Tout est mensonge : aime pourtant,
Aime, rêve et désire encore ;
Présente ton coeur palpitant
À ces blessures qu’il adore.
Tout est vanité : crois toujours,
Aime sans fin, désire et rêve ;
Ne reste jamais sans amours,
Souviens-toi que la vie est brève.
De vertu, d’art, enivre-toi ;
Porte haut ton coeur et ta tête ;
Aime la pourpre, comme un roi,
Et, n’étant pas Dieu, sois poète !
Rêver, aimer, seul est réel :
Notre vie est l’éclair qui passe,
Flamboie un instant sur le ciel,
Et se va perdre dans l’espace.
Seule la passion qui luit
Illumine au moins de sa flamme
Nos yeux mortels avant la nuit
Éternelle, où disparaît l’âme.
Consume-toi donc ; tout flambeau
Jette, en brûlant, de la lumière ;
Brûle ton coeur, songe au tombeau
Où tu redeviendras poussière.
Près de nous est le trou béant ;
Avant de replonger au gouffre,
Fais donc flamboyer ton néant ;
Aime, rêve, désire et souffre !
Henry CAZALIS (1840-1909).
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