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Idées reçues

Publié le 24 septembre 2012 par Toulouseweb
Idées reçuesEADS/BAE : Ť a perfect fit ť. Mais qu’en pensent les Américains ?

Les négociations se poursuivent au grand galop, rien ne filtre, mais Thomas Enders n’a pas pu s’empęcher de noter publiquement, il y a quelques jours, qu’EADS et BAE Systems échangent des propos Ťconstructifsť. Ce qui n’implique pas que les jeux soient faits, que le géant aérospatial européen doive bientôt ętre mis en place. D’autant qu’il ne pourra l’ętre sans la bénédiction de Washington, qui est loin d’ętre acquis d’avance. Reste le fait que l’état-major d’EADS évoque un Ťperfect fitť, une complémentarité idéale, entre les deux partenaires potentiels.
On sait ŕ quel point un secret peut ętre préservé dčs l’instant oů le Pentagone y trouve son intéręt. Et, pour s’en convaincre, il suffit de s’en référer ŕ l’avion de combat F-35 Lightning II, alias Joint Strike Fighter. Męme les partenaires étrangers les plus importants du programme, ŕ commencer par le Royaume-Uni, n’ont pas accčs ŕ la totalité des Ťsecretsť des systčmes embarqués les plus pointus. Et voici qu’apparaît, pour tout compliquer, un cas de figure totalement inédit, l’hypothčse du mariage EADS/BAE. Il permettrait potentiellement ŕ Airbus, rival redoutable de Boeing, d’avoir accčs via sa maison-mčre ŕ des informations sensibles propres ŕ des programmes militaires américains de pointe. C’est tout au moins ce qu’imaginent outre-Atlantique les opposants ŕ cette opération de haute volée.
L’industrie aérospatiale et de Défense est pourtant capable, elle l’a prouvé ŕ moult reprises, de construire d’efficaces Ťpare-feuť permettant la cohabitation pacifique entre opérations a priori concurrentes. Ce qui est d’autant plus nécessaire que ce monde est un village, que tout le monde y connaît tout le monde et, surtout, que tout le monde coopčre avec tout le monde. Ce qui n’empęche pas, par exemple, les programmes Rafale et Eurofighter de préserver jalousement leur stricte indépendance. Pourtant, EADS défend les couleurs de l’Eurofighter mais il est en męme temps un actionnaire important de Dassault-Aviation.
Les commentaires venus des Etats-Unis, ces jours-ci, s’attardent davantage ŕ des questions de principe. Deux grands groupes européens veulent se marier mais, ici et lŕ, cette opération spectaculaire est aussi jugée ŕ l’aune de la guerre commerciale Boeing/Airbus.
De lŕ ŕ imaginer de nouveaux rebondissements dans l’affrontement Boeing/Airbus devant l’Organisation mondiale du commerce, il n’y a déjŕ plus qu’un pas ŕ franchir.
Dans cet esprit, exemple choisi parmi d’autres, il est instructif de se pencher sur les commentaires de l’éditorialiste Steven Pearlstein publiés dans l’édition du dimanche 23 septembre de l’influent Washington Post. Il n’est pas fondamentalement opposé ŕ l’idée d’une grande fusion trans-Manche, il comprend visiblement bien la stratégie d’EADS ŕ la recherche d’un équilibre civil/militaire mais n’en redoute pas moins les effets pervers d’un patriotisme économique européen qui fausserait les rčgles du jeu.
L’essentiel est néanmoins ailleurs. Voici une plume respectée, celle d’un Ťcolumnistť qui intervient deux fois par semaine dans les pages économiques du journal quotidien américain le plus influent, qui nous ressert des idées reçues éculées. Parlant du groupe EADS en général, d’Airbus en particulier, il rappelle ŕ ses lecteurs que l’avionneur a été créé il y a 40 ans par quatre gouvernements, lesquels lui accordent des subventions, tout comme les ministres de la Défense et les compagnies aériennes contrôlées par les quatre Etats. On n’y croit pas ! Cela, dans le Washington Post ? Sous la signature de Pearlstein ? Nous voici revenus ŕ la case départ, en matičre de communication tout au moins. Une case départ que les Européens, tout bien réfléchi, n’avaient jamais quittée.
Reste le fait que les derniers développements du dossier EADS/BAE sont tels que les interférences politiques visibles tendent ŕ s’aggraver. La semaine derničre, les ministres de la Défense français et allemand, Jean-Yves Le Drian et Thomas de Maiziere, ont longuement évoqué le projet, prélude ŕ la rencontre ŕ Ludwingsburg de François Hollande et Angela Merkel, samedi. Lŕ aussi, il fut ouvertement question du projet de fusion, mais sans position commune connue, comme s’il s’agissait de confirmer urbi et orbi que les politiques sont ŕ la manœuvre tout autant que les industriels eux-męmes. On voudrait entretenir les suspicions qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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