Mériadeck intouchable ?

Le chantier de la Cité municipale de Bordeaux est-il menacé ? Le tribunal administratif se penchera demain sur un recours déposé par des associations qui dénoncent une atteinte au patrimoine bâti de Mériadeck. D’autres projets de construction sont dans leur collimateur, et l’intégration du quartier dans le secteur classé par l’Unesco leur donne des arguments.

Certes, Mériadeck - sa dalle, ses passerelles, ses bâtiments en croix - a peu d’amateurs. Mais voila, ce quartier est le témoignage homogène d’une époque et d’une architecture bien particulière. Et il fait partie du périmètre qui bénéficie du classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Y porter atteinte fait donc courir à la ville le risque de perdre ce label, et avec lui le prestige et les retombées économiques associées. Et si cette distinction internationale n’est pas contraignante en soi, elle est la reconnaissance d’un intérêt patrimonial à préserver. Or, pour les associations «Riverains et résidents de Bordeaux» et «Sauvegarder Mériadeck», le projet de Cité Municipale porté par la Ville et dessiné par l’architecte Paul Andreu porte atteinte au patrimoine qui l’entoure (les beaux bâtiments de l’hôtel particulier de Poissac, de la Galerie des Beaux Arts et du Palais Rohan en face) et il ne respecte pas non plus les codes architecturaux du quartier Mériadeck. Or le droit de l’urbanisme permet de faire annuler des projets qui portent atteinte à l’environnement bâti et à la qualité architecturale des lieux.
D’autres constructions contestées
Les deux associations, qui se sont assurés les services d’un important cabinet d’avocats, ne visent pas uniquement le projet de la ville. Elles surveillent aussi de près les autres constructions en cours ou à venir. Notamment le projet du Conseil général pour l’immeuble Croix du Palais, qui envisage de détruire une passerelle. La CUB, qui avait détruit des garde-corps dans le cadre de ses travaux, a déjà été contrainte de reculer : ceux-ci seront reconstruits.
Concernant la Cité municipale, les associations ont été confortées par les mises en garde émises officiellement par l’expert de l’Unesco. La Ville en a pris acte et affirme préparer une modification du permis de construire (recul de la partie haute du bâtiment, notamment). Mais pas question de renoncer au projet. «Nous ne sommes pas une ville musée mais une ville en construction, a répété Alain Juppé lundi. Nous n’avons pas l’intention de ne plus rien toucher sous prétexte que nos avons ce classement.» Ca n’est pas non plus ce que disent souhaiter les opposants. « Cela ne nous empêche pas de considérer que l’évolution est nécessaire à Mériadeck, explique Marie-Françoise Michelet de l’association Sauvegarder Mériadeck. L’immeuble construit par la CUB sur le cours de Maréchal Juin respecte l’esprit de Mériadeck, avec ses strates horizontales. Même chose pour l’immeuble Gironde du Conseil général. On aime ou on n’aime pas, mais on ne conteste pas.»
A l’origine, les deux associations plaignantes voulaient que la Cité municipale soit construite ailleurs à Mériadeck (sur la terrasse du bowling ou près du conseil régional). Le trou est creusé et elles n’auront sûrement jamais gain de cause. Mais demain, dans le cadre du référé qu’elles ont déposé, elles pourraient obtenir la suspension des travaux dans l’attente d’un jugement sur le fond du dossier. Ou d’un nouveau permis de construire, amendé. Ce qui, pour elles, serait déjà une belle victoire.• SL

Photo A. Rojo

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