir à notre humanité faite à la ressemblance de Dieu.

10 jours après Roch Hachana, les juifs fêteront Yom Kippour, le jour du grand pardon. 10 jours pour se souvenir de ses fautes et demander pardon à ce Dieu qui a créé les hommes. Pourquoi ne pas utiliser les 10 prochains jours pour analyser notre mauvaise foi et retrouver le sens de la charité?

Il est temps qu'à l'image de Saint Pierre dans l'évangile de dimanche, l'humanité puisse réfléchir à la question que lui pose le Christ : "pour vous, qui suis-je?". De sa réponse dépend la bonne foi de nos bonnes âmes.

Shana Tova !


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