Outre qu’il est savoureux de voir un gouvernement socialiste mettre en place une nouvelle niche fiscale, le « Duflot » connaîtra-t-il le même succès que son prédécesseur, le « Scellier »?
Par Thibault Doidy de Kerguelen.
Nous vous annoncions le 3 septembre dernier la création d’une nouvelle niche fiscale que nous étions les premiers à appeler du nom de sa génitrice, le « Duflot ». Dans une interview accordée hier au Figaro, le ministre du logement découvre les grands traits de sa mesure. L’objectif du nouveau dispositif est d’orienter les particuliers investisseurs "vers l’achat de logements intermédiaires, qui seraient mis sur le marché à des prix accessibles et dans des zones sous tension, où il y a manifestement des besoins de logement". Contrairement au dispositif Scellier, les zones géographiques concernées seront moins nombreuses, "afin de concentrer l’incitation là où sont les besoins". Les loyers de référence seront "plafonnés et inférieurs de 20% aux loyers du marché". Ces derniers seront déterminés par les services de l’État dans l’immédiat et pourront être affinés, agglomération par agglomération, grâce aux observatoires des loyers que le gouvernement est en train de mettre sur pied. Les plafonds de ressources des locataires seront abaissés par rapport à ceux du dispositif Scellier intermédiaire pour viser principalement les ménages qui se situent au-dessus des plafonds donnant accès au logement social. Sur le plan de l’incitation fiscale, le ministre prévoit un taux de réduction d’impôt compris entre 17 et 20% de l’investissement qui devrait être plafonné au montant actuellement en vigueur pour le Scellier de 300 000 €. La réduction devrait être étalée entre 9 et 12 ans. Le nouveau dispositif fera partie des niches qui passeront sous le plafond global de 10.000 euros. Se souvenant probablement qu’il lui faut un habillage « écolo » pour faire bonne mesure, Madame Duflot ajoute qu’un bonus est envisagé pour les bâtiments à très haute performance énergétique, sans toutefois préciser les modalités d’attribution ni la forme du bonus en question.
Outre, comme nous l’avons déjà écrit, qu’il est savoureux de voir un ministre socialiste ou assimilé mettre en place une nouvelle niche fiscale, force est de reconnaître qu’il n’est pas possible à l’État d’envisager pouvoir prendre le problème du logement en France par un autre bout. Nous connaissons exactement la situation que nous dénoncions, sur MVMA et sur Contrepoints, il y a déjà presque deux ans. La construction de logements tourne au ralenti. On peut au maximum espérer environ 330 000 nouveaux logements construits cette année, contre 421 000 en 2011, et les mises en chantiers sont tellement faibles que l’année 2013 risque de nous amener en dessous du seuil des 300 000. Au prétexte à courte vue de s’attaquer à une « niche fiscale » qui soi-disant lui rapporterait des recettes supplémentaires au niveau l’IRPP, l’État génère un manque à gagner en termes de TVA, un manque à gagner en termes d’IS et des coûts sociaux importants. Il ne se passe pas une semaine sans que des entreprises du bâtiment ne déposent le bilan, sans que ne soient annoncés de nouveaux licenciements. Ce sont 35 000 emplois détruits cette année dans le bâtiment. 35 000 emplois, ce sont des indemnités à la charge de la collectivité, de la consommation en moins avec les conséquences induites sur le secteur marchand. Des entreprises en moins, c’est du dynamisme en moins, des investissements en moins, avec les conséquences sur l’activité des fournisseurs. Tout cela pour un problème, celui du logement, qui, du coup, s’aggrave. Ce simple réalisme, pragmatisme comme je l’appelais à l’époque, a rattrapé le gouvernement qui reconnaît que la construction de logements pèse pour 12% du PIB et génère 2 milliards d’euros de recettes à l’État et 600 millions aux collectivités locales.
Le « Duflot » connaîtra-t-il le même succès que son prédécesseur, le « Scellier »? Peut-être, peut-être pas. Un nouveau facteur est apparu, la limitation des avantages fiscaux à 10 000€ par an et par foyer fiscal. Du coup, les « niches fiscales » se font concurrence. Si vous employez du personnel à domicile, l’aide de 50% sur les charges vient déjà en déduction. Comment utiliser le reste ? Investissement dans les PME ou TPE, travaux d’isolation, investissement énergétique… Le ministre l’a bien compris qui affiche un avantage « supérieur à celui du Scellier », histoire d’avoir une offre alléchante. Attendons de calculer un petit plus précisément le retour sur investissement envisageable et parions que si la rentabilité est avérée, nous verrons bientôt quelques ministres suggérer dans un premier temps quelques « assouplissements » à la règle des 10 000€ pour, rapidement augmenter le plafond et finalement revenir à des montants de déductions du niveau de ceux que nous connaissions précédemment. Ce serait une première victoire du pragmatisme sur l’idéologie.----
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