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Dévalorisation, revalorisation: le traitement chaotique du handicap

Publié le 28 mars 2008 par Philippe Barraqué

Lors d’une table ronde sur l’insertion professionnelle des handicapés le 25 mars à Tarbes, Nicolas Sarkozy a annoncé une revalorisation de 5% de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH). Cette allocation qui concerne 800 000 handicapés en France, personnes en situation de handicap qui ne peuvent travailler ou fortement éloignées de l’emploi, s’élève à 628,10 euros mensuels. Ayant déjà augmenté de 1,1% au 1er janvier 2008, cette allocation sera revalorisée de 3,9% au 1er septembre afin d’atteindre l’augmentation de 5% sur l’ensemble de l’année 2008. Cette revalorisation se situe dans la droite ligne de l’engagement de hausse de 25% sur 5 ans qu’avait pris le Chef de l’Etat français durant la campagne présidentielle.

En contrepartie de cette revalorisation, Nicolas Sarkozy souhaite que ses conditions d’attribution soient revues et que l’AAH soit considérée comme un véritable levier permettant le retour à l’emploi. Devant le fort taux de chômage qui touche les adultes handicapés (parmi les causes : le faible niveau d’études, l’absence de formations adaptées, les aprioris des chefs d’entreprise, la politique d’assistanat…), c’est un véritable changement des mentalités qu’il faut opérer. Plus aucune entreprise ne doit préférer payer une amende plutôt que d’employer des salariés handicapés. « Je trouve particulièrement choquant que certaines entreprises préfèrent payer des amendes, c’est absolument invraisemblable » a déclaré Nicolas Sarkozy.

Il est en effet indispensable que le niveau de qualification des travailleurs handicapés soit amélioré avec l’aide des entreprises, afin de mieux lutter contre le chômage et de créer des passerelles entre les lieux de travail adaptés et les lieux de travail en milieu normal. Quant à l’administration, tenue d’employer au moins 6% de travailleurs handicapés, c’est la mauvaise élève qui ne montre pas l’exemple aux entreprises privées. Certaines administrations n’ont qu’un taux de 3% de travailleurs handicapés !

C’est dans cet esprit qu’un plan d’action gouvernemental sera présenté lors d’une conférence nationale consacrée au handicap, présidée par Nicolas Sarkozy, le 10 juin prochain. Celle-ci sera l’occasion pour le Gouvernement de lancer un « pacte national » incitant les employeurs à s’engager sur des plans pluriannuels d’embauche.

Ces mesures encourageantes constituent une réponse positive aux manifestations organisées par l’APF (Association des Paralysés de France). Leur slogan "Ni pauvre, ni soumis" risque bien de décrédibiliser la cause des personnes en situation de handicap plutôt que de les servir. Il faut faire la distinction entre des personnes lourdement handicapées qui sont peu aptes à exercer un emploi (le télétravail, l’informatique ne sont pas suffisamment mis à leur portée) et la majorité qui ne demande pas mieux que de travailler, de vivre normalement. Ce qu’elles font d’ailleurs, si elles en ont la volonté et le courage. Partir du principe que les personnes en situation de handicap sont toutes précarisées est dévalorisant et inexact. Beaucoup ne se reconnaissent pas dans ce slogan misérabiliste et détourné : "Ni pauvre, ni soumis". Leurs problèmes existent, leur situation économique est loin d’être enviable, mais on n’a jamais rien réglé en tirant le débat vers le bas, en jouant sur la corde sensible, sur la supposée fragilité.

Philippe Barraqué

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