(Alain Fabre-Pujol, photo origine inconnue)
Quelque part près d’Alès, le pays de Jean-Pierre Chabrol, son père l’attend pour aller cueillir des cèpes. Ils partiront dans la forêt, le vent bruissera des rumeurs de l’automne, ils parleront de choses et d’autres ; les pluies cévenoles arriveront plus tard.
Au retour vers Nîmes, sur la route à double voie, il écoutera le dernier tube d’une chanteuse, Mlle Badi, pour qui il garde les yeux de… Chimène, puis il glissera dans le lecteur de sa voiture un disque compact de Joan Baez ou de Jimi Hendrix, en souvenir des luttes contre la guerre du Vietnam et de cette génération Woodstock à laquelle il s’honore d’appartenir comme d’autres ont appartenu - contre leur gré - à celle de la guerre d’Algérie.
Alain Fabre-Pujol (A.F.P.), la petite cinquantaine, a gardé un visage adolescent et l’idéalisme qui va avec. Il est l’un de ceux qui connaissent le mieux les rouages de la vie locale. Lui qui fut de 1995 à 2002 l’enfant chéri de la gauche nîmoise se souvient des mots de Lionel Jospin, devenu premier ministre : « C’est vous, à Nîmes, qui avez inventé la gauche plurielle », une forme de reconnaissance. De dette. Mais il a bien fallu tourner la page.
Après la double défaite, élections municipales en 2001, législatives de 2002, il a connu, y compris physiquement, l’ingratitude. Les regards se sont détournés, les visages se sont fermés, les portes aussi. Il s’est cherché. On pense au Raphaël de Lamartine : « Il avait des ailes à ouvrir, et l'atmosphère ne le portait pas » ou mieux au Frédéric Moreau de « Flaubert dans « l'Éducation sentimentale » : « […] et puis la véhémence du désir, la fleur même de la sensation était perdue. Ses ambitions d’esprit avaient également diminué. Des années passèrent ; et il supportait le désœuvrement de son intelligence et l’inertie de son cœur. »
Il a grillé cigarettes sur cigarettes et serré les poings, dans l’oubli nécessaire des fragrances de la rose socialiste. Heureusement, une femme : « Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre » parfois l’a accompagné.
Il est reparti quasiment à zéro, il a suivi un itinéraire qui n’avait de Royal que le nom, puis, en homme qui possède une vision, sinon du monde global du moins de l’horizon local, il a compris que l’avenir serait écologiste ou ne serait pas. Il a rejoint Europe-Écologie de Dany Cohn-Bendit et beaucoup devinent le rôle prépondérant qu’il a joué dans l’élection à l’Assemblée (Gard, 6ème) de Christophe Cavard, un proche de José Bové. Ou comment associer la défense des O.N.G. (Amnesty International, Greenpeace) au combat contre les O.G.M. et l’exploitation du gaz de schiste.
Il vient de relancer l’association Nîmes Simplement pour offrir aux militants écologistes, aux citoyens engagés à gauche, aux personnalités de la société civile, une communauté de destin ; la possibilité de co-construire un projet à visage humain pour changer une ville par trop minérale et livrée aux promoteurs.
Attaché d’administration territoriale, et par-là parfaitement en phase avec l’actualité des collectivités locales (cf. l‘acte III de la décentralisation), Fabre-Pujol, avec le détachement de l'homme de bien qui a traversé les épreuves de la vie, se dit prêt à prendre un congé en disponibilité… pour peu que l’avenir réponde favorablement à sa disponibilité présente. La gauche nîmoise, les écologistes, les démocrates, pourront-ils se passer, lors des prochaines élections municipales, de son expérience, de son expertise, de sa pugnacité?
Ce serait non seulement dommage, mais peut-être risqué. En attendant, A.F.P. a lu cet été Le premier homme, le roman inachevé d’Albert Camus…