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Comment la Chine est devenue capitaliste

Publié le 12 octobre 2012 par Unmondelibre
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Un nouveau livre de Ronald Coase, 101 ans, est un événement en soi. M. Coase, lauréat du prix Nobel d’économie 1991, a révolutionné la discipline en remettant en question la vision conventionnelle de la nature des entreprises et la façon dont ce qu’on appelle les biens publics peuvent être fournis. Une de ses principales contributions est le concept de « coûts de transaction », qui sont les coûts encourus par les individus pour effectuer un échange économique. En contraste frappant avec la plupart des économistes contemporains, M. Coase n’a pas choisi l’approche compliquée de la construction de modèles, et il ne s’est pas complu dans la collecte de chiffres. Au lieu de cela, M. Coase a voulu analyser la réalité. Il a constamment étudié les marchés pour ce qu’ils sont, plutôt que pour ce qu’ils pourraient être. En ce sens, il est peut-être le plus éminent disciple contemporain d’Adam Smith.

M. Coase ne fait pas partie des économistes les plus prolifiques du 20ème siècle - mais il est certainement l’un des plus influents. Son nouveau livre écrit en collaboration avec Ning Wang, professeur assistant à l’Arizona State University, analyse l’éveil capitaliste de l’économie chinoise. Comment comprendre comment la Chine est devenue capitaliste (How China Became Capitalist), MM. Wang et Coase se plongent dans l’esprit chinois. Les auteurs affirment que « la Chine a toujours été une terre du commerce et de l’entreprise privée », mais n’a embrassé les institutions d’une économie capitaliste moderne qu’ « après un siècle et demi de doute de soi et d’abnégation ».

M. Wang et M. Coase soulignent à quel point le changement institutionnel n’est pas simplement le résultat de l’interaction entre les différents intérêts. Une étiquette commune des réformes pro-marché en Chine de Deng dépeint une classe dirigeante cherchant désespérément à se maintenir à flot, même au prix de l’édulcoration de sa propre idéologie. Ceux qui souscrivent à cette vision rappellent qu’une telle dérive vers le pragmatisme est admirablement illustrée par Deng Xiaoping citant un vieil adage Sichuan : « Peu importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape la souri ».

Dans cette tentative sérieuse de comprendre comment les institutions du marché ont percé en Chine on trouve les faits  têtus de la géographie et de la démographie. La Chine était simplement trop grande pour être dirigée comme une économie centralisée. « La centralisation a existé une fois dans la Chine de Mao, mais seulement brièvement ». Cependant, le gouvernement central n’a jamais pu vraiment faire face à la taille du pays, à la grande variété de cultures et de coutumes et à la difficulté à traiter l’information à la vitesse requise. D’une certaine façon, le socialisme chinois a longtemps été aux prises avec le fait, comme l’a souligné Mao, que le territoire est si vaste et la population si grande que la Chine ne pouvait pas « suivre l’exemple de l’Union soviétique en concentrant tout entre les mains des autorités centrales ».

Durant les années 1980, l’économie chinoise a été transformée par « quatre forces marginales: l’agriculture privée, les entreprises communales et villageoises, l’entrepreneuriat individuel et les Zones économiques spéciales ». Elles ont joué un rôle déterminant dans l’ouverture de la Chine à l’économie de marché mondiale. Shenzhen, dans le sud-est de la province du Guangdong, était une ville pauvre avant de devenir l’avant-garde de l’intégration économique de la Chine. « La Chine serait probablement restée sur la voie voulue du socialisme s’il n’y avait pas eu les révolutions marginales  réintroduisant l’entreprenariat privé dans l’économie ».

Le changement a été tant institutionnel que culturel. Sur le plan institutionnel, la propriété privée a été restaurée. Sur le plan culturel, le discours politique chinois a redécouvert le rôle de l’épargne, de l’autonomie et de l’expérimentation. L’entrepreneuriat requiert la prise de risque. L’avenir est incertain, l’entrepreneur parie donc sur ses prévisions et intuitions.

Il serait fallacieux de comparer les « révolutions marginales » chinoises avec le genre de « thérapie de choc » qui a permis une transition du communisme dans des pays comme la Pologne et la République tchèque. Cependant, ces « révolutions marginales chinoises » ne sont certainement pas moins « choquantes » que la « thérapie de choc » en Europe de l’Est. Pensez à l’ouverture de la bourse de Shanghai en 1990. L’un des plus grands économistes du 20ème siècle, Ludwig von Mises, a fait remarquer qu’il ne peut y avoir de véritable propriété privée du capital, sans un marché boursier et qu’« il ne peut y avoir de socialisme si un tel marché est autorisé à exister ».

Les auteurs ne supposent pas que la Chine est devenue une démocratie libérale, pas plus qu’ils ne croient naïvement que son économie puisse être considérée comme véritablement libre. Ils reconnaissent le caractère oligarchique de la politique chinoise et pointent du doigt un « marché des idées » encore déprimé et censuré comme une tragédie en soi et un obstacle au développement futur.

Comme les auteurs le font observer, il y a un travail en cours. « Le capitalisme à la chinoise est très semblable à la circulation dans les villes chinoises, chaotique et intimidante pour de nombreux touristes occidentaux. Pourtant, les routes chinoises livrent plus de marchandises et transportent davantage de passagers que dans tout autre pays ». Alors que la Chine est appelée à devenir l’objet de vifs débats durant l’élection présidentielle américaine, ce livre, qui met l’accent sur les marchés et l’histoire, devient d’une importance primordiale.

Une revue de livre par Alberto Mingardi le 12 octobre 2012 - Alberti Mingardi est directeur général de l’Istituto Bruno Leoni à Milan et fait partie du Cato Institute à Washington DC. Article orignal publié en anglais dans le Washington Times.


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