Qui peut imaginer que, à cause du cumul des mandats, la responsabilité d’un parlementaire d'adopter des lois et de contrôler l’exécutif puisse être assumée à mi-temps, voire à tiers-temps pour certains grand élus de province ?
Par Alexandre Dakos.
Article publié en collaboration avec le Cri du Sorbonnard.
Les cumulards dans la précédente législature
Fort d’une importante prééminence socialiste au sein du Parlement et des collectivités locales François Hollande possède désormais toute latitude pour mettre en œuvre ses engagements de campagne. Le 48ème engageait le candidat socialiste à voter une loi contre le non-cumul des mandats.
Le chef de l’État n’a pas dévié de son cap, soucieux de se porter garant d’une République exemplaire et l’ensemble de son gouvernement a démissionné de tout mandat local, dans la lignée de l’ère jospiniste.
Mais force est de constater que plusieurs élus socialistes s’élèvent contre cette promesse de campagne. Dérogations sénatoriales, engagement valable seulement pour les nouveaux élus, absurdité de l’interdiction, mille et un motifs sont invoqués pour échapper à cette astreinte.
L’exigence démocratique imposerait pourtant d’en finir avec la pratique cumularde française, exception hexagonale dont nous nous serions bien passés tant elle empoisonne les mécanismes institutionnels du pays.
La France est la championne d’Europe en la matière puisque 75% des députés exercent un, deux, voire trois (!) mandats locaux en plus de leur mandat de parlementaire : maire, conseiller général, présidence d’intercommunalité…
Les autres parlementaires européens sont peu voire très peu concernés par le cumul des mandats : moins d’un quart cumulent un mandat national et local en Espagne et en Allemagne quand à peine 5% des élus de la Chambre des communes et du Parlement italien détiennent un mandat local.
Cette anomalie démocratique qui semble la règle en France ne reçoit que peu d‘échos favorables ailleurs. Comment admettre effectivement qu’un homme ou une femme politique chargé par ses électeurs d’assumer un mandat national , de représenter la nation toute entière au cœur du pouvoir législatif, puisse occuper dans le même temps d‘importantes fonctions locales ? Qui peut imaginer que la responsabilité d’un parlementaire – adopter des lois et contrôler l’exécutif – puisse être assumée à mi-temps, voire à tiers-temps pour certains grands élus de province ?
Le cumul des mandats est en effet un puissant motif d’absentéisme parlementaire, les députés et sénateurs étant plus enclins à privilégier leurs fonctions locales dans un souci de proximité avec la population plutôt que les fonctions parlementaires où « il y a moins de contact direct avec la population » mais davantage avec les acteurs économiques et les élus locaux, comme le souligne Jean-Louis Bricout, député de l’Aisne. En ce sens la pratique cumularde est un puissant facteur d’immobilisme du corps législatif français, puisque le mandat parlementaire prend une tournure honorifique, réduit à une simple légitimation électorale, une confortation nationale au service d’actions locales.
Se rendre à Paris le mardi et mercredi après-midi pour la visibilité médiatique qu’offrent les séances de questions au gouvernement et repartir aussitôt après dans sa mairie ou son conseil général de province ne peut décemment assurer ni un travail législatif efficace ni un renouvellement régulier des pratiques politiques.
Le cumul des mandats est un symptôme de l’affaiblissement du rôle du Parlement, et par là même un facteur de son effritement, au bénéfice d’un pouvoir exécutif toujours plus soucieux de réduire ce contre-pouvoir à une simple chambre d’enregistrement.
Ainsi la réforme du cumul des mandats loin d’être un engagement de campagne superfétatoire serait une avancée démocratique majeure. Loin de restreindre la démocratie elle la vivifiera en entrainant un renouvellement du personnel politique dans le paysage politique local et en redonnant à la fonction parlementaire toute la valeur qu'elle mérite. .
Édouard Balladur disait que le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne. Il est fort à parier que l’exécutif déposera un projet de loi en ce sens début 2013 ainsi que l’a rappelé la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem. Mais il incombe aux parlementaires de tous horizons de dépasser leurs intérêts personnels et d’accepter cette indispensable modernisation de la vie politique française.
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