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Autoentrepreneurs : il ne faut pas subventionner la précarité

Publié le 02 octobre 2012 par Omelette Seizeoeufs
 

Le titre du papier de L'Expansion est plaisant : "Hausse des cotisations: les auto-entrepreneurs crient à l'assassinat". C'est une question complexe, qui fait ressortir des clivages parfois inattendus. Ainsi, le fait "de relever les taux forfitaires pour les rapprocher de ceux des indépendants", comme l'affirme le ministère du Commerce et de lArtisanat, par souci "d'équité" (les artisans avaient crié à l'assassinat les premiers). Ce n'est pas la première fois depuis la rentrée que nous entendons des cris de "Au voleur ! à l'assassin !", et ce n'est sûrement pas la dernière.

La question devient celle savoir ce qui est la réponse véritablement "de gauche" à la question de l'autoentreprise. Ainsi, Henri Novelli se veut le défenseur des pauvres :

Le père de l'auto-entreprenariat, Hervé Novelli, a pour sa part dénoncé ce week-end " une mise à mort progressive des auto-entrepreneurs", ajoutant que la mesure, "véritable agression contre les travailleurs pauvres", allait faire "revenir le travail au noir". (Du même article.)

(Notons au passage que tout le monde parle de "mort".)

 

Ce qui apparaît à travers cette petite dispute, où d'un côté il y des morts, et de l'autre un petit ajustement des taux, c'est que le statut d'autoentrepreneur créé en 2009, est une subvention. Au-delà des facilités d'inscriptions et les arrangements du rythme des cotisations, l'essentiel du statut est dans le "cotiser moins pour travailler plus".

Est-ce une subvention utile ? Je ne dis même pas : "est-ce équitable ?" Est-ce utile ?

La création d'entreprises est utile à la société et à l'économie. Il est normal de favoriser la création de nouvelles entreprises, compte tenu du risque que prennent ceux qui s'y lancent. Favoriser les PME, et à plus forte raison la création des PME, cela fait partie de ce débloquage et cette décentralisation de l'économie qui devraient favoriser les entrants talentueux qui aujourd'hui ont du mal à trouver leur place.

Mais…

Les autoentrepreneurs ne sont pas des autoentrepreneurs. La majorité d'entre eux, en tout cas. Ils ne créent pas des entreprises ; ils travaillent. Henri Novelli le dit bien : ce sont des "travailleurs pauvres". Le but du statut était de dépénaliser le travail au noir, en contournant (grâve aux subventions) l'État providence. Vous vous souvenez de l'obsession sarkozyënne : libérer le travail, pas taxer le travail.

C'est pour cela que le statut de l'autoentrepreneur, avec ses cotisations allégées, est comparable à aux heures supplémentaires défiscalisées. Les deux sont des subventions pour faire travailler en réduisant la participation au collectif.

Si on imagine une extension à l'absurde du principe, on imagine facilement que n'importe quel travail pourrait devenir simplement un service, y compris les ouvriers dans les usines qui ne seraient plus des salariés mais des préstataires qui enverraient des factures à la fin de la journée (et qui seraient payés six mois plus tard). Je ne pense pas que cela se produira autrement que dans les fantasmes des libéraux, mais parfois l'absurde aide à mettre les idées en place. On connaît les images des fermiers californiens qui ramassent des clandestins mexicains tous les matins comme journaliers. Tous des autoentrepreneurs ?

Je disais que les taux favorables des cotisations sociales de l'autoentrepreneur était une subvention, et que la vraie question était de savoir si c'était une subvention efficace. Ce serait efficace si la structure de l'autoentrepreneuriat favorisait la véritable création de véritables entreprises. Or, justement par sa légèreté, le format semble plutôt introduire une nouvelle forme de précarité, justement en marge du système actuel. Quand on sait, qu'après trois ans, 90 % des autoentrepreneurs gagnent moins que le SMIC, on voit que ce ne sont en effet que des heures supplémentaires sans salaire de base.

 

La règle à appliquer, pour cette subvention, est, à mon avis, la suivante : il ne faut pas subventionner le précariat.

Les lois Hartz, en Allemagne, ont avec leurs mini-jobs effectivement fait baisser le chômage, mais au prix de très forte précarité, et une concentration de la misère sur une portion grandissante de la population qui ne vit que petits de boulots très mal payés. Plutôt que les intégrer dans le marché du travail et de les booster vers un travail plus stable, ces lois ont transformé ce marché, en encourageant les entreprises à faire appel à du précaire chaque fois qu'il est possible. Et pourquoi ne feraient-ils pas ? Les charges sont moindres, ou même inexistantes, de même que l'engagement de l'employeur. Et, en prime, les salaires sont très bas. Subventionnez la précarité, et elle fleurit.

Pour finir, je reviens à mon idée, lancée il y a quelques mois. Plutôt que de donner de l'argent à ceux qui exploitent le plus, il faudrait que les cotisations patronales soient calculées en fonction du coût social du travail. Un CDD au SMIC à mi-temps a gros coût social. L'employeur devrait payer l'avantage qu'il retire de cette précarité. En revanche, lorsqu'une boîte garde un salarié jusqu'à l'âge de la retraite, cela pourrait être récompensé.

En somme : subventionnons les choses utiles, pas la misère.

PS : Voir aussi Dagrouik et Seb Musset.


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