Magazine Culture

La réception du Concile Vatican II de 1962 à nos jours (3/3)

Publié le 12 octobre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

Dossier : Les cinquante ans du Concile de Vatican II ; Partie un et Partie deux 

Cinquante ans nous séparent du IIe concile oecuménique du Vatican qui a débuté le 11 octobre 1962. Les ouvrages sont légion pour nous décrire son extraordinaire impact du point de vue théologique et pastoral. Toutefois aucun, à notre connaissance, n’a abordé la question de sa réception en France de 1965 à nos jours. Voici une humble et rapide analyse historique d’un sujet sensible mais nécessaire à approfondir pour enterrer les vieux démons de l’après-concile.


La réception du Concile Vatican II de 1962 à nos jours (3/3)Cinquante ans après le Concile, un vieux système paroissial rivalise par habitude avec un nouveau communautarisme. Les personnes âgées insistent pour conserver les cultes dans les églises délaissées sous peine de ne plus donner au denier. Pour beaucoup d’entre eux, le denier n’a de sens que si les sacrements sont à proximité. Et comme le catholicisme s’est tribalisé, l’espérance d’une solidarité avec les plus jeunes s’amenuise. Nous avons ainsi des paroisses jeunes et dynamiques, pour les étudiants ; des paroisses pour les familles ; des paroisses pour les tradis (traditionalistes) ; des paroisses pour les chacha (charismatiques), des paroisses pour les ouvriers, etc…Une géographie paroissiale théorique supplantée par une pratique fondée sur les sensibilités. Tandis que les paroisses non-identitaires sont remplies de personnes âgées. En ville, cela est encore supportable, mais les paroisses des campagnes se vident et ces églises – abandonnées par la moitié de paroissiens dynamiques plus tentés par la vitalité d’une autre église qu’ils peuvent atteindre aisément –, donnent une image déplorable aux yeux des ouailles de proximité qu’il faut évangéliser.

Les jeunes prêtres séduits par le discours sur l’herméneutique de continuité

 Les diocèses sont de plus en plus dépassés. Ils sont eux-mêmes les victimes de cette tribalisation, eux qui peinent de plus en plus à drainer le denier, source principale et vitale de l’Eglise. Dans cette affaire, on voit bien qu’il n’y a pas de coupables désignés, tous ont une part de responsabilité.

La réception du Concile Vatican II de 1962 à nos jours (3/3)

Benoit XVI a beaucoup contribué à transmettre à la nouvelle génération catholique l’interprétation du Concile selon l’herméneutique de continuité.

C’est dans ce climat un peu délétère que la génération des enfants du baby-boom arrive « sur le marché ecclésiastique ». Les prêtres trentenaires vivent le cinquantième anniversaire du Concile avec un tout autre discours où l’on parle désormais, en grande majorité, d’une herméneutique de continuité. Le discours révolutionnaire s’éteint au profit d’un propos plus en lien avec la tradition de l’Eglise catholique : c’est le succès pédagogique du pontificat de Benoit XVI. Il apparaît normal – quoique rare – de célébrer une messe dans l’ancien rite depuis la promulgation en 2007 du Motu proprio Summorum Pontificum.

La liturgie romaine est plus respectée, plus unifiée. La mode est aux parures liturgiques : on y redécouvre le goût de la soutane, de la dentelle, de l’or ou de l’argent ; des vendeurs proposent même des boutiques en ligne pour les tenues des prêtres et le succès est croissant. Le trousseau bien rempli, les séminaristes n’hésitent pas aujourd’hui à investir dans ces habits qui dureront toute leur vie.

Les séminaristes n’ont plus à souffrir de la chape de plomb des séminaires dans les années 70 et 80. Ils sont plus libres, mieux accompagnés, encouragés, chouchoutés presque. Car ils ne sont plus très nombreux. C’est une évolution majeure. Toutefois, ce seront des prêtres fragiles, non en raison de l’église, mais d’une société consumériste parfaitement déshumanisée et sécularisée : absence de stabilité dans leur propre famille ou parcours de vie tumultueux dans le passé. La radicalité de leur conversion pousse heureusement certains à franchir la porte du séminaire, mais parfois avec le lot des blessures qui traînent derrière.

Nos prêtres actuels aussi sont devenus fragiles : il y a cinquante ans, la soutane ou même la simple croix leur offrait une certaine distinction sociale ; ils parlaient encore avec autorité. Aujourd’hui, être et rester prêtre est un engagement radical de tous les jours qui n’est plus récompensé socialement et qui prouve une grande marque d’humilité et de dépouillement – il faut s’en souvenir. Pour beaucoup, cette indifférence est difficile à vivre.

Voir l’Eglise comme une contre-culture

 Ne pas céder au schéma traditionaliste/progressiste offre une autre vision de la réception du Concile. En s’appuyant sur les générations, des nouvelles hypothèses sont envisageables, qu’il faudrait authentifier par un argumentaire historique plus complet que ce modeste article. Dans les années qui suivirent le concile, c’est avant tout un peuple catholique qui vécut sur l’espérance d’une reconquête de la chrétienté. Pour ce que Jacques Maritain appelle les « néo-modernistes », l’œuvre conciliaire consistait en une réconciliation de l’Eglise avec le monde moderne qui aurait enfin permis un renouveau chrétien loin de toutes les divisions du passé. Dressant la même analyse, les partisans de Mgr Lefebvre rejetèrent alors le Concile, considérant que la seule reconquête possible était le renversement du monde moderne par l’immutabilité de la Sainte Eglise. Dans les deux camps, la lecture était la même, parfaitement temporelle et politique.

Aujourd’hui, la chrétienté a disparu de la sphère sociale, l’Eglise est devenue une contre-culture, et les catholiques cherchent avant tout à préserver leur foi menacée de toute part. Considérer Vatican II dans la continuité de tous les autres conciles œcuméniques permet de dépasser l’analyse messianique des épousailles avec le monde moderne, d’y voir avant tout l’œuvre de l’Esprit Saint et de lui donner un caractère plus prophétique d’une anticipation de la post-modernité.  Le Concile parlait pour nous. Il est à l’œuvre aujourd’hui.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Tchekfou 38994 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog