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Jeu du Lundi : pendons l'entrepreneur avec ses tripes

Publié le 01 octobre 2012 par Copeau @Contrepoints

Le candidat Hollande fut élu grâce à deux facteurs : l'envie de certains de se débarrasser de Sarkozy, et l'envie d'autres de faire payer les riches pour relever une économie au bord du gouffre. Flanby président, l'économie est maintenant au fond de l'abîme, et il faut bien trouver des thunes. Or, si Sarkozy est bien parti, il a rapidement été suivi des riches. Ce seront donc les entrepreneurs qui prendront. Cher.

Pendant la campagne, rappelez-vous, le brave, courtois et honnête Hollande avait promis de faire une "grande réforme fiscale" en engageant dès cet été la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG afin que "la contribution de chacun soit rendue plus équitable", avec pour but un "redressement dans la justice" et autres gentils qualificatifs qui donnait une ampleur biblique à l'ensemble de l'opération.

Après l'élection, les choses ont très légèrement changé. Quelques gros naïfs de gauche s'en étonnent encore, et quelques benêts de droite croient toujours à une issue plus joyeuse que celle qui se profile, mais le doute n'est plus permis : l'honnête Hollande s'est transformé en Flanby Le Menteur, voire Flambard si l'on en juge par l'obstination pathologique à ne surtout pas réduire le train de vie pharaonique de l’État. La facilité, la démagogie et les petites combines d'intérêts particuliers ont mis fin à la belle révolution fiscale juste, équitable, bisou-compatible et tout le tralala.

politics, before & after elections...

Et la présentation du projet de budget 2013 permet d'affirmer que la tempête de vexations n'en est qu'à ses débuts : tout le monde en prend pour son grade. À commencer, bien sûr, par la lie de l'humanité : ceux qui produisent des richesses, ceux qui créent de l'emploi, ceux qui ont l'affront de produire, vendre des biens et des services.

Il était temps : ce pays croulait sous les bonnes volontés et la haine farouche du train-train fonctionnaire ; la rage libérale d'entreprendre y ravage en effet les esprits, depuis une presse complètement inféodée à l'ultralibéralisme triomphant jusqu'à la classe politique, qui comme chacun sait (mais si !) est presqu'exclusivement composée d'entrepreneurs self-made men et autre gourous des industries de toute sorte, aux dents longues et aux habitudes capitalistiques chevillées au corps.

Dès leur timide accession au pouvoir, les Socialistes se sont décidés à mettre bon ordre à toute cette fièvre entrepreneuriale. Mais leurs pouvoirs sont limités puisqu'ils n'ont que le sénat, le parlement, les régions, les départements, les grandes villes, la presse, la radio, la télévision, l'éducation, les administrations territoriales et nationales et un petit bureau au 10 rue Solférino. Il leur fallait frapper un coup décisif à toutes ces velléités latentes du pays à se transformer en enfer libéral et paradis fiscal.

C'est pourquoi, en quelques jours, nos amis de la Joyeuse Socialie ont vigoureusement douché les patrons. Il faut bien commencer par quelqu'un, autant que ce soit par tous ces salauds de riches auto-entrepreneurs. Pour cela, le projet de budget 2013 aligne les cotisations sociales, honteusement favorables à ce statut, à celles des autres entrepreneurs. Et vlan, voilà qui va bien les calmer, ces gros bourgeois qui gagnent jusqu'à 20.000 euros par an ! Grâce à cette vigoureuse remise en question du principe même d'auto-entrepreneur, la plupart des rares rigolos qui voulaient encore se lancer avec ce statut reviendront bien vite dans le giron du salariat ou du fonctionnariat qu'ils n'auraient jamais dû quitter.

