Nous vivons décidément une bien étrange période. Les initiés savent bien que l’Histoire est un éternel recommencement. Les questions que l’on pensait tranchées de longue date, refont souvent surface au détour d’un évènement particulier ou de la résurgence de sentiments jusqu’ici estompés, à l’image des questions religieuses, des éternelles relectures de l’Histoire de France ou des considérations nationalistes (voire extrémistes) connues ces dernières années au sein de la société française. Bien peu pourront contredire cette vérité.
Bien qu’ils s’en défendent à chaque campagne électorale, nos dirigeants n’arrivent plus vraiment à capter l’attention des français et restent éloignés des préoccupations de ces derniers. Nos compatriotes, abandonnés à leur triste sort, usent désormais d’un outil exceptionnel de communication offert par l’avancée technologique : le blog personnel !
Dans un article paru dans Marianne de la semaine passée, Elie Arié, cardiologue de son état, a tenté d’expliquer les raisons de ce nouveau hobby des français. A la lecture de ce texte, j’avoue être resté abasourdi qu’un homme -que l’on peut considérer comme une Elite cultivée- nous gratifie d’une pensée aussi primaire, pour ne pas dire ridicule lorsqu’il évoque : un objectif purement « narcissique » des rédacteurs, une volonté d’écrire simplement pour évacuer sans aucune possibilité d’agir efficacement sur les sujets abordés, une prolongation des discussions de comptoir héritées des bistrots jadis « Parlement du Peuple » ou un mauvais remake des agoras d’antan qui permettaient à tous les manants de parler en toute liberté.
Elie Arié conclue que cette nouvelle passion française répond par ailleurs à diverses théories complotistes (fomentées essentiellement par des groupes de pensées extrêmes) qui s’estiment attaquées dans leurs droits fondamentaux que sont la liberté de pensée et d’expression. Les blogueurs français sont de petits rédacteurs sans grand intérêt et à l’audience confidentielle, incapables de répondre aux exigences des censeurs professionnels.
Reprenant à demi-mot les propos exprimés en 2008 par le journaliste Nicolas Beytout lors d’une conférence de l’Université d’Eté du Medef : les blogueurs ne servent pas à grand-chose d’autre qu’à nourrir leur propre pensée (forcément limitée), ne constituent pas un réseau d’informations valables et ne disposent d’aucune qualification pour se prévaloir du titre de journaliste (même amateur).
Pour les amis blogueurs qui n’auraient pas bien compris : nous sommes de gentils simplets (pas tous incultes) qui n’ont pas grand-chose à faire dans leur vie et qui n’ont aucune vie sociale réelle.
Je ne sais pas pour les autres, mais à l’exemple du présent blog, je n’ai jamais revendiqué le titre d’intellectuel de l’année, de rédacteur hors-pair ou plus simplement de journaliste en herbe. Si l’on écarte volontairement la propagande de nos extrêmes politiques, je suis en revanche très surpris que dans son état des lieux, Elie Arié n’évoque pas l’idée que les blogueurs ont simplement des choses à dire, qu’ils ont modernisé les journaux intimes d’hier ou qu’ils évoquent des sujets qui sont parfaitement ignorés ou occultés par des journalistes « professionnels » qui ne remplissent plus leur devoir premier, celui d’informer les français !
Cet article reflète bien la tendance observée depuis quelques années qui veut que les professionnels de l’information tentent par tous les moyens de reprendre la main sur l’anarchie d’Internet qu’ils sont incapables de maîtriser. Elie Arié lui, est publié par Marianne car il est adoubé comme digne de foi, signe des textes jugés de bonne facture et qu’il dispose des réseaux nécessaires pour être lu et entendu. A ce titre, avec un certain mépris et une forme avouée de condescendance, il s’autorise à jeter la vérité des illustres inconnus aux poubelles de l’inutilité et de la futilité.
Il n’a sans doute pas compris que c’est en diffusant de telles thèses que s’autoalimentent : les éternelles théories du complot, la défiance envers les Elites, les fausses interprétations des français sur des sujets cruciaux, le pessimisme ambiant qui broie notre société ou exacerbes les diverses tensions. Pour moi, l’article d’Elie Arié n’avait d’autre utilité que de prouver une fois de plus, qu’il ne suffit pas d’être un intellectuel de renom (ou un journaliste confirmé) pour avoir des choses intelligentes à dire !
A la manière de Montesquieu : « La plupart des mépris ne valent que des mépris ».