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72 - karl popper ou l’epistemologie hallucinogene

Publié le 09 octobre 2012 par Jeanjacques

Popper apparaît pour beaucoup de scientifiques comme l’épistémologue – voire l’idéologue – garantissant le discours et la pratique des sciences contre les déviations et tous les charlatanismes. La science se veut en effet comme le lieu sécurisé du vrai et du certain, le sanctuaire protégé où des hommes de confiance mettent en application les méthodes et procédures permettant d’atteindre l’illumination que donne la certitude de détenir la vérité.

Et comme toute idéologie collective qui cherche à sécuriser sa forteresse, il importe de désigner l’ennemi à combattre, celui qui risque à tout instant de se glisser dans ses rangs, et cet ennemi, c’est la métaphysique.

1) Ainsi pour Popper : « Le problème fondamental en philosophie des sciences est donc celui de la démarcation : c'est la question de la distinction entre ce qui relève de la science et ce qui relève de la métaphysique, sachant que pour Popper, son critère de démarcation est avant tout un critère permettant de distinguer deux types d'énoncés : scientifiques et métaphysiques. Popper défendait l'idée que toute science nécessite, à ses débuts, dans ses engagements ontologiques, des énoncés métaphysiques, lesquels doivent être, soit éliminés « progressivement », soit transformés en énoncés testables ».

La ficelle, qui est un peu grosse, est celle qu’utilise tous les discours totalitaires d’exclusion de l’autre, qui consiste à se définir une identité, un territoire d’occupation, et de rejeter tout étranger qui se caractérise par l’absence des qualités qu’on aura posé soi-même comme nécessaires pour entrer au pays de la science. A tout instant, la science s’arroge donc autoritairement le droit de rejeter dans l’enfer métaphysique touténoncé qui ne correspondra pas à ses propres critères.

2) Il s’agira alors de définir ce qu’est un énoncé scientifique. Celui-ci est doit pouvoir faire l’objet d’une expérimentation, la répétition de l’expérience devant nous assurer que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, que le phénomène se reproduit toujours à l’identique. Mais un problème se pose immédiatement : comment tracer une frontière entre la science officielle et la science de la vie courante par laquelle, ayant fait par exemple dix fois l’expérience qu’une bûche enflammée invariablement me brûlait les doigts, j’en viens à conclure de façon très popérienne que je détenais là une vérité certaine ?

Mais, nous dit Popper, même là, rien ne nous garanti contre un événement contraire qui viendra infirmer notre croyance. Et en effet : « Par exemple, une collection d'observations (« Je vois passer des cygnes blancs ») ne permet jamais d'induire logiquement une proposition générale (« Tous les cygnes sont blancs »), car la présente observation ne dit rien des observations à venir. Il reste toujours possible qu'une seule observation contraire (« J'ai vu passer un cygne noir ») invalide la proposition générale « 

 

Ici, le scepticisme, qui est celui de Hume, introduit un élément d’instabilité fondamentale là où nous croyions posséder les clefs de la tranquille certitude. Mais, qui ne s’aperçoit qu’il s’agit là d’une sorte de maniérisme, d’un contre feux destiné à nous faire croire que le scientifique n’est pas un homme de certitudes bornées mais qu’il ne cesse de douter. Un peu comme ces riches possédants qui n’hésitent pas à s’habiller pauvrement ou ces puissants exhibant leur humanité commune, la science se fait humble après avoir poser les marques et insignes de son pouvoir. Car au fond, que nous dit ce discours sophistiqué de Popper ? Qu’aucune vérité n’est définitive et qu’il faut s’attendre à voir s’écrouler les édifices les plus solides.Là où nous croyions lire un énoncé scientifique des plus musclé, nous découvrons une banale règle de sagesse populaire qui a tout de l’énoncé typiquement métaphysique.

3) Banale mais très perverse est également la grande règle de Popper connue sous le nom de principe de falsifiabilité ou plus exactement de réfutation. Popper utilise subtilement cette règle pour en faire une ligne de démarcation entre propositions scientifiques et métaphysiques :

« Une proposition scientifique n'est donc pas une proposition vérifiée (avec certitude) - ni même vérifiable par l'expérience (c'est-à-dire par l'intermédiaire de tests scientifiques) -, mais une proposition réfutable (ou falsifiable[) dont on ne peut affirmer qu'elle ne sera jamais réfutée. La proposition « Dieu existe » est pour Popper dotée de sens, mais elle n'est pas scientifique, car elle n'est pas réfutable. La proposition « Tous les cygnes sont blancs » est une conjecture scientifique. Si j'observe un cygne noir, cette proposition sera réfutée. C'est donc la démarche de conjectures et de réfutations qui permet de faire croître les connaissances scientifiques. »

Nous sommes là en pleine sophistique dont il nous appartient d’en démêler les écheveaux très subtilement embrouillés. Remettant cette règle à l’endroit,on dira qu’une proposition est scientifique si on peut affirmer qu’elle pourrait un jour être fausse puisque doit s’ouvrir pour elle la possibilité d’une expérience l’a mettant en doute. Ainsi, un énoncé scientifique doit non seulement faire l’objet de nombreux tests pour sa validité, mais le chercheur doit imaginer aussi qu’il est possible qu’elle soit fausse par d’autres tests. Nous sommes en pleine folie épistémologique et bien évidemment l’exemple donné d’un test de réfutation impossible est celui de l’existence de Dieu, le but étant de débarasser la science des arguties sans fin de la théologie.

 

Car, en définitive, à quoi revient la règle de la réfutation ? D’une part à affirmer qu’un énoncé à partir duquel on ne peut effectuer aucune expérience pour sa vérification n’est pas scientifique, d’autre part à dire qu’une vérité est vraie jusqu’à ce qu’une expérience en prouve le contraire. La règle de falsification/réfutation de Popper se résume à une intrication très byzantine de ces deux principes communs.

Mais le big-bang n’est absolument pas réfutable puisque aucune expérience ne pourra jamais démontré qu’il est faux. Pourtant, la quasi totalité de la communauté scientifique est assurée de sa validité. Alors ?

Alors, on peut alors se demander à quoi sert un idéologue des sciences comme Popper, si, comme nous le pensons, les chemins de la certitude sont  des voies tourmentées et très souvent irrationnelles où on ne respecte ni les panneaux dangers ni les sens interdits.


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