Selon la définition de Christiane Taubira, nul doute que les lois qui ont obligé les Juifs à porter l’étoile jaune ou celles qui ont décrété le massacre de tout individu lettré chez Pol Pot ont été respectueuses de l’état de droit.
Par Jacques Garello.
Article publié en collaboration avec l'Aleps.
Christiane Taubira
Etat de droit ou voie de fait ? Egalité ou cécité ? Démocratie ou absolutisme ? Liberté ou Servitude ?
Je ne sais comment qualifier l’argumentation de Christiane Taubira, dans son interview à La Croix lundi dernier. Madame le ministre de la justice s’est exprimée sur le projet qu’elle soumettra au Parlement au cours de cette session de rentrée : reconnaissance du mariage homosexuel, adoption d’enfants par des couples homosexuels, mais (pour l’instant et sous réserve du zèle de quelque parlementaire) pas de procréation médicalement assistée, ni de légalisation des mères porteuses.
Ces mesures sont d’une gravité exceptionnelle, partisans et adversaires en conviennent. Mais les arguments avancés par Christiane Taubira sont assez explosifs.
D’abord, cette dame a une conception assez originale de l’état de droit : « Nous sommes dans un état de droit, le code civil va être modifié, il s’impose à tous, y compris aux maires ».
L’état de droit consiste donc à se soumettre servilement à toute législation votée par une assemblée éphémère. Habituellement, on entend par état de droit une situation dans laquelle tout le monde, y compris les dépositaires du pouvoir, doivent se soumettre au droit, qui n’a pas pour origine le législateur, mais la nature de l’être humain, sa liberté et sa dignité. Pour Madame Taubira, nul doute que les lois qui ont obligé les Juifs à porter l’étoile jaune ou celles qui ont décrété le massacre de tout individu lettré chez Pol Pot ont été respectueuses de l’état de droit.
Ensuite, elle invoque l’égalité. « Les dimensions philosophiques et anthropologiques entourant le mariage ne peuvent venir percuter l’exigence d’égalité ». Une égalité percutante en effet, qui nie la diversité, la personnalité, qui nivelle mais à quel niveau ! Il faut être aveuglé par l’idéologie pour nier l’importance du genre et penser que la distinction entre homme et femme ne doit rien à la nature et tout à la société.
Mais le projet gouvernemental respire la démocratie : « nous allons consulter ». Qui ? Des élus, des maires, des personnalités, des associations. Tous interlocuteurs naturellement choisis par le pouvoir. Et si l’on donnait la parole au peuple, sous forme de referendum, après un délai de réflexion et de campagne suffisamment long pour que le vote échappe à la démagogie ? En fait, une fois de plus voici la démocratie déformée en règle de la majorité d’un moment, exerçant sa tyrannie et réduisant les minorités au silence. De tels excès sont fréquents chez les socialistes, mais aussi chez les étatistes. On se rappelle la fameuse phrase de Laignel : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ».
Nous prenons ainsi la route de la servitude et la liberté est broyée par la machinerie politique.
Même si la forme est exécrable, je voudrais maintenant en venir au fond, car il y va de la liberté, il y va de la société.
Dans une société de liberté, la séparation entre sphères publique et privée est nette. L’Etat est subsidiaire, le pouvoir politique ne s’occupe que de ce qui implique un recours à la coercition – en principe pour défendre la liberté et la propriété de chaque individu, pour faire respecter les droits fondamentaux de la personne humains. Le mariage et, de façon plus générale, les relations entre personnes, sont avant tout affaires privées. Ces affaires sont souvent éclairées par les convictions religieuses des intéressés. La liberté religieuse a été à l’origine de toutes les libertés publiques. Or, les quatre principales religions pratiquées en France, catholique, protestante, juive et musulmane, condamnent et le mariage gay et l’adoption des enfants par un couple homosexuel. La laïcité ne consiste pas à imposer par la loi ce que la foi religieuse réprouve. Tout au contraire elle devrait tenir l’État à l’écart de ces choix personnels.
Le mariage est-il « d’ordre public » ? Les rédacteurs du Code Civil l’ont cru. En fait les dispositions que les individus prennent pour constituer une famille, organiser un patrimoine, doivent être sans doute connues de tiers – mais ni plus ni moins que leur situation, leurs talents ; elles peuvent faire l’objet de libres contrats.En fait, le mariage s’inscrit dans une perspective de vie familiale sur laquelle repose toutes les sociétés. On ne saurait donc distinguer le mariage de la parenté. La famille - est-il besoin de rappeler ce qui devrait être banal – est la cellule de base de la société. Elle assure l’éducation, la transmission d’un patrimoine culturel, elle donne un sens au travail et à la propriété. Elle constitue et entretient le « capital humain », atout décisif du développement économique et du progrès social.
Enfin et surtout, une société se déshonore quand elle livre l’enfant au caprice des adultes. Il n’y a pas de « droit à l’enfant », il y a un « droit de l’enfant » : droit à avoir un père et une mère, droit à appartenir à une famille durable, droit à un lignage.
Toutes ces notions relèvent en effet de « l’anthropologie », à laquelle Madame Taubira veut bien se référer. Mais la nature de l’être humain, le souffle qui nous anime, nous appelle à un épanouissement, à une harmonie, tout enfant y a droit, tout adulte peut s’en faire un devoir. La nature de l’être humain lui commande de ne pas confondre l’amour et le sexe, la liberté et la licence. La liberté n’est pas une valeur absolue en soi, elle est un choix, et elle est faite pour s’ordonner à la dignité de chacun. « Liberté des actes, dignité des personnes », disait Jean Paul II. J’en reste, pour ma part, à ce message, qui a pu passer à travers les siècles de la civilisation et qui devrait sans doute éclairer notre siècle que guette la barbarie.
Comme beaucoup de libéraux, mon choix pour la liberté n’est pas au seul vu de son efficacité, il est surtout guidé par sa dimension éthique – ou du moins ce que j’en sais.
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