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La santé est donc acquise, que le poète se mette en route de couper quelques rameaux en hommage à sa déesse. Ou est-ce dire, par ces Etrennes à Strenia, que l’apaisement l’emportera désormais ?
Une fois encore le sentiment que le réel dans son évidence échappe. Que la large anse qu’il offre en écho à la courbure de l’œil dénude à peu près la langue, fuie à l’enclos avec lequel elle se porte aux choses. Il est comme un port auquel on aborde sans cesse dans ce qu’il offre à voir, à sentir, mais défait de toute définition. Seule la poésie peut-être permet que tout ne disparaisse pas et porte, au contraire, les sensations.
Philippe Blanchon, dans ce dernier recueil, parle en parallèle de l’expérience de vie du peintre et du poète, à cheval sur le senti et le vu. Il remémore les trajets, le compagnonnage, ce goût partagé d’une certaine forme de solitude ou d’indépendance : aller sur le motif ou engager son être dans ce qui vient à soi du monde, rien d’autre que cette vérité là. Sensation à vous gonfler le ventre que le poète dira plusieurs fois paradis. C’est l’âme apaisée, amicale, qu’il évoque le métier, le jeu avec les pairs, avec une certaine idée de la poésie qu’il faudrait briser (« démantèlement », « rupture du mètre »), considère sa position dans le monde dans lequel « du sang véritable a été répandu », ce qu’il lui faut concilier, « unir en [son] centre ». Six brefs poèmes comme autant de digressions sur le chemin, précieuses, claires, vivifiantes.
Philippe Blanchon, Etrennes à Strenia, éditions La Termitière. 3,86€