Le Conseil d'Etat a déclaré illégal, en ce qu'il concerne le département du Loiret, le décret du 7 septembre 2001 qui avait renouvelé pour 5 ans le droit de préemption de la SAFER de la région Centre.
Dans cette affaire, la Société Mivoisin, dont l'activité principale est location de terrains et de boxes dans le département du Loiret a, à la demande du Tribunal de Grande Instance de Montargis, demandé au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'arrêté interministériel portant agrément de la SAFER de la région Centre et du décret du 7 septembre 2001 renouvelant le droit de préemption de cette SAFER pour une durée de 5 ans.
Le droit de préemption des SAFER, prévu par l'article L. 143-1 du Code rural, s'exerce sur les aliénations à titre onéreux des fonds à vocation agricole ou forestière.
Aux termes de l'article L. 146-1 du Code rural, ces sociétés doivent être agréées par arrêté du Ministre de l'agriculture et du Ministre des finances qui fixe leur zone d'action.
En l'occurence, il s'agissait de la SAFER de la région Centre, compétente sur les départements du Cher, de l'Eure-et-Loir, de l'Indre, de l'Indre-et-Loire, du Loir-et-Cher et enfin, du Loiret.
Le Conseil d'Etat a eu à s'interroger sur la légalité de l'arrêté au regard de la loi d'orientation agricole du 5 août 1960 et de son décret d'application, alors en vigueur.
De manière surprenante, la Haute Juridiction juge sans incidence le fait que les obligations de la SAFER n'aient pas été précisées, ni dans l'arrêté, ni dans des conventions entre l'Etat et cette dernière, contrairement à ce que semblait imposer l'article 15 de la loi.
De manière tout aussi criticable, s'agissant du décret qui fixe la durée du droit de préemption de la SAFER, il juge, là encore semble-t-il contre la lettre de l'article R. 143-1 du Code rural, sans incidence le fait que ce décret ait omis de préciser la date de départ du délai dans lequel doit s'exercer le droit de préemption.
En revanche, le Conseil d'Etat conserve toute leur force aux dispositions de l'article L. 143-7 du Code rural, qui prévoient que, dans chaque département, le préfet détermine, après avis motivés de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et de la chambre d'agriculture, les zones où se justifie l'octroi d'un droit de préemption et la superficie minimale à laquelle il est susceptible de s'appliquer, un décret autorisant l'exercice de ce droit dans cette zone et en fixant la durée.
En effet, le Conseil d'Etat déclare illégal, en tant qu'il concerne le Loiret, le décret du 7 septembre 2001 renouvelant l'autorisation d'exercer le droit de préemption pour une durée de 5 ans, au motif d'une part que les avis de la commission départementale du Loiret ne sont pas motivés et, d'autre part, que le Préfet du Loiret n'a pas déterminé les zones ou se justifie le droit de préemption dans son département, mais s'est contenté de transmettre la demande de la SAFER au Ministre de l'agriculture accompagné de ces avis irréguliers en la forme.
L'exercice du droit de préemption par la SAFER dans le Loiret à compter du décret du 7 septembre 2001 est donc illégal et les décisions de la SAFER sur cette période et dans ce département sont donc privées de tout fondement.
"4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 143-7 du code rural : " Dans chaque département, lorsque la société d'aménagement foncier et d'établissement rural compétente a demandé l'attribution du droit de préemption, le préfet détermine, après avis motivés de la commission départementale d'orientation de l'agriculture et de la chambre d'agriculture, les zones où se justifie l'octroi d'un droit de préemption et la superficie minimale à laquelle il est susceptible de s'appliquer. / Dans les zones ainsi déterminées et sur demande de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural intéressée, un décret autorise l'exercice de ce droit et en fixe la durée " ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort, d'une part, des pièces du dossier que les avis rendus, en application des dispositions de l'article L. 143-7 du code rural citées ci-dessus, par la commission départementale d'orientation de l'agriculture du Loiret le 15 juin 2001 et par le bureau de la chambre d'agriculture du même département le 28 mai 2001, ne comportent l'exposé d'aucun motif et sont, par suite, entachés d'irrégularité ; que ces irrégularités sont susceptibles d'avoir, en l'espèce, exercé une influence sur le sens du décret attaqué ; qu'il ressort, d'autre part, des pièces du dossier que le préfet du Loiret s'est borné à transmettre la demande de la SAFER au ministre de l'agriculture accompagnée de ces avis, sans avoir lui-même déterminé, ainsi que le requiert l'article L.143-7 du code rural, les zones de son département où se justifiait l'octroi d'un droit de préemption ; que cette omission entache également la régularité du décret attaqué ; qu'ainsi, le décret du 7 septembre 2001 est entaché d'illégalité en tant qu'il concerne le département du Loiret ;"
(Conseil d'Etat, 19 septembre 2012, Société Mivoisin, req. n°352902)