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Des canards à Ezile Bay

Publié le 11 octobre 2012 par Busuainn_ezilebay @BusuaInn_Ezile
Doko-Doko farm at Ezile Bay...
C'est parti pour la basse-cours à Ezile avec les canards (doko-doko en Fanti).
Depuis quelques semaines, nous avions 3 femelles qui s'ébattaient très à l'aise sur le terrain ou pataugeant dans la boue (si vivante) de la mangrove et encore flottant sur la rivière d'une allure tantôt tranquille et un brin paresseuse ou faisant une parfaite imitation des bateaux aux énormes hélices (qui ressemblent à des grands ventilateurs) que l'on trouve dans les Everglades (surtout lorsque Titite la chienne chasseuse les poursuivait dans l'eau).
Ces 3 dames canes (de Jeanne) ont été rejointe récemment par un mâle très dominant et imposant distribuant coup de bec autours de la gamelle (les canards adorent le gari, ça tombe bien y en a plein !), décidant qui peut manger ou pas. La paix des dames-canes venaient d'être troublée par un gros volatile un brin ridicule.
Hier, j'ai rendu visite à Maman Kwaw, une vieille dame malicieuse de ma connaissance. Elle vit dans une cours (appelée aussi concession) entourée d'une famille élargie aussi envahissante que voleuse.
La famille n'est pas un long fleuve tranquille
Car il ne faut pas idéaliser la notion de famille en Afrique subsaharienne. Bien loin des clichés, représentations et stéréotypes que peuvent avoir des personnes peu ou mal informées. La famille est plus souvent qu'à son tour pétrie de jalousie, palabres, vols et larcins de toutes sortes. 
Comme me le disent souvent mes amis ouest-africain et néanmoins Akan (pour certains) : « C'est comme ça dans les familles Akan ! ». Comme les akan, ce n'est pas "que ça", je vous invite à visiter le très complet site de Phil Bartle sur ce peuple.
J'ai un exemple “tout frais “ (façon d'écrire car ce qui va suivre est plutôt du registre avarié...) de la semaine écoulée. Une personne était malade au village. Personne ne voulait se cotiser pour lui payer l'ambulance (sur place mais plus chère que le taxi, ce qui est un brin gonflé) ou un trotro ayant fini son service et passant la nuit à la gare, pour l'emmener à l'hôpital le plus proche... Et tout le monde prêt à se cotiser pour... Organiser de belles funérailles (on n'est jamais si bien servi que par soi-même...).
C'était à qui mieux mieux allait vociférer autours du malade dans un apparent bouillonnement qui servait en fait à masquer et brouiller l'absence de volonté et d'action... Et c'était “On dit que”, “faut faire que”... Et... Personne ne fait... Le dire plutôt que le faire, rien de bien neuf...
Les membres de la famille du malade ainsi que les voisins venant visiter le malade, non pas pour s'enquérir de sa santé dans le sens positif, comme il peut paraître au premier abord mais bien pour vérifier qu'il souffre bien.
Ah ! Se repaître de la douleur-malheur des autres, entamant l'air de la morbidité d'une certaine curiosité curieusement incertaine... Dans bien des endroits dans le monde, cela existe aussi mais en différé, mis à distance par émission de tv et autres feuillets imprimés ou via le ouaib, ici, c'est en direct, pas d’intermédiaire ! Il faut dire que nous attendons toujours l'électricité dans le coin malgré un événement d'importance, les poteaux ont été installés (période pré-électorale oblige et ceci aussi est universel....).
Des funérailles dignes de ce nom (3 jours et nuit de musique distordue hurlante dans des enceintes saturées et grésillantes, beuverie à volonté...) vont enfin pourvoir être organisée ! A la bonne heure ! (les occasions de distraction ne sont pas si fréquentes dans nos campagnes...).
