La Fabrique de l'Opinion n'a aucun problème de production, de clients, ni de fournisseurs. Elle marche à plein régime. Elle prospère
sur n'importe quel sujet, n'importe quel prétexte. Cette semaine fut exemplaire. Les abus budgétaires des agences de l'Etat, des révélations sur le potentiel cancérigène du maïs Monsanto, la
réforme de la Justice ou l'amélioration des droits des femmes, tous ces sujets furent un à un balayés par un emballement médiatique et caricatural sur des manifestations
islamistes.
La semaine aurait pu bien commencer. Le mini-Grenelle de l'environnement de François Hollande avait réjoui les écologistes, et convaincu jusqu'à la presse. Le président avait promis une évalusation annuelle de sa
politique, la fermeture de la dangereuse Fessenheim en 2016, et l'interdiction d'exploitation du gaz de Schiste. Même José Bové claqua une bise de remerciement à la ministre Delphine
Batho.
Mais ce fut vite (et temporairement ?) oublié.
Attirés par le bruit et la facilité, nos médias et éditocrates préfèrent ce prétendu embrasement du monde musulman après la
diffusion d'une quinzaine de minutes de film islamophobe réalisées par un extrémiste copte d'origine égyptienne. L'auteur, réputé escroc, se terre quelque part en Californie. En Tunisie, Libye ou
en Egypte, des petites foules manipulées, minoritaires mais ultra-violentes, crient
leur rage contre le Grand Satan américain.
Puis, samedi 15 septembre, l'affaire débarque en France.
Environ 200 Musulmans - 200 sur les quelque 3 ou 5 millions que compte le pays - manifestent à l'improviste place de la
Concorde. Et aussitôt, c'est l'emballement. Aux vociférations des illuminés répondent alors des appels à la croisade ou des dessins moqueurs. Les contraires se retrouvent dans leurs
caricatures.
Mardi, soixante-dix-sept
députés, tous socialistes, réclament publiquement le dépôt d'un projet de loi légalisant le droit de vote des immigrés extra-communautaire aux élections locales. On ne pouvait pas choisir
pire timing. Ces gars cherchaient sans doute à alimenter les débats de l'université d'été
du Front National ce weekend.
Mercredi, l'hebdomadaire Charlie Hebdo croit faire drôle.
Il publie de nouvelles caricatures brocardant les islamistes (soit !), l'islam (aïe!) et Mahomet (??). On s'interroge sur l'objectif ou le message, surtout après avoir contemplé les
dites caricatures. Pourquoi se moquer ? Quelques heures plus tard, le
gouvernement envoie un car de CRS protéger les locaux de ces ex-gauchistes. Consulats et écoles français sont fermés un peu partout dans le monde musulman. Les manifestations prennent de
l'ampleur. Répétons la question : qel est le sens d'étendre le mécontentement à tous les croyants ? Une envie
de croisade, peut-être ? Marine Le Pen, après son père, ne s'y est pas trompée. Avec une surprenante facilité, le quotidien Le Monde lui consacra sa une du 21 septembre et une pleine page d'interview
sans contradictions.
Les terroristes d'Aqmi annoncent à leur tour qu'ils exécuteront les 4 otages français qu'ils détiennent si la France se mêle
un peu plus des affaires maliennes.
Personne, ou presque, ne relate ces manifestations
arabes anti-salafistes.
La situation est donc grave. L'incompréhension
devient totale. Elle semble irréversible. En France pourtant, contrairement aux protestataires médiatiques, la fin de semaine est calme. Les représentants de l'islam appellent à
l'indifférence et au mépris.
Bref, un apaisement
bienvenu.
Les plus sérieux de nos commentateurs s'attardent heureusement sur la vraie vie (les OGM), les annonces du gouvernement, les
plans sociaux, les derniers écarts de Manuel Valls, ou le traité européen.
Lundi, un rapport de l'Inspection Générale des
Finances, révélé par le Parisien, dézingue encore un peu plus la gestion passée de l'ancien Monarque. Cette fois-ci, ce sont les agences de l'Etat qui sont dans le collimateur de cet audit:
plus de 1.200 établissements, un budget (+15%) et des effectifs (+6%) en constante hausse depuis 5 ans, et une cartographie encore floue faute d'informations fiables. Bref, la prétendue rigueur
sarkozyenne en prend pour son grade. Comment comprendre que Sarkozy ait réduit les effectifs de la Fonction publique de quelque 150.000 postes en 5 ans, tout en laissant augmenter ceux de ces
agences publiques de près de 30.000 ?
