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Kuduro, Afro-House.. ou quand la musique africaine (lusophone) se met à l’électro.

Publié le 15 septembre 2012 par Maybachcarter

 J’ai toujours souhaité partager mes analyses perso des tendances culturelles contemporaines (Musique, Ciné etc) en Afrique, mais je me demandais si ça intéresserait grand monde. Ce fût le cas, à ma grande surprise, pour cet article sur le Hip Hop camerounais. Puisque j’ai eu de très bons retours,  j’ai donc décidé de réitérer l’expérience.

Comme vous avez dû le remarquer, je suis très portée depuis un an ou deux sur la musique urbaine nigériane et ghanéenne. Même si je ne me considère pas comme une experte dans le domaine, on peut dire que je commence à plutôt bien m’y connaître. Fin 2011, j’ai commencé à explorer d’autres courants musicaux africains contemporains, et plus particulièrement la scène lusophone.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je tiens à préciser (au cas où des puristes passent par là) que je suis une novice et que ce qui va suivre n’est qu’observations et analyses personnelles.

La première problématique que j’ai eue est la langue. Je ne comprends rien au portugais, bien que sa proximité phonique avec l’espagnol me facilite un peu les choses. Ceci dit, j’ai très vite remarqué que comprendre la langue ne serait pas forcément un problème pour apprécier la musique.

En Afrique, lorsqu’un courant musical cartonne hors de son pays, il va se répandre en Afrique de l’Ouest, de l’Est et du Sud. Rien d’anormal me direz-vous. Seulement, à l’intérieur de ces zones, certains pays ne seront pas concernés..En raison de la langue notamment. On a tendance à penser Anglais et Français, mais n’oublions pas qu’il y a des pays hispanophones et lusophones en Afrique également. Pour ces derniers, je dois dire – en toute honnêteté – que ce n’est qu’il y a un an que j’ai commencé à m’y intéresser, notamment l’Angola et le Mozambique.

J’ai commencé mon “initiation” avec des chanteuses R&B ou les rappeuses. Je vous laisse découvrir mes 3 coups de coeur:

Bruna Tatiana (Angola) – Très populaire, elle a fait une émission de télé-réalité (Big Brother Africa) et chante principalement du R&B ou du Kizomba (Zouk angolais).

Lizha James – Je pense pouvoir dire qu’il s’agit de la Beyoncé du Mozambique.

Elle chante en portugais, en langue locale (le Xichangana) et en anglais.

Ici elle est en duo avec la chanteuse angolaise Perola (elles portent toutes les deux des robes du designer mozambicain Taïbo Bacar).

Dama Do Bling – Indiscutablement la plus célèbre des rappeuses du Mozambique.

J’ai ensuite commencé à creuser un peu plus, et j’ai découvert la scène électro lusophone, avec deux genres qui se ressemblent tellement parfois que j’ai du mal à les différencier: le Kuduro et la AfroHouse angolaise.

La House Music a toujours pioché dans les sonorités africaines depuis des années, on parlait alors de “Tribal House“. Généralement, il s’agissait de DJ européens qui sélectionnaient des chants traditionnels africains, puis en incluaient certains extraits dans leurs mix. Ou encore s’inspiraient des rythmes de ces chants pour construire une chanson autour. Aujourd’hui, la scène Afro-House a ceci de différent qu’elle est conçue par des artistes africains eux-mêmes, et qu’il ne s’agit pas uniquement de samples. Ils créent des chansons, puis des danses, voire toute une culture autour.

La House africaine existe depuis très longtemps, et un des pays pionniers est l’Afrique du Sud, avec le courant musical intitulé “Kwaito“.

Même si le Kwaito a débordé hors de ses frontières naturelles pour pénétrer la Tanzanie ou le Kenya, on ne peut pas dire qu’il se soit vraiment fait connaître à-travers l’Afrique. Cela n’empêche qu’il était annonciateur de la direction que prendra la musique urbaine africaine dans son ensemble.

Ce n’est peut-être que mon avis, mais je trouve qu’avec le temps, les rythmes africains s’accèlerent de plus en plus. On va vers une espèce d’époque très “Dance“, où les chansons sont plutôt Uptempo, avec moins d’instruments habituels (synthé, basses, etc) et une plus grande omniprésence des drums en général (batterie, percussions, tambours). D’ailleurs, en dehors du Kwaito, on peut parler du Logobi aussi.

Le Coupé-Décalé à la base, c’est un courant musical plutôt “mid tempo”, avec un rythme moyen sur lequel on danse sans trop de difficultés. Sans oublier que la guitare et les drums sont (souvent) très inspirés du Ndombolo congolais.

