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Réactivation du bouton d'arrêt sur certains appareils de loterie vidéo de Loto-Québec

Publié le 07 octobre 2012 par Alain Dubois

JL_2004-05-20_page_325.pngParmi les spécialistes québécois de la santé publique, l’interaction entre le jeu en ligne et les loteries vidéo est l’objet d’une attention particulière. Inauguré le 28 juin 1994, le parc des appareils de loterie vidéo (ALV) de Loto-Québec est devenu rapidement la principale source de profit. En moins de 5 ans, le tiers du bénéfice net provenait des ALV. En 10 ans, les ALV représentaient plus de la moitié des profits. Parallèlement, les services communautaires et cliniques sont devenus débordés par les demandes d’aide de joueurs pathologiques incapables de décrocher des ALV. En ce qui concerne le jeu, la pire crise sociosanitaire que le Québec n’a jamais connue découlait de ce produit tel qu’exploité par Loto-Québec. Récemment, par l’intermédiaire d’EspaceJeux, Loto-Québec a potentiellement augmenté par mille l’exposition de la population québécoise aux appareils électroniques de jeu.

Il existe un consensus, à toutes fins pratiques, unanime entre les scientifiques et les intervenants communautaires ou cliniques selon quoi l’existence d’un bouton d’arrêt sur les ALV est la caractéristique la plus pathogène … celle la plus étroitement associée au développement des illusions de contrôle. Durant le recours collectif contre Loto-Québec (2002-2009), des dizaines de joueurs pathologiques sont venus témoigner de l’impact du bouton d’arrêt sur leur comportement problématique.

En sept ans, la crise sociosanitaire était devenue intense au point d’exiger une intervention gouvernementale. Le 30 mai 2001, au cours d'une importante conférence de presse, Agnès Maltais, Pauline Marois et Serge Ménard, respectivement ministres déléguée à la Santé, des Finances et de la Sécurité publique, ont annoncé une série de modifications des ALV, ainsi que de leur exploitation, destinée à diminuer les dommages découlant de l’utilisation des ALV. Ceci incluait le remplacement du parc d’ALV par de nouveaux appareils.

Dans le rapport annuel 2001-2002 de Loto-Québec (voir page 10), le président annonce une série de mesures qu'il dit constituer un plan d’action ambitieux afin de contrer le problème du jeu pathologique. On y lit notamment : la vitesse de déroulement du jeu sera réduite afin d’empêcher les joueurs d’arrêter les roues en touchant l’écran.

En janvier 2003, la nouvelle série d’ALV est finalement implantée. Incidemment, ces ALV sont toujours en fonction et seront bientôt remplacés. Dans le rapport 2002-2003 (voir page 15), on peut lire au sujet des nouveaux ALV que, parmi les différents mécanismes et dispositifs favorisant le jeu responsable, il y a dorénavant l’impossibilité pour le joueur d’arrêter les rouleaux de jeux en touchant l’écran.

lq_2002-2003_ra_page_15_extrait.png

C’est indéniable. La modification la plus souhaitable des ALV pour les rendre moins dangereux est la suppression du bouton d’arrêt … bien que ce ne soit pas la seule modification nécessaire.

À la mi-juillet 2012, peu avant les élections qui ont ramené le Parti Québécois au gouvernement et madame Pauline Marois comme Première ministre, Loto-Québec a réactivé, à l’écran de certains ALV, un bouton d’arrêt portant expressément ce nom. Ce bouton arrête immédiatement les rouleaux en toute apparence de la même manière qu’il le faisait avant 2003 … au pire moment de la crise sociosanitaire des ALV. Tout un cadeau de Grec pour le retour au pouvoir de Pauline Marois et Agnès Maltais.

Pour l’instant, le retour du bouton d’arrêt n’a été constaté que sur des ALV construit par la compagnie VLC (IGT) mais non sur ceux de la compagnie Spielo (GTech). Heureusement, on ne peut pas jammer le bouton Jouer … ce qui aurait été un comble d’irresponsabilité.

La décision de réactiver le bouton d’arrêt suscite des questions cruciales sur la gestion de Loto-Québec. Quelles pressions à la productivité peuvent-elles rendre des gestionnaires aussi défiants à l’égard des impératifs de santé publique? En est-on rendu à haïr la population québécoise à ce point-là? À quel antipode a-t-il fallu aller chercher un scientifique véreux pour affirmer qu’il n’y a pas de problème à réactiver ce bouton d’arrêt? En tout cas, pas au Québec.

À ce sujet, il importe de rappeler que l’admission, faite par certains avocats, à la conclusion du recours collectif a soulevé l’ire des deux principaux experts scientifiques qui ont témoigné à la demande de ces avocats. L’admission de non dangerosité causale des ALV ne repose sur aucun avis scientifique. Comme c’était à mon avis clairement prévisible dès 2009, cette entente est socialement dangereuse comme l’indique concrètement le retour du bouton d’arrêt.


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