Tous (ou presque) attendant comme des vautours la mort du malade (Est-ce qu'il souffre bien ? Et comment ? Il va durer encore longtemps ? Et les funérailles, c'est pour quand ?).
Cela me fait immanquablement penser aux vautours. Pour alléger cette affreuse vision, je préfère penser à ceux qui sont présents dans Lucky Luke, vous savez, ceux qui n'ont pas l'air d'avoir l'eau et le gaz à tous les étages....Remarquez à Akwidaa old town (la bien nommée dans cette situation) pas d'eau, pas de route et pas d'électricité alors le gaz...
Revenons, si vous le voulez bien à ces funérailles précoces... Personne ne voulait se cotiser pour emmener la personne malade à l'hôpital... Et tout le monde prêt à se cotiser pour de belles funérailles (en moyenne 40 pesewas par villageois).
Alors, vous comprendrez, quand d'aventure des personnes un brin naïves ou aveuglées par le soleil, me parle de la belle unité communautaire en Afrique, je ne peux m'empêcher de sourire... Au mieux...
Le canard-tours
Donc, Maman Kwaw fatiguée de se faire déposséder par son entourage me fit savoir qu'il fallait que je vienne chercher ses volatiles pour lui garder à Ezile. Un exode urbain, de la ville à la campagne...
Me voilà donc partie dès le point du jour pour le canard-tours... Je me mis au volant et j'ai pris la piste, puis la route et encore la piste en direction de Komenda, bourgade de la centrale région à l'est de Takoradi.
Finalement, arrivée chez Maman Kwaw, dans la cours composée de 12 chambres, ce qui fait au bas mot 50 personnes vivant dans un espace très réduit. Je vous laisse imaginer les résultats obtenus d'une si grande promiscuité-proximité...
Je salue Maman Kwaw et les autres personnes présentes, m'assois auprès de la vieille dame, m’enquiers de sa santé et nous papotons tranquillement. Coup d’œil furtifs et à répétition, puis traînant en longueur avec un insistance « mamouthesque » de la part des voisins, venus voir cette blanche qui est venue rendre visite à la vieille (surnom affectif et élogieux pour les personnes âgées en Afrique de l'Ouest, partie du monde encore indemne des salmigondis fumeux du “politiquement correct”...).
Maman Kwaw me lance discrètement des clins d’œils complices et avisés et me fait part des sempiternelles palabres, qui émaillent et ébrèchent son quotidien de vieille dame lucide, sur tout ce cirque environnant. Pour plus de liberté d'expression, (les autres ainsi ne comprendront pas !) elle décide de partager tout cela avec moi avec son savoureux français de Côte d'Ivoire. C'est que Maman Kwaw a vécu une partie de sa vie à San Pedro.
Et elle envoie les enfants chercher les canards qui batifolent aux alentours de la cours. Le premier arrivé est promptement attaché par les pattes et les ailes, délicatement enrobé dans un sac plastique, qui lui servira de couche pour le voyage retour.
Vous vous souvenez ? La piste puis le goudron puis encore la piste et pour changer un peu, une variante : du goudron cassé/piste défoncée d'une des principales artères de contournement de Takoradi (pour mémoire et info, la 3 ème ville du pays... et capitale en devenir du pétrole...).
Puis arrive le 2 ème canard, fièrement brandi par un gamin hilare, le rythme s’accélère 3ème, 4 ème... Euh ? Toutes ces arrivées sont accompagnées de précaution d'utilisation de Maman Kwaw (surtout pas d'eau sur les œufs ! Coupes leur le bout des pattes, tu les reconnaîtras, ils adorent le manioc...). Et ainsi de suite... jusqu'au 7 ème !

