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La liberté de pouvoir être en bonne santé

Publié le 03 octobre 2012 par Samiahurst @samiahurst
La liberté de pouvoir être en bonne santéC'est l'heure de mon billet dans la Revue Médicale Suisse. D'abord, je dois vous dire que je l'ai écrit avant la votation sur la fumée passive, et que vous me prenez donc ici en flagrant délit de pessimisme. J'étais d'autant plus dépitée que, pour une fois que l'on défend bec et ongles (nicotinés) la liberté des individus, on s'est basé à ce qu'il me semble sur une notion très pauvre et passablement confuse de cette valeur.
Car dans le contexte de la médecine, quelle sorte de liberté est digne d’être voulue ? L’absence de contraintes extérieures limitant nos choix ? Sans doute, mais encore? La possibilité de l’auto-détermination, qui peut impliquer que nous disposions de moyens pour être libres ? On a tendance à l'oublier. La régulation de la fumée passive est presque un cas d'école pour une distinction devenue classique entre liberté négative et liberté positive. La première est l'absence de contrainte. Dans le dessin qui ouvre ce billet, l'absence de coquille une fois que le poussin est sorti. La seconde désigne la possibilité de faire quelque chose. Celle-là, le poussin ne l'aura pas encore véritablement acquise simplement en sortant de l’œuf. Ses moyens resteront très clairement limités, avec ou sans la contrainte de la coquille. Si on revient à la fumée, défendre une liberté négative pourrait faire critiquer comme paternaliste l’interdiction de fumer dans les lieux publics, a fortiori l’interdiction de la publicité pour le tabac. Alors que défendre une liberté positive pourrait conduire à prôner ces mêmes mesures. 
Alors maintenant, comme d'habitude, un extrait et le lien (ici): 
Au fur et à mesure qu’elles accèdent aux biens matériels, les sociétés ont tendance à écarter des risques comme la sous-nutrition, la pollution des foyers domestiques, la qualité de l’eau et des sanitaires. Tant mieux. Mais elles ont tendance à les échanger contre les risques du tabac, la sédentarité, l’obésité, la pollution urbaine et ceux de la route et du travail. En d’autres termes, des facteurs très fortement liés au mode de vie. Liberté, serait-on tenté de clamer ici aussi. Chacun doit pouvoir faire ses choix y compris s’ils sont nocifs. Oui, bien sûr : comment défendre une vie de contraintes au nom de la santé ? Sauf que les comportements en question ne sont, disons, pas vraiment entièrement libres. La santé publique sous nos climats est en passe de devenir fondée sur ce que Galbraith appelait la «manufacture des besoins». Si un vendeur peut fabriquer le besoin pour son produit, c’est très bon pour lui. Si son produit est nocif, c’est évidemment moins bon pour son client, qui n’en aurait pas eu un tel besoin sans lui. Alors : suis-je encore libre de choisir si on me matraque de messages publicitaires, si on organise millimétriquement mon supermarché pour augmenter au maximum la probabilité de chacun de mes achats ? Fascinante question. Le même BMJ publiait cet été une attaque en règle de la publicité comme facteur dans ces «décisions» : menace pour la santé physique, pour la santé mentale, exacerbation d’inégalité, ciblage des enfants. Que faire dans tout cela de la liberté de pouvoir être en bonne santé ?
Que faire en effet? Commencer, peut-être, par la protéger un peu mieux justement...Mais pour cela, il va falloir commencer par se rendre compte qu'une fois sorti de l'oeuf, le poussin, si on lui conditionne le comportement eh bien il ne sera pas tellement plus libre qu'avant...

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