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Dans la presse déchaînée n°6

Publié le 13 octobre 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

Dans la presse déchaînée n°6Siné Mensuel n°13 Octobre 2012 : Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Vous le savez peut-être l’ami Siné ne va pas très bien en ce moment ; on a beau savoir qu’il est très âgé, on n’a pas envie de le voir claquer : il a fait relever la tête à toute une génération en prouvant que même en étant vieux et malade, le combat pour le respect de la dignité humaine n’est jamais perdu d’avance. Pour les jeunots comme moi, c’est de ça dont il est le nom, au-delà même du fait qu’il est un maître de incontesté de l’humour noir. Il nous avait donné cet exemple après s’être fait virer sans ménagement de Charlie hebdo : on comprend donc ses réticences pour soutenir franchement l’hebdomadaire face aux attaques dont il a été l’objet. Il faut toutefois reconnaître qu’il est très clair sur le principe de la lutte contre les intégristes de tout poil ; même s’il attribue à Charb des intentions mercantilistes et s’il conteste l’opportunité des caricatures de Mahomet publiées dans Charlie, il n’en défend pas moins le droit à la dérision contre les coups de boutoir des islamistes : « Ces connards fondamentalistes, comme les Juifs orthodoxes et les cathos intégristes, ne méritent que notre dégoût. » Il faut également saluer l’ouverture d’esprit de Siné puisqu’il publie dans son journal des articles dont les avis sur le sujet diffèrent assez radicalement entre eux : il y a ceux qui défendent farouchement la liberté de dérision (Alévêque, Laclavetine) et ceux qui désapprouvent Charlie (Warschawski, Alonso) ; j’ai déjà dit à plusieurs reprises ce que j’en pensais, mais j’aimerais quand même en profiter pour dire que quand Isabelle Alonso affirme que se moquer de l’Islam, c’est faire montre d’arrogance envers les Français originaires du Maghreb pour lesquels la religion serait « le refuge de leur dignité et de leur identité », je ne suis absolument pas d’accord avec elle : une religion, quelle qu’elle soit, n’est pas respectable, elle est toujours plus ou moins un instrument des puissants pour tenir les pauvres en laisse ; pourquoi croyez-vous que Sarkozy a organisé l’islam de France quand il était ministre de l’intérieur ? Par philanthropie envers les musulmans ? Il y a un siècle, nos ancêtres ouvriers, mineurs ou paysans partageaient leur misérable vie entre leur labeur et l’église : va-t-on devoir respecter la religion catholique au nom du respect de la mémoire de nos aïeux ? Les damnés de la terre d’hier allaient de l’usine à l’église et de l’église à l’usine, ceux d’aujourd’hui vont du pôle emploi à la mosquée et de la mosquée au pôle emploi : respecter une des aliénations dont ils sont victimes au nom de la diversité des cultures, je ne vois pas en quoi ça les aide… Et puis je m’excuse, quand on est vraiment dans la galère, on a d’autres préoccupations que la religion ! En Tunisie, par exemple, comme le rappelle Willis : « Le débat sur le sacré va-t-il donner du travail aux chômeurs diplômés ? Va-t-il résoudre le problème de la corruption ? Va-t-il donner à manger à ceux qui ont faim ? » Les pécheurs sénégalais qui travaillent comme des esclaves au large d’Arcachon sont aussi musulmans, mais au vu de leur calvaire quotidien, on comprend qu’ils ne pratiquent « que de loin en loin » comme le signale Philippe Lespinasse dans leur reportage sur leur triste sort : le seul membre de l’équipage qui pratiquait encore en appliquant rigoureusement le rite « est passé par-dessus bord en 2004 » : la foi ne l’a sauvé ni de la misère ni des dangers de la mer, ça n’encourage pas ses collègues qui ont le douteux privilège de continuer à « vivre » à imiter son exemple…

Dans la presse déchaînée n°6

Mais toute cette histoire ne mérite pas qu’on s’y attarde davantage : elle n’a d’ailleurs pas accaparé l’intention de toute l’équipe du « journal qui fait mal et ça fait du bien » dans lequel il n’y a rien à jeter. Les deux pages qui m’ont le plus marqué sont les pages 10 et 11 où Véronique Brocard raconte par le menu le combat des 52 salariés de Sodimédical pour tenter de sauver leurs emplois délocalisés en Chine par leur patron allemand : une histoire exemplaire du mépris souverain dont fait preuve le capitaliste pour les pauvres couillons qui le font vivre. Quel autre média en a parlé ? Aucun ! Il faut dire que ces salariés se sont battus jusqu’au bout et si on avait davantage parlé de ce combat avant qu’il ne soit définitivement perdu (l’entreprise a été mise en liquidation judiciaire, vive l’indépendance de la justice), ça aurait pu donner de mauvaises idées à certains, n’est-ce pas ? Et puis ce n’est jamais que 52 personnes, ce n’est donc pas assez spectaculaire pour édifier le client, n’est-ce pas ? Le gouvernement lui-même ne s’y malheureusement est pas trompé : par-devant, ça négocie avec PSA pour édulcorer un plan social de grande ampleur, mais par-derrière, ça laisse crever les travailleurs qui ne font pas la une des journaux ! Qu’est-ce que Montebourg a fait pour eux ? Il leur a envoyé une cellule psychologique ! Bravo la gauche ! C’est tellement ridicule qu’on n’ose même pas s’indigner ; avec des méthodes comme ça, il ne faudra pas s’étonner si les gens ne croient bientôt plus en rien !

Dans la presse déchaînée n°6

Sur la même double page, un billet de Nicolas Millié sur l’ouverture de la chasse ; à ce propos, j’ai longtemps cru que les chasseurs étaient essentiellement des bourgeois parce qu’ils devaient avoir les moyens de se payer leur équipement et de pratiquer le lobbying agressif qui leur donne pratiquement tous les droits, à commencer par celui de mettre en danger la vie de paisibles promeneurs. Erreur ! Ce sont majoritairement des ouvriers, pour 40 % d’entre eux ! Ils n’ont pas le courage de lutter contre ceux qui les exploitent, alors ils se défoulent sur les animaux : comme quoi les pauvres peuvent être aussi cons et méchants que les riches ! On comprend mieux pourquoi Siné, tel Lucky Luke, a parfois envie de laisser tomber les prolétaires qui, bien souvent, ne méritent pas qu’il les défende ; Siné a d’ailleurs illustré le billet de Millié d’un dessin ou une femme pleure son chat que son chasseur de mari vient de dézinguer, affirmant, l’air satisfait « j’ai horreur de rentrer bredouille » ! Siné survivra-t-il à. la maladie carabinée qui l’assaille ? Si tel n’est pas le cas, il n’aura jamais perdu la main, en tout cas… Allez, salut les poteaux !

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