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La science, arme stratégique pour renforcer la compétitivité européenne ? Oui, mais avec quelles munitions ?

Publié le 28 septembre 2012 par Jblully

La science, arme stratégique pour renforcer la compétitivité européenne ? - © alphaspirit - Fotolia.comLa « diplomatie scientifique » constitue une arme dans la compétition internationale. Mais l’Europe, qui souligne avec fierté qu’elle contribue au quart des dépenses mondiales de recherche, est-elle si bien équipée qu’elle le prétend ?

Sur le plan collectif, l’Union européenne estime avoir fait de la recherche une de ses priorités. De fait, à travers ses programmes-cadres successifs, elle progresse, tant en termes de méthode (sélection de priorités) que de montants investis (4,37 MM€/an entre 2003 et 2006, 7,22 MM€/an en moyenne depuis 2007 et 11,4 MM€/an prévus au titre du futur programme Horizon 2020). Mais ces activités ne représentent qu’une part minime de son budget (5,5% environ seulement) et une fraction infime du budget de recherche consolidé des Etats membres.

Consciente de ces décalages entre affirmation et réalité, la Commission européenne, dans une toute récente communication1, entend précisément réorganiser ses différents modes d’intervention (sa « diplomatie scientifique ») pour en accroître l’efficacité.

Parmi les questions posées et les pistes d’action proposées, trois retiennent plus particulièrement l’intérêt…tout en suscitant le débat.

► D’abord, la Commission suggère d’aborder les pays tiers, en adaptant la démarche au cas par cas. C’est faire preuve de pragmatisme mais la typologie proposée est quelque peu sommaire. Outre les pays en développement, elle ne distingue, en effet, que deux autres catégories seulement :
- les pays du voisinage (membres de l’AELE, Etats concernés par l’élargissement et Etats plus ou moins limitrophes de l’Est et du Sud),
- les pays industrialisés et les économies émergentes.

Or, d’une part, ces catégories ne sont pas homogènes. D’autre part, peut-on vraiment appliquer des stratégies identiques dans chaque cas, zone par zone, alors que les pays concernés sont très différents en taille, en potentiel…et en aspirations ? C’est d’autant moins plausible que ceux-ci veulent attirer – et maintenir sur place – des activités à forte valeur ajoutée, ce qui conduit les entreprises à adapter leur mode de partenariat local en fonction de ces exigences2.

► Ensuite, elle met l’accent sur la nécessité de prévoir une collecte d’informations performante et opérationnelle. L’intention est louable. D’ailleurs, la Commission a déjà proposé un mécanisme analogue en matière d’intelligence « internationale » (éléments d’approche des marchés tiers). Mais le risque existe, là encore, de voir se mettre en place une « usine à gaz », qui sera toujours en retard d’une étape, l’information stratégique ne se prêtant pas, pas nature, au partage ? N’oublions pas, en effet, qu’il s’agit de donner aux entreprises européennes les moyens de se démarquer de la concurrence mondiale, donc de se placer en situation d’anticipation et de prospective, et dans des secteurs aux perspectives prometteuses.

► Enfin, il importe que le partage des tâches entre les instances européennes et les Etats membres soit davantage précisé et validé. Or la difficulté que rencontre l’Europe pour définir les axes d’une politique industrielle commune se retrouve, transposée de manière quasiment homothétique, dans le champ de la recherche. Mêmes facteurs de différenciation, mêmes conséquences opérationnelles. Outre les phénomènes historico-culturels (clivage traditionnel entre Etats à tradition industrielle et Etats à tradition marchande ), il est clair que deux obstacles objectifs constituent des freins sérieux à un développement satisfaisant : les concurrences sectorielles entre pays et une démultiplication insuffisante des efforts consentis collectivement.

En plus, en admettant que ces points soient traités de manière satisfaisante, il resterait à régler le partage des tâches à l’intérieur de chaque Etat membre. Or, rien qu’en France, des questions se posent toujours pour mieux faire coopérer recherche publique, pôles de compétitivité…et les entreprises elles-mêmes, qui réagissent aussi en fonction du caractère plus ou moins incitatif des aides qui sont mises à leur disposition.

Nul doute que la recherche soit bien l’une des meilleures armes qui soient pour gagner des points de croissance. Mais à qui sert une arme puissante, si ses utilisateurs manquent de munitions ? Faute d’une organisation à la mesure des défis actuels, le rebond escompté pourrait bien n’être qu’un sautillement !

________________________________
1. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2012:0497:FIN:FR:PDF
2. Déjà, en avril 2010 (Friedland Papers n° 23 – Voir : http://www.etudes.ccip.fr/publication/55-pays-emergents-partenariats-fp1004), la CCIP attirait l’attention sur cette nécessité, illustrée par le constat de Lionel Stoléru : « Lorsqu’on ne peut pas vaincre un concurrent, la sagesse est de s’allier avec lui…et d’organiser en partenariat ce qui est aujourd’hui une confrontation. »


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