Edwy Plenel, dans Mediapart, livre une charge incroyablement violente contre le plus populaire des ministres de François Hollande, Manuel Valls. Tout y est, et tout y passe. Valls, qui vient de renoncer à imposer les récépissés
pour les contrôles d'identité de la police, incarnerait la trahison des promesses Hollandaises. Plenel, qui vise juste par moments, reste caricatural: il est aveuglé par Valls et oublie le
reste, ces autres ministres qui travaillent aussi et qui méritent encouragements ou applaudissements.
Ce prétendu débat - répression contre prévention, Valls contre Taubira - est caricatural.
Mardi, deux ministres nous réjouissent. Najat Vallaud-Belkacem, en charge des droits des femmes,
promet de durcir les sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas la loi sur l'égalité salariale hommes/femmes. Et pour cause : l'ancien ministre Xavier Bertrand avait simplement saboté
le décret d'application de la dite loi qui prévoyait pourtant jusqu'à 1% de leur masse salariale en pénalité. La même ministre a lancé le chantier de la légalisation du mariage civil des
homosexuels. Enfin ! Christiane Taubira, sa collègue de la justice, recadre les caricatures propagées à droite sur ses idées, sa réforme et sa propre personne: la récidive ne se combat pas avec le
tout-carcéral prôné par l'ancien Monarque et ses sbires. Sur son blog du Figaro,
l'éditocrate Ivan Rioufol éructe avec autant de rage que certains de ces lecteurs.
En fin de semaine, la ministre est à Marseille avec Manuel Valls. Le symbole fait plaisir.
« Nous effectuons ce déplacement dans l'esprit de nos responsabilités respectives et dans le désir du travail commun. Entre Manuel Valls et moi, il y a une volonté politique de réussir. »
Vincent
Peillon (Education) frappe un joli coup, un bel espoir que le changement est finalement pour maintenant: 40.000 recrutements de professeurs sont prévus dès
l'an prochain. Cécile Duflot (Logement) obtient 50 millions d'euros supplémentaires pour financer l'hébergement d'urgence. Fleur Pellerin (Numérique) nous promet le très-haut-débit pour tous plus tôt que prévu.
Vendredi, Libération croit faire un bon coup en plaçant en une le spectre de la TVA sociale.
D'après « ses » informations, la mesure tant honnie serait à l'étude à Bercy. Pierre Moscovoci (Finances) puis Alain
Vidalies (Relations avec le Parlement) ont du perdre quelques minutes pour démentir la chose: même pas en rêve ! Le projet de loi de finances se dévoile peu à peu. Il sera présenté d'ici 8 jours:
plafonnement des niches fiscales (sauf pour la culture ou l'outre-mer), relève du barème de l'ISF, gel du barème de l'IR, forfait de 2000 euros pour les petits épargnants, etc. Les socialistes sont aussi occupés à
défendre ou débattre du traité budgétaire européen. Qu'importe. Jacques Attali, pour une fois, fait un constat empreint de bon sens: « les politiques
ont peur de la révolte, ils auront la révolution.»
Vendredi, un revenant s'exprime à l'Université privée de Marrakech : Dominique
Strauss-Kahn avait encore des choses à dire, des conseils ou son analyse sur la situation économique. Il veut partager des idées nouvelles. Du pain béni pour quelques médias ! iTélé croit savoir
que DSK veut peser sur le débat franco-français. L'envoyé spécial du Monde se régale des premiers mots publics de l'ancien patron du FMI.
François Hollande joue quelques symboles. Mardi, il inaugure un nouveau département sur l'art islamique au Musée du Louvre,
puis, vendredi, un mémorial à Drancy dressé dans l'ancien camp d'internement qui envoya 60.000 Juifs vers les camps de la mort.
Symbole contre caricatures ?
Ce
sera sans doute insuffisant.
Ami sarkozyste, nous n'avons même plus besoin de toi.
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