Magazine Journal intime

…plop! 5

Par Emia

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A la maison, Orlando a étripé soixante coussins, il est fatigué maintenant, « Papa ils sont tous morts je veux m’arrêter ». Mais papa n’entend pas, il regarde la télévision. La ville a feu et à sang, annonce le journaliste. Le coût de la catastrophe s’élève déjà à plusieurs millions de francs. Il semblerait toutefois que les coussins aient cessé de se démultiplier pour l’instant. Les coussins « survivants » ont été rassemblés pour former un matelas géant, place du Molard, au centre ville. On peut s’y coucher et vivre un bref instant de «sensualité idéale-brute ». Mais le fabricant du gadget a fait savoir que la « créature » ne passera pas la nuit. « La structure est instable. Une fois le corps conçu, il s’autodétruit en vingt-quatre heures ».

Ce sont ces nouvelles qu’Elisabeth entend lorsqu’elle pousse la porte d’entrée, tirant le matelas derrière elle. Il a déjà perdu de sa superbe. Les bords s’écornent, brunissent, se recroquevillent. Frank se retourne à moitié: « Ça va… ? ». Les enfants l’appellent, elle croit entendre Orlando pleurer. « Regarde … » dit-elle faiblement, mais Frank s’exclame : « Ecoute, écoute! ». Tout ça pour ça, pense-t-elle, et court se réfugier aux toilettes. Qu’avait-elle espéré ? Une réminiscence floutée d’émotions anciennes ; un espoir de jeune fille, le nom d’un parfum ? Elle se sent un peu honteuse. Elle se regarde dans la glace, lisse ses cheveux, avale sa salive. Puis elle sort, dans le hall, où, étalé noircissant sur le carrelage de marbre, l’idéal-objet sensuel brut finit de se faner.  



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