Le rapport de l'Inspection Générale des Finances rendu public lundi 17 septembre fait nécessairement du bruit. En période de
crise des finances publiques, les recherches d'économies frappent tous azimuts. Voici donc l'IGF qui s'est attardée, des mois durant, sur ces agences de l'Etat aux statuts publics mais
variés.
Elle en a recensé 1.244 en 2010, dont 1.101 étaient dotées d'une personnalité morale. Les seuls opérateurs, un sous-ensemble
de l'enquête, représentent 20% du budget de l'Etat et de ses effectifs. Dans ces agences, l'IGF regroupe les Agences de la santé et du secteur médicosocial (Haute Autorité de la Santé, ARS
Rhône-Alpes, etc), les Agences du développement durable (Agence de l'eau, Etablissement Public du Marais Poitevin, etc), les Agences de financement, les Agences de la culture (Château de
Chambord, CNC, BNF, Musée d'Orsay, Palais de Tokyo, etc), et la centaine de Services à Compétence Nationale (Ecole nationale des finances publiques, etc).
Bizarrement, la « Fabrique de l'opinion » n'a pas marché à plein. Elle a bien retenu qu'il se passait quelque chose
de bizarre au royaume de France depuis 2002 et, en particulier, depuis 2007. Le Parisien fut à ce titre exemplaire, quant il publia lundi
les principaux résultats de cette enquête de l'IGF. Mais la Fabrique s'interrogea peu sur les responsabilités du passé - aucun sondage ne fut
lancé ce lundi avec la question fatidique: trouvez-vous normal que l'on découvre de tels cadavres dans les placards ?
Car il y avait quand matière à s'interroger.
Ou bien.
1. Nicolas Sarkozy avait bien caché la poussière sous le tapis: comment comprendre qu'il ait réduit les effectifs de la Fonction publique de quelque 150.000 postes en 5
ans, tout en ayant laissé augmenté ceux de ces agences publiques de près de 30.000, sans compter les recrutements induits dans les administrations de tutelle ? Au total, l'IGF pose la question de
quelque 60.000 postes...
2. L'IGF révèle aussi les limites de la gouvernance publique, que l'on croyait remise à plat et normalisée
depuis la fameuse Révision Générale des Politiques Publiques mises en oeuvre sous la droite depuis 2002. Les ministres du Budget successifs Jean-François Copé, Eric Woerth, ou Valérie Pécresse se
sont souvent gargarisés de ces travaux. Et qu'apprend-t-on aujourd'hui ? « Il n’existe pas, actuellement, de recensement exhaustif de toutes les entités à la fois contrôlées par l’État
et exerçant pour son compte des missions de service public non marchand.» En d'autres termes, Copé, Woerth et Pécresse n'étaient donc que des incapables. L'IGF s'inquiète même de n'avoir pu
documenter l'évolution des frais de fonctionnement de ces agences, faute de documents de synthèse !
3. Les opérateurs de l'Etat ont réussi à gagner 15% de budget supplémentaire entre 2007 et 2012... Quelle
rigueur ! Au final, ils atteignent 50 milliards d'euros, ce qui est loin d'être anodin: près de 3% du PIB...
4. En matière d'effectifs, l'évolution est presque aussi farfelue et incohérente avec les discours sarkozyens
d'antan: « concernant les effectifs et les masses salariales des agences, leur croissance apparaît significativement plus rapide que celle de l’État. Par exemple, les effectifs des
opérateurs sont passés de 417.296 à 442 830 agents entre 2007 et 2012, soit une augmentation globale de 6,1%. Sur la même période, les effectifs de l’État ont à l’inverse décru d’environ
6%. » Au final, l'IGF note que les effectifs non concernés par le plafonnement de la RGPP ont cru de 17.000 agents depuis 2008, soit +13% !
5. « L’opportunité et les modalités de recours à des agences n’ont pas relevé d’une stratégie d’ensemble
cohérente. » L'IGF note cependant que « la création d’agences présente certains avantages.» En particulier, grâce à leurs spécialisations. Mais leur création créé
inévitablement des postes, y compris de tutelle dans les ministères et des frais de démutualisation des services. Par exemple, la seule transformation du Musée d'Orsay en agence autonomie a fait
perdre 2,3 milliards d'euros par an de mutualisation (d'après la Cour des Comptes). Quand on lui attribue des taxes dédiées, l'agence se croit indépendante. Pour certaines administrations, la
multiplication des agences perturbe la gestion publique.
6. Les taxes affectées à ces agences ont fortement progressé, mais elles restent marginales dans leur financement: de 7,9
milliards d'euros en 2007 à 9,8 milliards pour 2012 (+4,5% en rythme annuel). Les crédits budgétaires, eux, ont augmenté plus rapidement que l'inflation: +2,4% par an sur la période, pour
atteindre 40 milliards d'euros en 2012.
7. Il reste de nombreux doublons entre l'Etat et les agences, voire entre agences elles-mêmes: « Dans certains champs de
politiques publiques examinés par la mission, les acteurs apparaissent nombreux, et la répartition des compétences fixée par les textes législatifs ou réglementaires n’est pas toujours
suffisamment précise pour éviter les frottements. Cette situation est en particulier observable dans les sphères de la santé et du secteur médicosocial ». L'IGF critique ainsi
l'Etablissement du Marais Poitevin, dont les attributions
doublonnent en partie avec les préfets.
Que retenir sinon l'impression d'un immense gâchis ?