Je ne sais pas pourquoi les médias nous bassinent avec la crise des vocations. Il paraitrait selon ces oiseaux de mauvaise augure que plus personne ne veut devenir prêtre. C'est totalement faux. Je m'insurge. Il suffit d'observer le diocèse de Monseigneur Hollande, ça pullule de curés. Il y a le père Ayrault, le père Montebourg et le père Peillon qui sont de formidables prêcheurs. Il y a même des femmes en chaire qui font des sermons redoutables. Mère Bertinotti, mère Belkacem, mère Touraine pour n'en citer que quelques unes. Mais en passant des églises aux ministères, les fidèles se sont-ils libérés?
En faisant de la philosophie politique de comptoir, je dirais qu'il y a 4 types de société et que 3 d'entre eux montrent aujourd'hui leurs limites.
Tout d'abord la société libérale. Très critiquée, on lui repproche la crise économique, la crise morale, la crise environnementale. On lui refourgue finalement tous les maux du monde occidental avec des torts et une certaine raison. Je ne développerai pas cette forme de société que nous connaissons bien et la résumérai juste en une phrase sybiline : être un homme libéré, c'est pas si facile.
Vient ensuite la société fondamentaliste. Elle est une forme de réponse à la société libérale; celui qui est épuisé par son incapacité à gérer sa liberté, à faire des choix responsables (cf le film Bruce Tout Puissant) se tourne parfois vers un univers où on lui dicte ce qu'il doit faire. C'est finalement assez reposant pour qui respecte les règles. Cette société fondamentaliste qui ne pose pas de réflexion sur le sens de la liberté, nous la voyons à l'oeuvre avec l'islamisme. Il me semble que les différents discours de Benoit XVI au Liban sont extrêmement précieux pour notre compréhension du monde musulman. La société libérale se trompe de débat lorsqu'elle repproche à la société fondamentaliste son rigorisme, son conservatisme et sa foi; le seul débat qui vaille est celui de la liberté de penser. Le monde musulman a un problème : il refuse celui qui refuse Dieu. Or, j'y reviendrai, le fruit merveilleux de la révolution chrétienne tient dans cet adage patristique : "Dieu peut tout sauf contraindre l'homme à l'aimer".
Puis il y a la société étatiste. La France. La nôtre. Cette société-là mérite le détour, car elle implique des ayatollahs qui parlent de liberté. Une gageure.
La société étatiste est difficile à cerner. Elle se veut libérale et fondamentaliste à la fois, libératrice et rigoriste. Elle bouffe du curé mais passe sa vie à faire des sermons. C'est une société qui pense que l'idéal républicain tient dans la toute-puissance de l'Etat légitime et c'est là son erreur.
Vincent Peillon théorise admirablement ce qui est en jeu aujourd'hui en France : la foi laïque. Toute la réflexion intellectuelle qu'il peut maintenant mettre en action tient dans la recherche d'une foi laïque qui arracherait les hommes à leurs différents déterminismes (social, familial, religieux). Il y a ainsi au sein du gouvernement Hollande/Ayrault une volonté dangereuse de proposer une troisième voie entre le libéralisme et le fondamentalisme qui est l'étatisme moraliste. En France, c'est l'Etat qui fait les homélies.
C'est Vincent Montebourg qui donne des leçons de management à des entreprises industrielles centenaires. C'est François Hollande qui s'engage à créer des postes de fonctionnaires et des emplois d'avenir pour résoudre le problème du chômage. C'est Najat Belkacem qui donne des leçons d'éducation en promouvant des crèches appliquant la théorie du genre. C'est toujours Najat Belkacem qui s'immisce dans la liberté maritale pour donner des leçons aux pères de famille qui ne prendraient pas suffisamment de congés parentaux et se complairaient dans les stéréotypes sexistes. C'est enfin tout un gouvernement qui donne des leçons d'égalité pour mieux faire passer en force le mariage homosexuel et l'adoption. L'Etat joue le rôle de Dieu et de la famille. Il s'oppose à la nature de l'homme (genre, mariage), il prend la place de l'homme charitable (impôt), il se méfie de la liberté créatrice de l'homme (économie), etc.
Jean-Marc Ayrault confirme cette tension cynique entre fondamentalisme et libéralisme: "La France est une République qui respecte les convictions religieuses et philosophiques de chacun mais aucune ne peut s'imposer à tous. Le mode de vie des Français ne peut être soumis à aucune spiritualité. C'est pourquoi je vous le redis ici: une nouvelle étape pour l'égalité est engagée. C'est le choix des citoyens aux élections présidentielle et législative." Sur un sujet aussi fondamental qui bouleversera la société, que l'on soit pour ou contre, le Premier Ministre refuse de soumettre sa décision à référendum en arguant d'une légitimité douteuse. Le référendum lui démontrerait que sa décision est illégitime et c'est là que son bât blesse. Il veut passer en force pour imposer sa morale d'Etat. L'athéisme devient une religion d'Etat prosélyte et le laïcisme une morale publique. Ce progressisme devient même dictatorial. Sinon, le gouvernement permettrait aux maires de respecter leurs convictions et de refuser de célébrer les mariages gays; il permettrait aux conseils généraux de refuser l'adoption par des couples homosexuels; il n'imposerait pas ces mesures via des lois anti-discrimination. Mais quand l'Etat nous oblige, il devient un père la morale bien plus fondamentaliste que les curés d'autrefois qui remplace une morale ancrée dans une foi universelle par une morale promue par une majorité changeante.
"Dieu peut tout sauf contraindre l'homme à l'aimer." Il y a ici une quatrième voie inexplorée, celle d'une société spirituelle et libre. Une société judéo-chrétienne finalement. Une société que la France a parfois effleuré. Une société qui ancrerait sa liberté dans une vision universelle et spirtuelle de l'homme. Une société qui tendrait vers le bien commun. Une société qui saurait user de la tension positive entre la foi et la raison. Une société qui arracherait l'homme à son déterminisme égocentrique.
"La société libérale se trompe de débat lorsqu'elle repproche à la société fondamentaliste son rigorisme, son conservatisme et sa foi; le seul débat qui vaille est celui de la liberté de penser. Le monde musulman a un problème : il refuse celui qui refuse Dieu."
C'était aussi le cas du Moyen-Âge et de la Renaissance : si on exprimait de mauvaises opinions comme réfuter l'existence de Dieu, on risquait de sacrés problèmes. La quatrième voie me laisse dubitatif.