Ma plus récente nouvelle publiée, i-Robot, dans Solaris 184 a été écrite en hommage à l’écrivain Isaac Asimov. Évidemment, comme il s’agissait d’un hommage à Asimov, j’ai parsemé le texte de nombreuses références et de nombreux clins d’œil à l’homme comme à l’œuvre. Pour les lecteurs que ça intéresse, en voici les clefs (dans l'ordre d'apparition dans la nouvelle).
Ces notes ne dévoilent rien de l'intrigue de la nouvelle.
La première partie de ces références apparaissent dans un billet précédent.
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Le robot Honda Ashimo 7 n’existe pas. Mais Honda a réellement développé les robots Ashimo jusqu’à une quatrième version en 2011. Ashimo signifie littéralement « (robot sur deux) jambes », mais le katakana japonais étant ce qu’il est, la graphie Asimo a été adoptée pour ce robot, en faisant un acronyme pour Advanced Step in Innovative MObility. Le nom a été interprété comme une référence à Asimov, que j’ai donc reprise, mais avec la translitération originale.
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Le roman « Le Soleil nu » suggéré par le robot est une référence au second roman du cycle des robots d’Asimov, The Naked Sun, publié en 1957 et qui a paru en français sous le titre «Face aux feux du soleil».
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Le tchèque Karel qui apparaît à l’aéroport est une référence à l’auteur de science-fiction tchèque Karel Čapek, un écrivain dans la veine de Huxley et Orwell. Il a été le premier à utiliser le mot « robot », dans sa pièce de théâtre RUR: Russom’s Universal Robots en 1920. Le terme original tchèque, robota, signifie «esclave».
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À la porte d’embarquement, un robot récite une litanie: « La terre a un volume fini. Le volume total de charbon et pétrole est moindre que le volume de la terre. Donc le volume total de charbon et pétrole est fini. Les humains en consomment encore tous les jours. Conclusion: Ils l’auront tout consommé éventuellement. » Cette suite logique est mentionnée par Asimov lui-même, dans sa lecture du 8 novembre 1974*. Et c’est aussi lui qui mentionne qu’il avait personnellement compris ça en 1933, tel que souligné par le personnage de Karel dans la nouvelle.
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La citation du robot-chauffeur à Montréal « Le travail ennuyeux du monde sera un jour effectué par des machines. » a aussi été prononcée par Asimov dans sa lecture sur le futur de l’humanité*.
La suite, selon laquelle « Les robots humanoïdes sont plus pratiques pour remplacer l’homme et utiliser ses outils », de même que la raison fournie par le robot (« Parce que les outils – comme cette voiture-taxi – ont été conçus pour être utilisés par un humanoïde »), sont également des éléments qu’Asimov avait abordé, dans The Friends we Make, un de ses nombreux essais sur les robots, publié en 1977 dans la revue American Way. Il y mentionnait que quelques milliers d’années de civilisation nous avait menés à développer des technologies adaptés à la forme humaine, aux corps humain, jusque dans les dimensions des objets et outils, optimisées pour notre corps et nos doigts.
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Suit une référence plus directe au premier utilisateur du mot « robot »: Čapek. Si j’ai isolé le nom de famille comme référence, c’est que Karel Čapek - l’écrivain reconnu comme l’inventeur du mot parce qu’il a été le premier à l’utiliser - en attribue l’idée à son frère, le peintre Josef Čapek. J’ai donc d’abord mis une référence à Karel, puis une autre à Josef, avec le nom de famille cité par le robot dans la nouvelle. Vous noterez que celui-ci ne mentionne pas lequel des deux frères il considère comme l’inventeur du mot.
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Isaac Asimov a été le premier auteur à utiliser le mot « robotique », c’était dans la nouvelle Runaround, publiée en mars 1942. J’y fais référence avec le commentaire de Karel, qui dit, via son traducteur primitif, qu’Asimov était « anticipant de robotique moderne. ». Ce passage est d’ailleurs la première utilisation du mot « robotique » que je fais dans la nouvelle.
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Le nom du personnage de Yudovich, amené en toute fin de nouvelle, est le second prénom d’Isaac Asimov à la naissance. En faisant de Yudovich le fils de Dan Oliver, je fais un peu d’Asimov le fils spirituel de R. Daneel Olivaw, son robot immortel.
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L’Expérience (la connexion du cerveau humain et du cerveau robotique), est également un clin d’œil à l’œuvre d’Asimov. À ma connaissance, Asimov n’a jamais vraiment raconté ce genre d’expérience, mais il a effleuré le concept dans le roman Foundation Edge, publié en juin 1982. Il met en scène une connexion entre un cerveau informatique (un système de navigation spatial) et un humain (Golan Trevize). Il contourne le problème en utilisant un raccourci narratif** et ne fait donc jamais la description détaillée de l’expérience vécue par le personnage.
Asimov aborde également cet aspect de la robotique dans un essai intitulé Robots in Combination (publié dans le recueil Robot Visions en 1990), dans lequel il mentionne que sa description** dans Foundation Edge est le plus près qu’il a pu s’approcher du phénomène. J’ai donc cru bon d’apporter mon humble contribution à cette idée dans ma nouvelle.
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Enfin, les grands fans d’Asimov auront également compris que le simple fait de publier ces notes et références est en lui-même une référence à Isaac Asimov, puisque l’auteur nous avait habitué à la publication de notes dans ses nombreux recueils. Je n’ai pas pu résister à cet ultime hommage au bon docteur.
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* Le texte de The Future of Humanity, lecture d’Isaac Asimov effectuée le 8 novembre 1974, est dans le domaine public.
** And as he and the computer held hands, their thinking merged. (…) he saw the room with complete clarity - not just in the direction in which he was looking, but all around and above and below. He saw every room in the spaceship, and he saw outside as well. The sun had risen… but he could look at it directly without being dazzled. (…) He felt the gentle wind and its temperature, and the sounds of the world about him. He detected the planet's magnetic field and the tiny electrical charges on the wall of the ship. He became aware of the controls of the ship… He knew that if he wanted to lift the ship, or turn it, or accelerate, or make use of any of its abilities, the process was the same as that of performing the analogous process to his body. He had but to use his will. (Foundation Edge, Doubleday, 1982).