Si je ne me fie qu’à mon oreille, le Logobi est un dérivé électro du Coupé-Décalé. Les chansons Logobi reprennent le lexique du coupé-décalé, mais le rythme est bien plus rapide, et on reconnaît bien les drums de l’électro. Quant aux pas de danse, ils sont un croisement entre zouglou, break dance et ndombolo.

Et si vous écoutez une chanson de Douk Saga (un des créateurs de coupé-décalé) et une chanson de Dj Arafat datant de 2012, la différence au niveau du son me paraît très évidente. Certains ont déclaré que mettre de l’électro dans ce style musical permettrait au coupé-décalé de devenir plus “pop”, et qu’il soit accessible à un plus large public. Je trouve que c’est plutôt discutable, mais on en parlera une autre fois.

Dans ce processus de fusion électro qui touche donc la musique africaine depuis un moment, l’exemple de l’Angola me paraît très intéressant, pour plusieurs raisons.

En France, la véritable (mais éphémère) percée de la musique angolaise s’est faite avec le tube “Tchiriri“, qui a introduit le phénomène musical “Kuduro”.

Cap-verdiens et angolais se disputent régulièrement la paternité du Kuduro (“Cul dur” en français), mais après avoir recoupé mes diverses sources, je pense pouvoir affirmer que ce genre musical est originaire d’Angola. Né dans les quartiers populaires de Luanda (capitale de l’Angola) dans les années 90, il s’est ensuite exporté au Portugal (via la diaspora), avant de s’étendre vers d’autres pays lusophones. Le Kuduro est une danse bien sûr, mais un style musical aussi, qui mêle électro et semba (danse angolaise).

Le succès du Kuduro est, je pense, en partie dû au côté collectif de la danse, qui a de quoi rappeler les fêtes de quartier…. ou le Cha Cha slide.

Le genre est en pleine ébullition , et comme pour le coupé-décalé où tout le monde s’auto-proclâmait chanteur ou Dj, tout le monde s’auto-proclâme “kudurista” (chanteur de Kuduro).

La dernière génération d’artistes, celle qui est née avec/dans le Kuduro,  a créé un dérivé du genre. Le beat est plus rapide, c’est moins chantonné, et surtout les influences sont beaucoup plus internationales. On y retrouve un soupçon d’EuroDance des années 90, du kuduro traditionnel et surtout.. de la Funk Carioca (que j’adore !).

Qu’est-ce que c’est ? Pour faire court, la Funk Carioca ou Baile Funk est une musique née dans les favelas dans les années 80. Elle se compose essentiellement de percussions, de saxo/trompette et d’une voix qui rappe ou parle par-dessus. C’était (et ça l’est encore) très populaire parmi les classes populaires, avant de devenir plus “mainstream”.

La nouvelle génération d’artistes angolais a donc injecté ça à sa musique.  Et dans ce domaine, l’artiste qui me semble le plus populaire est Cabo Snoop. Il est une (sinon LA) signature importante de PowerHouse, un des labels les plus en vue en Afrique lusophone.

En dehors de lui, il y a également de jeunes garçons (MES CHOUCHOUS !), les “Power Boyz“.


(Tourné au Cap Vert)

Comme vous pouvez le voir, en dehors du son, il y a tout un look derrière qui rappelle celui des Fluo Kids parisiens de l’époque: pantalons slims, t-shirts très moulants, allures de pré-pubères et gadgets équivalents (sacs à dos, lunettes de nerd etc).

Je ne sais pas si c’est dû à la proximité géographique avec la RDC, mais j’ai trouvé aussi beaucoup de ressemblances entre l’Angolan House et le Kotazo (style musical né dans les banlieues de Kinshasa).

Ensuite, certains pas de danse sont souvent très ressemblants à ceux du Ndombolo…

… sans parler de la langue Kikongo, qui sonne (à la première écoute) comme du Lingala.

Un des avantages de la house angolaise est que l’on puisse danser tout dessus, de l’Azonto à des pas de Makossa. Mais est-ce que cette musique peut réellement s’exporter en zone anglophone ou francophone ? Je me pose encore la question. Les artistes d’Afrique subsaharienne sont encore TRES cloisonnés, en fonction de leurs régions d’origine. Ca se comprend bien sûr, mais je pense qu’on se dirige vers une fusion musicale inter-régionale encore plus grande qu’elle ne l’est actuellement. C’est ainsi que dans un futur plutôt proche, on pourra avoir de l’Afro-électro mozambicaine chantée par une artiste béninoise… ou comme je l’ai vu il y a un mois, du coupé-décalé kenyan.

Je ne pouvais pas vous laisser sans une petite sélection de mix Kuduro Dance, Afro-House et Baile Funk à écouter et télécharger. A consommer sans modération (et succès garanti pour animer vos soirées):

Je vais bientôt me mettre à la zone Est (Kenya – Tanzanie – Ouganda – Rwanda)

:)


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