Parallèlement, une habile refonte du régime social des indépendants a rapidement permis de saboter définitivement le revenu d'une autre catégorie d'entrepreneurs. Le RSI, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est la fusion de toutes les caisses de protection sociale des chefs d’entreprise en un seul organisme bien gros, bien lourd, bien bureaucratique et pas du tout compréhensif vis-à-vis de ceux qui l'alimentent. Les indépendants ont en effet  le toupet de cotiser fort cher pour une couverture sociale dont la plupart du temps ils ne se servent pas. De plus, les cotisations sont toujours calculées sur les revenus de l'année antérieure : miam, un bon gros décalage de trésorerie, et voilà l'indépendant qui doit abandonner bien vite l'idée de vivre de son activité. Et le plus beau est qu'une bonne partie du temps, lorsque l'indépendant tombe malade pour une durée un peu longue, son chiffre d'affaire devient nul alors que les cotisations, elles, sont toujours réclamées. Rapidement, le cotisant ne touchant plus rien, ne peut plus rien payer et se voit déchu de ses droits.

Voilà un service d'assurance comme on aimerait en voir plus souvent : on récupère les cotisations et on ne paye pas la prime lorsqu'un sinistre arrive. Malin ! À court terme et du point de vue de l'organisme collecteur, voilà qui est fort efficace... (même si cela n'empêche pas le RSI d'afficher un déficit abyssal). À moyen et long terme, bien sûr, les indépendants vont disparaître, mais comme disait ce bon vieux Keynes, l'ami des Socialistes sans rigueur, "d't'façon, au final, on est tous morts !"

Et puis, pour faire bonne mesure et comme il n'était écrit nulle part que la fusion aboutissant au RSI devrait bien se passer, l'organisme en a profité pour ajouter à sa vision très particulière de l'indépendant une capacité naturelle à faire absolument n'importe quoi n'importe comment avec les cotisations et l'informatique derrière. C'est pour ajouter un petit côté fun à l'ensemble de l'opération, en quelque sorte.

Et alors que la première lame coupe l'auto-entrepeneur dans son élan, que la seconde ratiboise l'indépendant un peu trop léger avec sa gestion de trésorerie (quelle idée de gagner petit, aussi !), la troisième lame du budget va s'occuper d'éradiquer une fois pour toute cette lubie typiquement anglo-saxonne importée en France dans des années d'euphorie lubrique capitaliste : la start-up.

Et pour parvenir à ce but limpide du socialiste qui a bien raison de cogner sur le riche pas assez partageux, une méthode simple consiste donc à aligner l'imposition des revenus du capital avec ceux du travail. Ceci va conduire, par exemple, un entrepreneur qui cède son entreprise, après 10 ans de labeur, d'incertitudes, de hauts et de bas, de semaines de 70 heures, à payer 45% (d'IRPP) et 15,5% (de CSG/CRDS) soit plus de 60% sur la plus-value de cession. Non seulement, cela rapportera quelques pépettes au budget (mais si, puisque Flanby vous le dit), mais cela aura aussi l'effet palpable de couper les membres à toute personne qui voudrait bêtement se lancer dans la création d'entreprise, la prise de risque, les semaines interminables, les revenus en yoyo, et tout ce qui fait le "charme" de ce genre de projet.

Jeu du Lundi : pendons l'entrepreneur avec ses tripes

Et puis, comme le souligne Pierre dans son billet, à ces 60,5% tronqués de la plus-value, le joyeux entrepreneur devra ensuite s'acquitter de différentes taxes, dont les 45% de prélèvements lorsqu'il mourra, lors de la transmission de son patrimoine.

On le comprend ici, les Socialistes, avec cette méthode en trois lames temps ont parfaitement réussi à faire passer un message clair : se lancer dans l'entreprise en France confine maintenant à la psychiatrie lourde.

Bon. Ceci posé, il reste un douloureux problème : ceux qui sont encore dans les rouages de l'entrepreneuriat, et qui vont donc découvrir toute une palette de sodomies fiscales créatives avec et sans chignole. Pour ceux-là, guère d'espoir d'être entendu. C'est pourquoi je relaye l'intéressante initiative d'un groupe d'entre eux qui a bien senti la mise en route des trépans miniers après qu'on leur a imposé de se plier en deux. Il s'agit d'un groupe Facebook dont le totem est, finalement, parfaitement adapté : le pigeon.

pigeon

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