Je me demande si le Comité Nobel n’a pas un peu forcé sur la célèbre Absolut Vodka qui fait la fierté de la Suède, et qui est le seul moyen naturel de supporter les niaiseries d’Abba (et dont le créateur n’a pas reçu, à ma connaissance, la moindre distinction pour ce haut fait). A ceci près que si les récompenses pour les disciplines scientifiques et littéraires sont remises par la Suède, c’est un comité norvégien qui décerne le Nobel de la Paix. Reprenons: je ne me demande même pas si le Comité Nobel norvégien n’a pas un peu forcé sur le goulot vu les habitudes éthyliques de ce pays, parce que pour attribuer la palme de la Paix à l’Union Européenne cette année, il fallait en tenir une bonne.
Certes, contrairement aux autres prix, le Nobel de la Paix n’obéit pas à un critère chronologique: l’UE a été récompensée pour l’ensemble de son œuvre depuis sa création, et pas pour son bilan de 2012. Il est vrai que depuis le traité de Rome, les velléités belliqueuses des États-membres se sont apaisées, et que si vraiment on a envie de se défouler, il y a toujours un petit conflit ailleurs sur le globe. Il est vrai également que l’Europe ne pèse quasiment rien en termes diplomatiques et militaires, et qu’on s’adresse plutôt à l’OTAN quand il s’agit de baston. A titre d’exemple, si on avait attendu sur l’Union pour pacifier les Balkans ou pour donner un coup de paluche à la Libye, Kadhafi et Milosevic couleraient toujours des jours heureux sur les décombres de leurs pays respectifs. Demandez à Bachar El-Assad s’il a peur de l’Europe, il vous dira non j’ai plein de comptes en banque là-bas et c’est là que ma femme achète ses bijoux. Mais pour être juste, l’un dans l’autre, c’est vrai qu’on ne se met plus sur la gueule avec nos prétendus ennemis héréditaires l’Angleterre et l’Allemagne, et c’est tant mieux parce je parle allemand comme une vache alsacienne.
Mais quand même, le timing est assez mal choisi. Le Traité de stabilité et la rigueur, avec leurs lots de plans sociaux et de privatisations, ont assez peu de chances de pacifier les relations sociales. L’extrême-droite prospère assez rapidement sur le fumier des renoncements des gouvernements face à la finance, et on connaît le goût des fachos pour les uniformes, les drapeaux, et le sang impur qui coule dans les sillons. Je suis sûr que les nazillons de l’Aube Dorée ont envoyé une carte et une boîte de chocolats à Van Rompuy pour le féliciter. Et si vous trouvez que j’exagère, regardez Jean-François Copé qui a le bon goût de défendre et la finance et le fascisme. Les responsables européens, toujours prompts à l’autocritique, se frottent les mains et en profitent pour s’attribuer un satisfecit. Grâce au comité Nobel, les sous-fifres de Goldman&Sachs ont un argument tout trouvé: les opposants au traité de stabilité (comme auparavant de Lisbonne, de Nice ou pour la Constitution européenne) sont des barbares qui ne font qu’attiser les braises de la troisième guerre mondiale, voire des terroristes. Camarade pro-européen mais anticapitaliste, fais gaffe à ta gueule et évite de te laisser pousser la barbe (parce que les racines chrétiennes de l’Europe, comme disait Giscard).
En attendant que Lakshmi Mittal vienne récupérer son Nobel d’économie, on peut toujours s’intéresser à des chercheurs qui n’ont pas eu la couverture médiatique qu’ils méritaient. Le mois dernier ont été remis les prix célèbres prix IgNobel, qui récompensent des recherches à première vue farfelues mais en réalité extrêmement sérieuses, et dont on peut retrouver tous les lauréats ici. Le prix IgNobel de la paix a été décerné à la société russe SKN qui recycle de vieilles munitions pour en faire des diamants. A l’heure où j’écris ces lignes, Valéry Giscard d’Estaing n’a toujours pas réagi.
Il est également à noter qu’en 2010 ce même prix avait été attribué à une équipe qui avait démontré que prononcer des jurons en cas de stress ou de douleur intense permettait de réduire la souffrance éprouvée. Ben putain, merde alors.
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