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Équateur : Trois journalistes se sentent menacés

Publié le 22 septembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Trois journalistes équatoriens déclarent être victimes de pressions et d'intimidations de la part du pouvoir. Ceux-ci ont enquêté sur une affaire de malversation impliquant le président de la Banque Centrale de l'Équateur et cousin du président de la république Rafael Correa.
Par Adriana Noboa Arregui.

Équateur : Trois journalistes se sentent menacés

Rafael Correa (au centre) et Gaston Duzac (à droite).

Le cas Duzac provoque des dégâts chez les journalistes qui l'ont dénoncé : une journaliste s'est retirée temporairement de son émission, un deuxième a déclaré qu'il était poursuivi et un troisième a reçu des appels "d'alerte".

Les enquêtes journalistiques ont indiqué que la banque Cofiec, confisquée par l’État équatorien, a accordé un prêt  irrégulier de 800.000 dollars à Gaston Duzac. Elles ont aussi signalé la relation présumée entre lui et Pedro Delgado, président de la Banque Centrale de l'Équateur et cousin du président de la république Rafael Correa.

La première plainte a été faite par le magazine Vanguardia, le 20 Août. Et le sujet a été repris par Janeth Hinostroza et Fausto Yepez de la chaîne de télévision Teleamazonas.

Vendredi 15 septembre, Hinostroza devait présenter dans son émission "La Mañana de 24 Horas", la troisième partie de l’enquête sur le cas, intitulée "Les liens du pouvoir". Celle-ci n'a pas eu lieu. Quelques instants plus tôt, elle avait reçu un appel qui menaçait sa sécurité.

La veille il y a eu un hommage à Delgado à Quito. Et le président de la république Rafael Correa, dans son discours, a attaqué la presse et les différentes allégations impliquant son cousin. Parmi eux, le cas Duzac.

Les dirigeants de la chaîne d'information et Hinostroza ont décidé de ne pas diffuser l'émission le vendredi. Et l'on n'en a pas entendu parler de tout le week-end dernier.

Mardi 18 matin, la journaliste est réapparue dans son émission afin de raconter l'histoire. Elle a montré les images dans lesquelles le président Correa avait même dit qu'il y aurait eu des irrégularités dans le prêt donné à l'argentin Duzac. Par la suite, Hinostroza a annoncé la suspension temporaire de son activité dans l'émission. Ainsi, elle devient la troisième journaliste à laisser une émission matinale d'informations depuis le début de ce gouvernement, avant Carlos Vera et Jorge Ortiz.

Dans l'après-midi, Ivan Flores, rédacteur en chef de Vanguardia, a déclaré sur son compte Twitter que sept policiers l'avaient suivi pour photographier sa voiture et enregistrer ses trajets. Cette information a été divulguée à partir de trois sources fiables, le renseignement militaire est l'une d'entre elles, a déclaré Flores. Et pas seulement contre lui, car selon lui "c'est un exercice de suivi des journalistes de la rédaction".

Flores a déclaré également que le 11 Septembre, Francisco Endara conseiller financier de la Corporation Financière Nationale, a demandé au magazine Vanguardia, par l'intermédiaire du ministère public, tous les enregistrements, les vidéos et les informations de fond sur le cas. La demande est couverte par le code de procédure pénale. Cependant, Flores dit que cela viole les garanties constitutionnelles telles que la confidentialité des sources. Le magazine a déjà soumis sa réponse à la pétition, mais sans donner les sources demandées.

Pour Fausto Yepez, plutôt que des menaces directes, il a reçu des alertes. Selon lui : "Les gens qui travaillent avec et pour le gouvernement m'ont dit d'être très prudent lorsque j'effectue ce type de publications. Personne ne connaît le poids de ces gens qui gèrent beaucoup d'argent." Le journaliste dit que dénoncer un étranger, dont on connaît peu les contacts, est dangereux : "même ceux qui ont permis l'obtention des 800.000 dollars ne connaissent pas Duzac et il y a plus de gens en Argentine qui lui attribuent des irrégularités présumées".

Pour Mauricio Alarcon, directeur des projets de Fundamedios, "il en résulte que les procureurs persécutent les journalistes, violentent les sources secrètes, et obligent les médias à céder leurs informations". Pour lui, il n'y a aucune garantie, mais une politique d'intimidation des journalistes.

Le Forum des Journalistes de l'Équateur (FOPE, sigle en espagnol) a rappelé aux autorités leur obligation de fournir des garanties au journalisme. Selon le Forum, "quand un journaliste est menacé et réduit au silence, cela porte atteinte au droit des citoyens à l'information de caractère public".

José Serrano, ministre de l'Intérieur, a offert une protection à Janeth Hinostroza. Elle a refusé, mais le ministère, sur son compte Twitter, a insisté sur son offre.

Janeth Hinostroza a déclaré : "Je me demande s'il est juste qu'un journaliste doive s'entourer de gardes du corps pour faire son travail honnêtement, professionnellement et de façon responsable."

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Un article de Diario Expreso, publié initialement le mercredi 19 septembre 2012. Reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.
Traduction : Miguel Castañeda pour Contrepoints.


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