Des canards à Ezile Bay

Tour d'horizon pour Mr et Madame Doko-Doko

On enfourne tout ce petit monde duveteux dans le coffre de la voiture et les enfants entament une gigue endiablée sur l'air de “Les Doko-Doko partent en Europe ! En Europe, les Doko-Doko !” J'ai bien ri !
Je pris congé de Maman Kwaw, la remerciant. Elle me souffla doucement à l'oreille “tu me ramènes des photos d'eux la prochaine fois, que je vois où ils vivent ?”.
Le voyage retour s'est globalement bien passé. La nuit arrivée, certains canards se sont mis à émettre des sons un brin désapprobateurs, indiquant ainsi qu'ils voudraient bien se coucher dans un endroit plus calme qu'un coffre de voiture, si remuant (et puis, tant qu'on y est, vous pourriez pas arrêter la clim svp ?).

Des canards à Ezile Bay

Allez ouste ! Tous à la rivière !


L'étoile filante et l'Amerzone
En plein milieu de la piste, au milieu de la plantation d'hévéa, dans une nuit d'encre emplie et traversée avec fulgurance de sons et bruits nocturnes de la brousse (et néanmoins stridents pour certains...), d'un seul coup, une étoile filante (et pas la taille débutante !).
Vite ! Un voeux pour cet heureux présage pour l'arrivée de la volatile-famille (enfin pour moi) car mon copilote ghanéen m'indiquera que pour lui c'est synonyme de mort avec une certaine logique. Puisque nous avons tous notre étoile dans le ciel, lorsqu'une étoile tombe, cela indique qu'une personne est morte, ça se tient...
Avec cette étoile filante, cette “expédition” pris tout à coup un air d'Amerzone...
Vous souvenez vous de ce poétique jeu vidéo (ce qui est assez rare pour un jeu vidéo où l’efficacité et la progression par palier règnent), des années 90 ? Le créateur de ce jeu est Sokal qui est aussi par ailleurs, dessinateur et scénariste hors pair de bandes dessinées, dont le personnage principal, l'inspecteur Canardo qui est (justement) un canard détective privé (comme quoi, bd et canard, ce n'est pas obligatoirement Donald Duke !)..
Des canards à Ezile Bay

Son héros est plutôt un anti héros, un espère d'anti Humphrey Boggart. Il est alcoolique, malchanceux et champion d'erreur et bévues en tous genres. Il est entouré d'une galerie de personnage, un brin déglingués (tous sous des traits d'animaux, chats, cochons..) qui singent et épinglent les travers humains.
Je disgresse encore (quoi que...). Retournons à nos Doko-Doko...
Présentation de la nouvelle résidence
Arrivés à Ezile, tout le monde descend ! On leur présente leur nouvelle résidence pour la nuit. Les caquetantes bestioles sont un brin hébétées. C'est que la journée fut longue et riche en événement à l'échelle de la vie d'un canard (et pas que...). Tout du moins, je me l'imagine.

Des canards à Ezile Bay

Azonto (le petit dernier chien récupéré au village) intrigué.

Des canards à Ezile Bay

L'arrière de la cuisine et restau pour canardos


Ce matin, présentation des lieux stratégiques, l'arrière de la cuisine où on peut grappiller des restes, l'enclos où on sert à manger comme au restaurant et enfin, fin du fin, la mangrove et la rivière devenues aussitôt parc d'attractions à canards (comme il est bon de se planquer dans les racines de palétuviers...).
Pour nous remercier, ils ont fait 2 œufs dans la foulée !
Me voilà ainsi à la tête d'un cheptel de onze canards adultes et bientôt aux menus du Busua Inn et d'Ezile bay : canard ! Et les œufs de canards, un vrai délice, tout simplement en omelette ou sur le plat ou incorporés dans la pâtisserie....
Vous imaginez du confit de canard made in tropiques ? 

Des canards à Ezile Bay

C'est la fête !


Après les rillettes du Golfe de Guinée (ouais, ça change un peu du Mans)... 
On pourrait envisager d' attaquer les rillettes de canards (si vous avez des recettes, suis preneuse).
Faut vraiment que j'envisage sérieusement d'acquérir une vache... 
Et je me prends à rêver (et à baver un peu...) à un camembert made in Ezile Bay....
Mais, je n'en suis pas (encore) là.
Et une étape de plus vers l'autarcie-mon-amie. La prochaine étape de ce processus de cheminement devrait emprunter poulets (veaux, vaches) cochons...
Dont, je ne manquerai pas de vous parler ultérieurement.
Allez, en attendant portez vous bien et à tantôt !


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