Madame ou mademoiselle, ça flatte ou ça clashe.

Mademoiselle, la case en trop par osezlefeminisme
"C'est Madame ou Mademoiselle ?" Je croyais la question réglée et ne m'en posais plus à ce sujet. Mais un récent épisode auquel j'ai assisté (et que je m'en vais vous conter) a ranimé en moi ce questionnement que je croyais dépassé. Voilà en quelques mots, la scène dont j'ai été un témoin mi-amusé, mi-inquiet. Assise dans la salle d'attente de ma dentiste pour mon petit détartrage de rentrée, le nez dans un vieux magazine dit 'féminin' (là aussi, il y aurait beaucoup à dire mais je garde ça pour une prochaine fois... 'perdez rien pour attendre), j'entends la porte du cabinet s'ouvrir. Une vieille dame en sort, marchant aidée d'une canne, la main de la jeune dentiste lui soutenant le dos : "Voilà, prenez votre temps, ne vous tordez pas un pied. Allez, à la semaine prochaine Madame F***." La vieille de répondre : "Oui, à la semaine prochaine Madame. (Et se retournant brusquement) Enfin, c'est Madame ou Mademoiselle ? Parce que je ne sais pas..."  Tout aussi subitement que la mémé s'était retournée, je vois le visage de ma dentiste changer de couleur et perdre l'expression affable qu'elle affichait une seconde plus tôt en répondant : "C'est Docteur !" La mamie, sans doute plus têtue que sourde répète : "Mais c'est Madame ou Mademoiselle ? Je ne sais pas si vous êtes mariée..." Après un rire un brin citronné, la dentiste répond : "Ne vous en faites pas, pour ce que je vous fais, Docteur suffit amplement, allez à la semaine prochaine pour enlever les deux dents qu'il vous reste !" Manifestement vexée de voir son intimité buccale ainsi dévoilée aux autres patients, la vieille cesse alors son interrogatoire et part la tête tournée vers sa canne. "Mme 16h30, (c'est moi et à cet instant, je me demande si je ferais pas mieux de reporter à un autre jour, un jour où personne ne l'aura contrariée juste avant que je passe sur son fauteuil à roulette), Mme 16h30 ? Allons-y, je vous prie." Et j'y vais. A peine la porte est-elle fermée que la dentiste commence à nous prendre à témoin, l'assistante et moi : "Non mais vous avez entendu ça ? (Elle minaude) Madame ou Mademoiselle ? J't'en pose des questions ! Vieille mmm... Pardon, ce n'est pas bien. J'ai du respect pour les personnes âgées, mais des questions d'un autre âge comme ça, ça me hérisse." Elle met son masque, chausse ses gants, prend son appareil à ultra-sons et commence à faire ce que je déteste et que les dentistes font tous. Au dessus de ma bouche grande ouverte inondée d'un côté par le détartreur et sucé de l'autre par l'aspiration gargouillante, elle part dans un monologue : "Sérieusement, ça veut dire quoi 'Mademoiselle', c'est une question d'âge ? C'est pour les célibataires ? Ou tant qu'on n'a pas eu d'enfant ? Ou pourquoi pas, tant qu'on a pas fait youpla boom ? Pardon, excusez-moi, enfin on a presque le même âge, vous me comprenez... (Qu'est-ce que j'ai fait de ne pas reporter mon rendez-vous... J'acquiesce histoire de pas l'énerver et surtout parce qu'avec tout le bazar que j'ai dans la mouille, je ne peux guère développer ma pensée, obnubilée à cet instant précis par un instinct de conservation exacerbé comme rarement dans ma vie). Je sais qu'elle est d'une autre époque, mais que c'est pénible !" S'ensuit alors une autre chose que je n'apprécie pas chez les dentistes, à savoir quand le praticien et son assistante (d'ailleurs, pourquoi y a-t-il aussi peu d'assistants dentaires ? Ahh, le sexisme est partout, bon sang!) discutent entre eux comme si le patient n'était pas là. En l'occurrence, je l'aurais bien bâillonnée, l'assistante, parce que malgré mes yeux implorants qui lui crient en silence : "Pitié, ne me l'énerve pas plus !", elle se met à défendre l'usage du 'Mademoiselle' : "Moi, j'ai une fille, vous le savez et j'ai 51 ans. Et bien quand on m'appelle Madame, je corrige 'c'est Mademoiselle', sinon, comment voulez-vous que l'on sache que je suis célibataire ! Je ne retrouverai jamais personne si les hommes pensent que je suis mariée." Je vais lever le suspense tout de suite, je n'ai pas été blessée, je n'ai même pas eu mal pendant ce détartrage. Mais j'ai passé les trente minutes les plus longues de ma vie, angoissée à l'idée d'un instrument qui dérape et me déchiquette les muqueuses ou pire encore. Je sais, vous vous dites que je dramatise, mais dans ce genre de situation, mon imagination devient digne d'un scénariste de Twin Peaks. Avec du recul, ce qui est sûr, c'est que : - je retournerai chez ma dentiste parce que j'ai trop peur d'avoir de gros soucis si je zappe les contrôles, mais je prendrai rendez-vous le matin pour la voir de bonne humeur, - concernant le 'Mademoiselle', une énième circulaire l'a fait disparaître des formulaires administratifs en février 2011, tout comme les 'nom de jeune fille', 'épouse X' et 'veuve Y' au profit d'un 'nom d'usage' ou d'un 'nom de naissance' beaucoup plus neutres. En y réfléchissant bien, si je me suis parfois sentie flattée de me faire appeler 'Mademoiselle' à la caisse d'un magasin ('Chouette, j'ai encore l'air jeune'), le terme sonne tout de suite moins bien quand on m'adresse un reproche. Il devient alors à peine plus poli qu'un 'Ecoute, ma p'tite...' bien condescendant. En résumé : on a droit à 'Madame' quel que soit notre âge, notre statut marital ou encore notre parturité, de même que l'on peut garder son nom de naissance en étant mariée. Mieux, savez-vous qu'un mari peut ajouter à son nom de famille celui de son épouse ? Et vlan dans la tronche de ceux qui font des blagues sur 'Monsieur Merkel'. Que le mari d'Angela se fasse appeler Merkel, ce n'est pas drôle, c'est juste possible. Vlan et vlan ! Au passage, un petit lien vers un site qui m'a été très instructif pour la rédaction de ce billet, réclamé par l'un de mes (rares) abonnés...
Et pour finir en rigolant sur le sujet...
Le Père Noel est Une Ordure - Zézette épouse X par Films-Comiques