Magazine Poésie

Jean de LA FONTAINE : Le Loup, la Chèvre et le Chevreau

Par Unpeudetao

La bique allant remplir sa traînante mamelle,
   Et paître l’herbe nouvelle,
   Ferma sa porte au loquet,
   Non sans dire à son biquet :
   « Gardez-vous, sur votre vie,
   D’ouvrir que l’on ne vous die,
   Pour enseigne et mot du guet :
   « Foin du loup et de sa race !  » »
   Comme elle disait ces mots,
   Le loup de fortune passe ;
   Il les recueille à propos,
   Et les garde en sa mémoire.
   La bique, comme on peut croire,
   N’avait pas vu le glouton.
Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton,
   Et d’une voix papelarde
Il demande qu’on ouvre en disant : « Foin du loup ! »
   Et croyant entrer tout d’un coup.
Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
« Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point, »
S’écria-t-il d’abord. (Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il était venu s’en retourna chez soi.
Où serait le biquet s’il eût ajouté foi
   Au mot du guet, que de fortune
   Notre loup avait entendu ?

   Deux sûretés valent mieux qu’une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.

Jean de LA FONTAINE (1621-1695).

*****************************************************
 


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Unpeudetao 369 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazine