Magazine Culture

Juillet 2022

Publié le 06 octobre 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

Juillet 2022

« Des nouvelles après l’horreur dans laquelle Paris est plongé depuis maintenant une heure. Je vous avoue qu’avec tout ce qui se passe, j’ai un peu perdu la notion du temps Patrick. Je rappelle donc pour tous ceux qui nous rejoignent sur France radio qu’il est vingt-trois heures trente, heure de Paris, et que ce soir, la tour Eiffel vient de s’écrouler après une série de plusieurs violentes explosions, de ce que l’équipe de déminage dépêchée sur place suppose être plusieurs charges de C-4. Si l’information est avérée, il faudra donc se poser la question de la personne derrière le détonateur. La chute du monument n’est encore revendiquée par aucun groupuscule connu des services de police. »

« Johnny, dont on n’a pas encore retrouvé le corps,  se produisait juste en dessous du monument afin de lever des fonds pour la campagne du candidat républicain J.F.C. à l’élection présidentielle jusqu’à ce que survienne l’horrible tragédie que nous sommes en train de vivre. Le rockeur censé clôturer en beauté une tournée d’adieu dont plusieurs dates avaient été annulées pour cause de soucis de santé, a peut-être chanté pour la dernière fois ce soir. »

« Des milliers de personnes hurlent sous les décombres que la qualité incomparable de nos micros restituent à merveille selon un sondage effectué il y a quelques minutes. Il y a des corps partout ! C’est la panique générale ici!! Tout le monde court dans tous les sens ! J’ai bien du mal à faire parler quelqu’un et à ne pas me faire bousculer. Les gens sont sauvages. Il règne ici un climat de peur, une tension hurlante et oppressante. Les routes sont complètement saturées de voitures et de gens aux abords du champ de Mars. La plupart des automobilistes s’arrêtent et sortent tour à tour de leurs véhicules pour regarder ce qu’il se passe ici. Certains viennent même prêter main forte aux pompiers pour essayer de trouver des survivants, d’autres aident la police qui tente en vain de maintenir l’ordre. Il y a comme un courant d’une force incroyable dans les rues. »

« La perte de la Tour Eiffel, ce monument, symbole de la nation française dans l’esprits de tous, disparaît dans de bien tristes conditions cent trente et un ans après son apparition à l’exposition universelle de Paris. Les dix-milles tonnes de matériaux utilisés pour sa construction ne sont maintenant plus qu’amas de débris, un pot-pourri de béton, de fer, d’os, et de chairs. Des débris provenant des parties supérieures ont rebondi pour couler au fond de la Seine en emportant avec eux une partie du quai Branly. Nous sommes surement en train de vivre parmi les heures les plus sombres de Paris. Les spécialistes prédisent déjà l’extension de cette paralysie de la ville Monde au pays tout entier dans les heures qui viennent. C’était Johanne Largo pour France radio» entends-je dire la journaliste sur place qui a bien du mal à reprendre sa respiration à travers les enceintes de mon pc.

Je suis seul, assis sur mon clic-clac dans sa position lit. Je ne peux m’empêcher de lâcher un rire bref et sec, teinté de cynisme, lorsque j’entends la journaliste évoquer les problèmes de santé de Johnny. J’espère qu’ils ne retrouveront pas son corps, qu’il tombe dessus à la limite mais sur un cadavre tellement en charpie qu’il ne serait pas présentable pour un cortège funèbre à cercueil ouvert. Je ne souhaite en aucun cas sa mort car pour moi il l’est déjà plus ou moins. Si sa mort physique m’inquiète c’est que cela risque de donner un prétexte aux médias de toutes sortes pour ne faire qu’en parler jusqu’à l’overdose. Je suis sûr que les futures générations en auront encore les oreilles rebattues au prochain siècle. Si la planète ne nous a pas tous avalés d’ici là…

Puis je me souviens, à travers le brouillard alcoolo-cannabique qui m’entoure et qui décidément a de plus en plus tendance à faire régresser ma visibilité, qu’une loi est passée pour lutter contre l’immoralité et que la micro-puce implanté récemment à l’intérieur de mon crane enregistre chacun des propos que je prononce à voix haute. Rires ou pleurs. Les mots insignifiants comme les plus horribles. La plus belle légèreté de langage et la plus accablante. Tout cela est enregistré, répertorié puis analysé par des milliers d’équipes spécialement mise en place pour la cause. Voilà comment, en 2022, le gouvernement en place encore pour quelques temps, a recrée de l’emploi en France… Il faut dire que le job est assez grassement payé.

Je repense à toute cette histoire lorsque le cri intestinal de Jim Morrison sur l’intro de la version live de Back Door Man à New-York en 1970 trouble ma méditation. C’est mon téléphone qui sonne…

C’est Sophie, une amie artiste-peintre qui vit maintenant à Paris. Une brune aux origines calabraise belle comme pas deux et au tempérament explosif. Cette fille, c’est comme un explosif instable. Je n’ai absolument aucun désir de décrocher pour l’entendre me raconter que l’horreur qui arrive doucement mais surement vers nous autres provinciaux est LE sujet du siècle pour sa prochaine toile. C’est surement parce qu’elle n’est pas équilibrée que je décroche tout de même. Et je suis plutôt conforté dans mes présuppositions lorsque j’écoute ce qu’elle me raconte. Elle ne voit l’événement que de ce côté artiste qui parfois m’énerve et l’empêche d’aborder les questions essentielles avec un minimum d’humanité. Non pas que je ne me préoccupe beaucoup plus qu’elle du sort de tous ces innocents fans de Johnny c’est plutôt que je n’ai ni sa chance ni son courage ou quelque penchant que ce soit pour une quelconque forme de lutte. Elle a en effet, je ne sais par quel moyen, réussi à échapper à l’obligatoire présentation au BRI, le bureau de répression de l’immoralité, qui s’assure, chaque mois, et sur chaque français, du bon fonctionnement de la puce que l’état a imposé à tous. Je ne sais pas exactement de quelle façon elle y est parvenue car elle se plait à me raconter une histoire différente à chaque fois que j’aborde la question. Nous discutons longuement et je prends plaisir à écouter chacune des inflexions dans le son de sa voix lorsque ses sentiments s’enfuient à profusion hors de sa bouche sans qu’elle ne parvienne à en contrôler le flux. Je pourrais presque l’aimer…

Avant de raccrocher, elle me propose de venir lui rendre visite le plus tôt possible. Je ne suis pas contre l’idée. Elle a envie de me revoir, de passer du temps avec moi et aussi de lire les dernières conneries que j’ai écrite et j’ai besoin de remonter un peu la température de ma chaleur intérieure avec autre chose que de l’alcool. Je lui promets donc de la rejoindre dès demain matin. Cette perspective semble la réjouir tout autant que moi.

Nous sommes vraiment deux pauvres idiots déviants sur un putain de nuage qui se regonfle d’eau à peine crevé, nous maintenant ainsi dans un rêve permanent. Dans notre délire alchimique, nous avons oublié de prendre en compte la situation actuelle du pays et plus particulièrement celle de Paris. Les trains ne circulent effectivement plus et ce pour une durée indéterminée… Quant aux voitures…Ce n’est même pas la peine d’y penser…Je vais devoir m’occuper de moi tout seul en essayant de ne pas penser à tous ces morts…Bien sûr que c’est possible…

Regardez !

Share

Retour à La Une de Logo Paperblog