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Le centre est mort, vive l’UDI ?

Publié le 16 octobre 2012 par Delits

Le 18 septembre dernier est née l’UDI (Union des Démocrates et Indépendants). Sous la présidence provisoire de Jean-Louis Borloo, ce nouveau parti rassemblant 7 formations politiques du centre-droit, répond au souhait de nombreux responsables du centre dispersés depuis l’éclatement de l’UDF en 2007 : un centre fort, indépendant et surtout rassemblé.

Clairement  positionnée comme s’opposant à la politique du gouvernement de Jean-Marc Ayrault et allié de l’UMP, l’UDI souhaite toutefois jouer un rôle d’ « opposition constructive » et ne s’interdit pas de soutenir certains textes de loi socialistes comme les emplois d’avenir récemment.

 

L’UDI peut-il se faire une place ?

Des fondations solides

L’UDI compte dans ses rangs deux personnalités politiques parmi les plus populaires : Jean-Louis Borloo (6ème du dernier tableau de bord politique Ifop-Paris Match avec 64% d’opinions positives) et Rama Yade (6ème en juillet 2011[1] avec 64% d’opinions positives). Hervé Morin, autre membre de l’UDI bénéficiant d’une notoriété intéressante, pointe à une honorable vingtième place avec 50% de bonnes opinions. Forte de ces hommes et femmes politiques, auxquels s’ajoutent les anciens ministres Jean Arthuis, Maurice Leroy, François Sauvadet ou Yves Jégo et les figures montantes comme Jean-Christophe Fromantin et  Jean-Christophe Lagarde, l’UDI s’assure une bonne présence médiatique et donc une parole entendue et identifiée par les Français.

Au-delà des personnalités de premier plan, l’UDI compte bon nombre de parlementaires et d’élus locaux : 29 députés, 28 sénateurs, 5 députés européens, 105 conseillers régionaux et 9 présidents de conseils généraux. Via ses élus, la formation centriste s’assure donc les relais de terrain nécessaires et les forces militantes indispensables à tout parti ambitieux.

Le parti de l’anti-droitisation

Le 9 octobre dernier, Jean-Louis Borloo, en réaction aux polémiques provoquées par Jean-François Copé[2], déclarait « Si on crée l’UDI, c’est bien parce que notre vision de la société n’est pas exactement celle-là et c’est le moins que l’on puisse dire ».  La droitisation de l’UMP, initiée par Nicolas Sarkozy sur les conseils du très controversé Patrick Buisson, ouvre progressivement une fenêtre de tir à l’UDI. Ainsi, en juin dernier un sondage BVA pour Orange, L’Express et France Inter révélait que six Français sur dix considéraient que les idées de l’UMP étaient proches de celle du FN contre seulement 27% en 1997.

En jouant sur les plates-bandes du FN, en mettant au cœur du débat les questions identitaires, les dirigeants de l’UMP ne répondent pas aux attentes économiques des sympathisants :  selon ces derniers, c’est principalement sur la question de la réduction de la dette et des déficits publics que l’UMP devrait s’exprimer (52% contre 27% sur la question de la lutte contre l’immigration clandestine selon un sondage du  JDD paru en août dernier.

Dans ce contexte, l’UDI, bien qu’alliée de l’UMP, peut jouer un véritable rôle d’opposition.  La droitisation   de l’UMP lui offrirait un boulevard. Et le scénario d’accords FN-UMP aux élections municipales de 2014, constituerait objectivement une opportunité pour s’imposer comme principale force de droite.

Un réservoir de gauche à ne pas négliger

Dans sa dernière livraison, BVA donne 44% de bonnes opinions à François Hollande en tant que président de la République et 46% à Jean-Marc Ayrault en tant que Premier ministre. Ajoutez à cela 36% des Français qui considèrent que l’UMP ferait mieux contre 27% moins bien que la gauche et vous obtenez un gouvernement en grande difficulté depuis la rentrée. L’espérance qui entourait François Hollande au moment de son élection semble avoir enfanté un « flop » qui déçoit bon nombre de ses électeurs.

A ceux-ci s’ajoutent les partisans déçus de François Bayrou. Suite à l’élection présidentielle, de nombreux militants remettent en cause leur soutien au leader du MoDem. Par exemple, Alain Dolium, tête de liste aux élections régionales en Ile-de-France en 2010 a rejoint les rangs de l’UDI. Bref, la machine qui devait permettre à François Bayrou de devenir un jour président est aujourd’hui à l’agonie. Une agonie tellement palpable que l’ancien député des Pyrénées-Atlantiques lui-même a évoqué un rapprochement avec Jean-Louis Borloo.

Et pourtant, l’UDI souffre de nombreuses faiblesses

Si l’UDI a, a priori, une belle fenêtre politique qui s’ouvre sur un échiquier très mouvant, elle souffre de faiblesses auxquelles elle doit forcément remédier pour peser à l’avenir.

Sa première faiblesse est la plus facile à corriger. Pour le moment, l’UDI a choisi une entrée par la petite porte. Un bruit médiatique restreint, quelques déclarations d’opposition à la gauche ou à l’UMP mais une notoriété qui reste à construire et qui est aujourd’hui si  faible que le nom UDI n’est pour le moment pas encore testée par les instituts dans leur question de proximité partisane, le Nouveau Centre représentant encore le centre-droit.

Deuxième faiblesse, la plus paradoxale : Jean-Louis Borloo. Le leader de l’UDI est ces dernières années l’une des personnalités politiques les plus populaires. Mais cette popularité est fragile. Dans un sondage Ipsos pour France 2 d’avril 2011, 72% des Français le trouvaient sympathique, 52% plutôt sincère, 50% plutôt compétent mais seuls 19% déclaraient qu’il avait la stature d’un président de la République. A un moment où sa candidature était incertaine, seulement 30% des Français souhaitaient qu’il se présente.

 Enfin, en choisissant de s’allier à l’UMP, l’UDI risque bien souvent de ménager son allié. En son sein, seule Rama Yade, éternelle rebelle du Sarkozysme semble capable de réussir des sorties médiatiques plaçant véritablement l’UDI dans la bataille politique. Après la gauche molle incarnée selon beaucoup par François Hollande, l’UDI risque bien d’incarner un centre-droit mou fait de coalitions, de faits politiques souterrains. Il s’agira pour l’UDI d’être rapidement identifié par les Français comme un parti fort d’opposition à la gauche mais aussi à l’UMP lorsque ses positions s’éloignent des siennes : un jeu compliqué et risqué en vue des élections intermédiaires déterminantes pour les premières années du parti.



[1] Rama Yade n’a pas été testée depuis juillet 2011

[2] Suite à la publication de son livre « Manifeste pour une droite décomplexée » évoquant le racisme anti-blanc, J-F Copé a provoqué une levée de bouclier d’une grande partie de la classe politique. Quelques jours plus tard, lors d’un discours, il relate l’anecdote d’un enfant s’étant vu retirer son pain au chocolat pour cause de ramadan.


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