Magazine Beauté

Emotion Majuscule à Odéon

Publié le 10 octobre 2012 par Thierry Piguet

parfum inoubliableIl passait tous les jours devant l’auvent rouge de ce café tapi au coin du Carrefour de l’Odéon. En dehors de cet auvent rouge vif, ce bistrot ne se distinguait pas particulièrement par la beauté de son équipement. Mais chaque nom de boisson inscrite sur la grande ardoise commençait par une Majuscule habilement dessinée. Il apercevait souvent une jolie inconnue assise à la terrasse semi-couverte. La régularité de sa présence pendant les jours de la semaine révélait qu’elle travaillait dans le quartier. Elle avait pris l’habitude de prendre son expresso avant d’attaquer sa journée de travail.
Elle n’était jamais seule. Soit entourée de collègues de travail avec qui elle partageait des discussions souvent animées. Soit isolée à une table, mais reliée à son monde par son smartphone dont les minces fils blanc de ses écouteurs encadraient son visage aux traits réguliers, et sur l’écran duquel apparaissait le F bleu de Facebook montrant qu’elle échangeait des commentaires et des « like » avec frénésie et dextérité.  Jamais il ne l’avait vue en tête à tête avec un homme. Quelquefois un jeune enfant l’accompagnait, souvent le mercredi. Sa silhouette matinale se dessinait avec harmonie entre les jointures imparfaites de la terrasse.
santal majuscule de serge lutensUn jour il s’assit à une table pas trop loin et commanda son café. Elle était habillée comme souvent, avec simplicité, sans recherche ostentatoire. Ses camarades de travail l’entourait maintenant et l’empêchait de voir tous les détails de son visage.
Il entendait juste sa voix vive et pleine d’éclats. Son langage n’était pas à proprement parler « Théâtre de l’Odéon », ni Py, ni Bondy. Ce n’était pas une bobo de St Germain. Mais l’énergie qu’elle dégageait, sa manière de bouger, son rire sonore lui donnait une personnalité indéniable. Quelquefois elle délivrait une sorte de feulement de chat sauvage lorsqu’une remarque prononcée par un de ses partenaires de discussion la concernait, accompagné d’un sourire. Un matin de fin d’été elle portait un cardigan vert dont les boutons de nacre entourait son cou de chaque coté en suivant le col, comme s’ils voulaient lui faire un collier. Il avait remarqué qu’elle portait peu de bijoux.
Elle s’exerçait à l’Art Nails en décorant ses ongles de couleurs et de motifs finement dessinés à l’extrémité de ses petites mains. Cela lui donnait une touche féminine qu’elle ne semblait pas vouloir trop exhiber. Peut être exerçait-elle un métier créatif dans ces bureaux qu’elle rejoignait tous les jours de la semaine ?
Les courants d’air de cette terrasse aux protections plastiques non étanches, faisait osciller sa queue de cheval. Le plus souvent un chouchou lui tirait simplement ses cheveux bruns derrière la nuque. Un geste de femme active, pressée le matin pour aller déposer son fils à l’école et filer au travail. Cela lui faisait un joli visage de danseuse étoile.
Un jour de pluie, il s’abrita sous l’auvent du café avant de traverser la rue pour rejoindre son bureau. Elle était là, seule, son smartphone éteint. Elle fouillait nerveusement dans son sac. Bousculant légèrement la table, le café s’échappa de la tasse, et le briquet tomba à terre. Il hésita pour aller le ramasser. Elle avait déjà réagit. Elle l’attrapa puis pris sa tasse nerveusement tout en essuyant la table avec la serviette. Son expression était plus tendue. Ses yeux en amandes n’étaient pas maquillés, le nez droit plus aquilin, son charmant sourire était absent ce jour là. Jusqu’au 2 adorables fossettes, délicates parenthèses encadrant ses lèvres, qui avaient disparu, masquées par une couche fond de teint plus abondante. Le temps était gris, les nuages noirs avaient délégué un porteur de mauvaises nouvelles qui obscurcissait toute la rue, l’humeur était sombre.
Il avait pris sa décision. Il lui tendrait un piège. Un piège de velours. Tout devait être tenté avec une profonde discrétion pour créer les conditions favorables au retour de ce qu’il avait pris l’habitude de capter subrepticement à l’aurore d’une journée de travail: L’image de ce joli visage à la vivacité communicative.
Il lui fallait transmettre un message pour lequel elle ne captait plus d’échos : sa personnalité de femme, active ,battante, séduisante.

Il s’arrangea avec le garçon de café qu’il mit dans la confidence, en venant déjeuner régulièrement pendant une semaine.
Un matin lorsqu’elle commanda son café, le garçon déposa la tasse du petit noir et sa cuillère, le sachet de sucre, le petit gâteau sec sous son cellophane transparent, un verre d’eau et …. un petit sac fait d’un élégant carton de la même couleur que le café. A l’intérieur Santal Majuscule de Serge Lutens. Seul un petit carton blanc portait ces mots : « Pour vous, Femme Majuscule ». Elle regarda le garçon un peu interloquée et échangea quelques mots avec lui, cherchant à comprendre. Les fossettes refirent leur apparition. Doux repères d’un sourire renaissant.
Lui avait déjà rejoint son bureau dans les étages. Il avait choisi ce parfum pour Le Santal et la Rose qui la saisirait pour son coté féminin. L’aspect poudré du Cacao la bercerait pour lui donner cette impression même furtive que la douceur pouvait être une amie fidèle de sa personnalité à l’altérité fragile. Il espérait entendre demain en passant devant cette terrasse, la voie enjouée, le rire sonore, de celle qui doit croire à sa féminité Majuscule.

Santal Majuscule par Serge Lutens :
Pas de pyramide chez Serge Lutens. Simplement le souffle d’un poète qui déclame : poudré ici par l’amertume du cacao, le santal s’enfonce au plus profond d’un piège de velours.



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Thierry Piguet 875 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines