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En défense des auto-entrepreneurs : faux privilégiés, vraies victimes du PLF 2013

Publié le 12 octobre 2012 par Copeau @Contrepoints

Le régime d’auto-entrepreneur est-il si avantageux que ne le prétendent ses détracteurs ? Les modifications du régime fiscal des auto-entrepreneurs prévues par le PLF 2013 sont-elles bénignes ?
Par Vincent Bénard.

En défense des auto-entrepreneurs : faux privilégiés, vraies victimes du PLF 2013
Au-delà de la fronde tout à fait salutaire des "Pigeons", un mouvement de ras-le-bol des créateurs de jeunes entreprises, le premier élan de colère contre les annonces des dispositions du Projet de Loi de Finances (PLF) 2013 a également touché les auto-entrepreneurs, suite à divers articles de presse annonçant la “remise en cause” du statut.

Puis certains ont cru bon de faire remarquer que les mesures annoncées ne portaient essentiellement "que" une augmentation de "3%" (en fait, nettement plus, nous le verrons) des taux d’imposition du régime, et de nombreux commentateurs de presse, y compris les plus estimables, ont alors jugé que les protestations des auto-entrepreneurs étaient injustifiées. En outre, nous avons eu le droit à la litanie des protestations "classiques" contre les auto-entrepreneurs qui bénéficieraient "d’avantages considérables" créant une "concurrence déloyale" contre les artisans.

Ces assauts contre les auto-entrepreneurs sont-ils justifiés ? Pour le savoir, il convient de répondre à deux questions :

  1. Le régime d’auto-entrepreneur est-il si avantageux que ne le prétendent ses détracteurs ?
  2. Les modifications du régime fiscal des auto-entrepreneurs prévues par le PLF 2013 sont-elles bénignes ?

Pour ce faire, nous allons d’abord revenir (longuement) sur le statut actuel ("Novelli") des AE, puis, en fin d’article, sur l’incidence réelle des augmentations prévues par le PLF 2013.

Qu’est-ce que l’auto-entrepreneur ?

Ce régime a été créé à l’initiative de Hervé Novelli, Secrétaire d’État aux Entreprises et au Commerce Extérieur dans le gouvernement Fillon, dans le cadre de la Loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Le but de ce statut est de simplifier considérablement la création, la vie et la cessation d’une activité lucrative pour encourager la création d’entreprises, offrir des nouvelles solutions aux demandeurs d’emploi, offrir aux salariés, fonctionnaires, étudiants ou retraités la possibilité de créer, dans des conditions favorables, une activité complémentaire, soit dans le but d’augmenter leur revenu, soit pour démarrer une activité indépendante sans prendre le risque d’abandonner leur situation antérieure.

Naturellement, dans un monde "idéal" au sens libéral du terme, c’est-à-dire sans Urssaf, avec une fiscalité marginale faible et une administration quasi furtive, une "niche" fiscale et administrative telle que l’auto-entrepreneur ne se justifierait pas. Mais dans la France hélas réelle d’aujourd’hui, faite d’impôts élevés et de tracasseries bureaucratiques de tous les instants, la création de M. Novelli constituait une avancée remarquable, qu’il convient de détailler.

Un régime fiscal et social simple mais assorti de limitations

Question simplification, l’objectif a été largement atteint. Il suffit de s’inscrire par Internet, ou en se rendant à la Chambre de Commerce, ou des Métiers, ou à l’URSSAF. On est immédiatement admis à exercer, et on reçoit un numéro SIRET dans les jours qui suivent. Il n’y a pas d’inscription au registre du commerce ou des métiers, ni publicité.

L’AE dispose d’un seul interlocuteur pour payer l’impôt et les cotisations sociales : le Régime Social des Indépendant (RSI) pour une activité commerciale ou artisanale, l’URSSAF pour une activité libérale. L’AE doit choisir, à la création, entre deux régimes :

  • (1) Le versement libératoire de l’impôt et des charges sociales.

Ou

  • (2) Le régime de droit commun adapté à la micro-entreprise.

Dans le second cas, vous ajoutez à votre déclaration annuelle de revenus vos bénéfices nés de votre activité d’auto-entrepreneur, ce qui vous impose la tenue d’une comptabilité. La grande majorité des entrepreneurs choisissent donc le versement libératoire.

L’auto-entrepreneur bénéficie de la franchise de TVA dévolue à la micro-entreprise (art 293B du CGI). En contrepartie, il ne peut pas récupérer la TVA payée sur ses achats.

Ce régime fiscal et social n’est accordé que sous condition d’une double limitation :

  • Le chiffre d’affaires ne doit pas dépasser 81 500 € annuels pour une activité de vente de marchandises, ni 32 600 € annuels pour des prestations de service. Si ce chiffre d’affaires est dépassé au cours de la première année, l’auto-entrepreneur perd ses avantages et réintègre le cadre de droit commun. Il sera alors soumis à toutes les contraintes ordinaires s’appliquant à un commerçant, un artisan, ou une profession libérale. Un dépassement de 10% maximum de ces plafonds est toléré à partir du deuxième exercice, et pour un exercice seulement.
  • Le revenu global imposable du foyer fiscal de l’auto-entrepreneur ne doit pas dépasser le montant imposable à la troisième tranche de revenus (imposable à 14%), soit 26 420 € par part. Cette condition est appréciée pour l’antépénultième exercice fiscal de l’année d’imposition (donc pour l’impôt 2011, payé en 2012, le revenu fiscal de 2009).

Le versement libératoire simplifié

Le revenu de l’auto-entrepreneur est forfaitairement estimé à 29% du montant des ventes de marchandises, 50% du montant des ventes de services artisanaux, 66% des recettes non commerciales. Il s’acquitte trimestriellement (ou mensuellement) de ses impôts et charges sociales en faisant une simple déclaration de chiffre d’affaires de la période (par voie postale ou en ligne), accompagnée d’un paiement ou d’un télé-règlement de :

  • 13% de ses ventes de marchandises (12% représentent les charges sociales, 1% l’impôt sur le revenu), plus 0,15% de contribution à la formation professionnelle continue (qui ouvre droit à des formations agréées gratuites),
  • 23% (21,3% de cotisations sociales et 1,7% d’impôt sur le revenu) pour ses prestations de service artisanales, plus 0,15% FPC,
  • 23,5% (21,3% de cotisations sociales et 2,2% d’impôt sur le revenu) pour ses recettes non commerciales, plus 0,15% FPC.

Le choix du versement libératoire simplifié exonère l’entrepreneur du paiement de la Cotisation Foncière des Entreprises pendant l’année de création et les deux années suivantes.

Avantages par rapport à l’exercice d’une activité commerciale ou artisanale dans le cadre du droit commun

L’avantage le plus apprécié est celui de la simplicité de fonctionnement, du moins sous régime libératoire simplifié. L’auto-entrepreneur n’est tenu qu’à remplir un registre chronologique de ses ventes et de ses achats. De plus, il n’enregistre ses ventes qu’à réception du règlement. Il est tenu toutefois de faire figurer certaines mentions sur ses factures et devis (« auto-entrepreneur », numéro SIRET, dispense d’inscription au RC ou RM, franchise de TVA - art. 293B CGI). Il doit émettre des factures dans les cas où le CGI l’exige. Il doit enfin conserver ses relevés de banque.

Le régime social des auto-entrepreneurs sous l’option libératoire simplifiée est a priori plus favorable que le régime de droit commun. Ainsi, pour un vendeur de marchandises dont le bénéfice est effectivement 29% du chiffre d’affaires, le prélèvement social global, CSG incluse, est égal à 49,5% du bénéfice. Pour l’auto-entrepreneur, ce prélèvement est de 12/29 = 41,4% du bénéfice forfaitaire et donne les mêmes droits à assurance maladie, retraite, etc. Pour un prestataire de services artisanaux auto-entrepreneur, c’est 21,3/50 = 42,6%.

Le principal avantage réside surtout dans le fait que l’auto-entrepreneur sous régime simplifié n’est pas soumis aux minimas imposés aux autres catégories, qui est de 1680 € pour un commerçant ou artisan, ramené à 350 € pour ceux qui bénéficient du régime de la micro-entreprise. Cette particularité est hautement appréciable en cas d’insuffisance de chiffre d’affaires, et élimine le risque de payer plus de cotisations qu’on n’encaisse de recettes.

Les contreparties : des avantages pas si avantageux !

Cela dit, le forfait a pour contrepartie que, en cas d’insuffisance de bénéfice, et encore plus en cas de perte, les cotisations restent immuablement calculées sur le chiffre d’affaires. Or tout professionnel est soumis à des aléas pas toujours maîtrisables (difficulté pour amortir les investissements, invendus, obligation de brader, défaillance de créanciers...).

L’impôt sur le revenu, quant à lui, correspond à un taux réel d’imposition de 3,45% du forfait de revenu (vente de marchandises et fourniture de logement) ou 3,4% (prestations artisanales). Ces taux peuvent paraître peu élevés, mais ils doivent être considérés en fonction du revenu total. Un commerçant célibataire sans enfant qui réalise 80000 € de ventes à 29% de bénéfices, soit 23000 € de revenu, aura un taux d’imposition de 7,53%. Mais il peut diminuer considérablement ce taux, voir l’annuler, grâce à des charges déductibles et crédits d’impôt, ou versements de pensions alimentaire, etc. L’auto-entrepreneur ne dispose pas de ces possibilités.

Mais surtout, 90% des auto-entrepreneurs gagnent moins que le SMIC. Un commerçant dont le revenu est de 12000 € par an ne paye pas d’impôt sur le revenu, alors que l’auto-entrepreneur revendeur de 41379 € de marchandises pour un bénéfice de 12000 € paye 414 € d’impôt, ce qui est lourd pour une personne en dessous du SMIC.

Un autre avantage prêté aux auto-entrepreneurs, l’absence de versement de la TVA, mérite examen. Cet avantage n’est évident que dans le cas d’auto-entrepreneurs vendant exclusivement à des particuliers des produits ou des services taxés à 19,6%. Lorsqu’on vend des produits taxés à 5,5% (alimentaire, restauration, rénovation et entretien bâtiments, taxi, etc.), alors qu’on achète le matériel, les fournitures, le gazole, avec un taux de TVA de 19,6% entièrement récupérables, avec éventuel reversement du Trésor, pour le professionnel non auto-entrepreneur, la franchise de TVA n’est plus recommandée, et le régime auto-entrepreneur devient financièrement défavorable.

Enfin, dans tous les cas où l’auto-entrepreneur offre ses services à des entreprises, la franchise de TVA se retourne contre lui, puisque ses clients ne le trouvent compétitif que si ses prix sont d’au moins 19,6% (ou 5,5%) inférieurs à celui de ses concurrents, et qu’il ne bénéficie pas de la récupération sur ses achats. Il en est de même pour l’auto-entrepreneur vendant largement à l’étranger (vente par Internet, notamment), ses clients étant le plus souvent astreints à payer une TVA à leurs douaniers, alors que lui ne peut déduire la TVA de ses fournisseurs.

Surprise ! Une grosse "peau de banane" de Bercy

Le cas de ceux qui cumulent un revenu salarial ou une pension et une activité d’auto-entrepreneur mérite une analyse particulière, d’autant que c’est le cas d’une majorité d’entrepreneurs. C’est en effet celui de l’auto-entrepreneur à temps complet dont le conjoint a une activité salariée, et également celui du salarié ou du retraité qui se fait un complément de revenu avec une activité d’auto-entrepreneur.

D’abord, il faut considérer que l’auto-entreprise n’est accessible qu’aux foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence n’excède pas 26 420 € par part, y compris le bénéfice forfaitaire d’auto-entrepreneur. Ainsi, un célibataire ayant eu un revenu salarial imposable de 24 000 € en 2010 peut s’établir auto-entrepreneur. Mais si son bénéfice d’auto-entrepreneur dépasse 2 420€, il sera obligé de renoncer au statut en fin 2013.

En second lieu, le régime auto-entrepreneur s’avère fiscalement défavorable dans un certain nombre de cas. Prenons le cas d’un ménage où l’homme a un salaire annuel de 18000€. Son épouse, sans emploi ni indemnités de chômage décide de se lancer dans l’auto-entreprise, et se fait coiffeuse à domicile. Elle compte faire un chiffre d’affaires annuel de 30 000 €. Le couple ne paye pas l’impôt sur le revenu, du fait de la faiblesse de celui-ci. Ils tiennent le raisonnement suivant : sur les 30 000 €, ils ne paieront qu’un impôt forfaitaire de 1,7%, soit 510 €. Comme le salaire de l’homme est inchangé, ils pensent que ces 510 € seront leur seule imposition. Les naïfs !

La femme atteint effectivement le chiffre d’affaires de 30 000 €, et paye ses 510 € d’impôt forfaitaire. Ils ont alors la mauvaise surprise d’apprendre toutefois que leur revenu fiscal de référence a bondi à 29700 €, que leur taux moyen d’imposition est passé de 0% à 5%, et qu’il y a lieu de taxer à ce nouveau taux le revenu du mari, soit 900€ supplémentaires ! Ceci provient du fait que le taux qui s’applique au revenu du mari n’est plus le taux zéro qui s’appliquait auparavant, mais le taux qui se serait appliqué si les revenus de l’épouse avaient été taxés dans les conditions classiques. Cette règle, à l’origine, s’appliquait au cas des contribuables qui avaient une partie de leur revenu dans un pays lié à la France par une convention de non double-imposition, et appliquait un taux majoré aux revenus national de ces contribuables. Le législateur a introduit subrepticement une petite ligne au CGI pour assimiler les revenus d’auto-entrepreneur aux revenus de ces contribuables transfrontaliers, et ce sans publicité, et sans qu’on attire l’attention des candidats auto-entrepreneurs sur cette disposition qui détruit l’avantage fiscal de l’auto-entreprise pour des contribuables ayant une autre source de revenus.

Pas sûr que même les promoteurs du statut (MM. Novelli et Hurel) aient été tenus au fait de cette entourloupe de Bercy. Pourtant, c’est une constante : Bercy récupère toujours d’une main les "cadeaux" que les politiques lui forcent à faire de l’autre. Sale mentalité...

Démontage des critiques et attaques contre les auto-entrepreneurs

L’auto-entreprise a été violemment attaquée par certaines corporations d’artisans et de commerçants. Les auto-entrepreneurs leur feraient une concurrence déloyale parce qu’ils ne payent que peu d’impôts et pas de TVA, et qu’il en résulte une inégalité de droits importante, en faveur de ce nouveau type d’entreprise. En fait, le statut d’auto-entrepreneur n’est financièrement favorable que lorsque certaines conditions sont réunies. Comme nous l’avons vu plus haut, pour la vente de marchandises, ce n’est vrai que dans le cas de vente à des particuliers, de produits sur lesquels il y a des possibilités de marge importante et où les investissements sont limités. Encore faut-il qu’il ne s’agisse pas de ventes au taux réduit de TVA de 5,5%, alors que les investissements et les achats sont taxés à 19,6%.

Reste le léger différentiel de charges sociales de 7% en faveur des auto-entrepreneurs. Mais où se situe le scandale, dans un pays qui prélève pratiquement la moitié du revenu des commerçants et artisans pour assurer une protection sociale qui est loin d’égaler celle des salariés, et encore moins celle des fonctionnaires, et ne leur assure même pas un revenu de remplacement en cas de maladie ou de chômage ? D’ailleurs, les auto-entrepreneurs financent souvent des prestations sociales dont ils ne bénéficient pas. C’est le cas notamment des nombreux retraités auto-entrepreneurs qui payent des cotisations qui n’améliorent ni leur retraite, ni le remboursement de leurs soins.

La conclusion de tout ceci est claire : ce ne sont pas des allègements de prélèvements sociaux et fiscaux qui justifient le succès de l’auto-entreprise. L’avantage déterminant, c’est qu’on a enfin supprimé à une catégorie d’entrepreneurs les contraintes administratives qui pénalisent lourdement la petite entreprise de ce pays : une gestion lourde et complexe, qui impose des frais de recours à des experts, et un temps de travail qui s’ajoute à celui de la production et de la vente. On a également limité le risque inhérent à la création d’entreprise, en supprimant les frais administratifs de création et les planchers de taxation qui ne sont amortissables qu’à partir d’un niveau suffisant d’activité.

Les "effets de bord"

Les griefs des commerçants et artisans sous-entendent également que les auto-entrepreneurs, dans certains créneaux d’activité, auraient la partie belle pour dissimuler une partie de leurs recettes. Il est vrai que la comptabilité très simplifiée à laquelle les auto-entrepreneurs sont assujettis peut donner lieu à des perceptions d’argent liquide non déclarées, auxquelles des entreprises d’une certaine importance ont moins aisément recours. Il est moins choquant d’avoir affaire à un "petit gars" à qui vous avez confié l’élagage de vos arbres et qui demande si vous ne pourriez pas le payer en liquide, que d’acquiescer à la sollicitation d’une entreprise ayant pignon sur rue et employant de multiples salariés, et qui ferait le même type de demande. L’argument est toutefois faible, car l’administration possède les mêmes droits de contrôle et de sanction sur les uns et les autres, et qu’on ne peut arguer d’une inégalité intrinsèque en la matière.

Le dernier grief vient plutôt des syndicats de salariés et des fonctionnaires de l’administration du travail. Des entreprises recourraient à des auto-entrepreneurs pour remplacer des salariés. Les entreprises tendent à se recentrer sur leur cœur de métier, et à externaliser les activités pour lesquelles leur savoir-faire propre n’est pas déterminant. Certaine entreprises proposeraient à des salariés de s’installer à leur compte, en leur garantissant une aide au démarrage et un minimum de commandes. D’autres publieraient des offres d’emploi, puis révèleraient aux candidats retenus qu’elles ne souhaitent recourir à leurs services que s’ils acceptent d’être travailleurs indépendants. Aucune enquête sérieuse n’a été faite sur ce phénomène, qui, selon toute vraisemblance, reste marginal, et qui peut de toute façon conduire à des requalifications en contrat de travail selon le droit français en vigueur. Symétriquement, il faudrait d’ailleurs se demander si cette souplesse ne cannibalise pas aussi la part de marché du travail "au noir". Mais les détracteurs de l’auto-entreprise se gardent bien, en toute mauvaise foi, de poser cette question.

Au reste, il convient de se demander pourquoi des entreprises ont recours à de tels expédients, plutôt que de vilipender à tout bout de champ les "patrons vampires". Les barrières à la rupture d’un contrat de travail normal sont aujourd’hui telles que nombre de petits chefs d’entreprise n’ont guère le choix, pour ajuster leur force de travail, que d’utiliser toutes les ficelles du droit du travail, quitte à détourner certains dispositifs de leur philosophie initiale. Nombre d’entrepreneurs se passeraient volontiers d’avoir à gérer leur personnel de cette façon, si le législateur comprenait enfin que la possibilité de rupture d’un contrat, fut-il de travail, est une clause indispensable à la conclusion de tout contrat, et que parfois, malheureusement, il faut l’utiliser sans que cela ne devienne une sorte de "crime contre la société" perpétré par une classe de patrons exploiteurs ne pensant qu’au vil profit. Ramener un peu de souplesse dans le contrat de travail CDI "classique" réduirait fortement  les incitations à recourir à ces expédients... Autre débat, pour d’autres articles.

Le PLF 2013 et l’auto-entreprise : simple coup de matraque, ou début de la mise à mort ?

L’auto-entrepreneuriat est une mesure promue sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Est-ce pour cela qu’elle ne semble pas avoir bonne presse auprès de l’actuel gouvernement ? En tout cas, celui-ci prête une oreille attentive aux lobbies de corporations qui dénigrent ces auto-entrepreneurs, dont la fédération semble peu influente auprès du pouvoir. La Ministre déléguée à l’Artisanat, au Commerce et au Tourisme, Sylvia Pinel, a déclaré que "ce régime a conduit à créer dans certains secteurs, notamment le commerce et l'artisanat, une concurrence déloyale avec les professionnels qui sont soumis à des règles sociales et fiscales et des normes différentes". Nous avons vu que ces assertions relevaient de l’exagération pure et simple, mais la recherche de la vérité est rarement la motivation essentielle des déclarations gouvernementales, quelle que soit la couleur politique des dirigeants.

L’ intention de la ministre était donc de soumettre les auto-entrepreneurs à des obligations comptables et de contrôle identiques à celles des commerçants et artisans classiques - ce qui signifiait la fin de la simplicité de gestion, argument premier du régime -, et d’aligner les deux régimes sociaux, avec notamment la création d’une imposition forfaitaire minimale. Il s’agissait, ni plus, ni moins, de signer l’acte de mort du régime d’auto-entrepreneur. Apparemment, Bercy évoque désormais une "réforme concertée", ce qui écarterait cette menace pour le PLF 2013. Mais les craintes des auto-entrepreneurs pour la survie de ce statut n’en restent pas moins très vives. Le président de l’Union de Auto-Entrepreneurs, François Hurel, appelle à rester vigilant, notamment sur les conclusions de la "mission d’évaluation" commandée par la Ministre.

Il reste aujourd’hui le projet, qui sera vraisemblablement voté, d’augmenter de 2 à 3,3% les cotisations actuelles relatives aux charges sociales, imposé unilatéralement par Bercy sans autre forme de procès. "2 à 3%, ce n’est pas si terrible", entend-on partout. Mais si le taux augmente peu, le prélèvement subi, lui, augmentera bien plus.

Ainsi, les prélèvements sur chiffre d’affaires passeraient de 13% à 15% sur les ventes de marchandises, ce qui correspond à une augmentation de 15% du prélèvement subi par l’auto-entrepreneur. Sur les prestations de service, les prélèvements passeraient de 23% à 26,3%, soit 14% d’augmentation. De telles majorations pesant sur les revenus de travailleurs aux conditions des plus modestes sont profondément iniques, de la part d’un gouvernement dont le premier ministre ose prétendre que les français modestes échapperont aux hausses d’impôt. Elles le sont d’autant plus qu’elles ne correspondent à aucune amélioration de leur régime de protection sociale.

Et il semble bien, au vu de la hargne des déclarations initiales de certains membres du gouvernement tels que Madame Pinel,  qu’il ne s’agisse là que du premier coup porté à cette catégorie d’entrepreneurs, et que la prochaine étape consistera à resserrer le  carcan de règles et d’obligations insoutenables qui les étouffera, vu la modicité de leurs revenus et la fragilité de leurs entreprises.

Rappelons que 70 000 auto-entrepreneurs ont franchi l’an dernier les barrières qui leur étaient fixées et ont transformé leur affaire en PME, ce qui est tout bénéfice pour l’emploi... et les rentrées fiscales. Tuer ce dispositif par un acharnement à trouver des recettes fiscales "de  fond de tiroirs" immédiates aura des répercussions de long terme bien plus néfastes. Certains pragmatiques, au gouvernement, le savent bien. Mais seront-ils assez forts et mobilisés pour faire valoir contre l’autre aile du gouvernement, au discours volontiers anti-entreprise, voire marxisant, le message de raison des auto-entrepreneurs ?

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