Air France se prépare ŕ subir une nouvelle grčve.
C’est un éternel recommencement, le mouvement perpétuel, version transport aérien. A la veille des vacances de la Toussaint, pour obtenir ŕ coup sűr l’impact psychologique le plus marqué, la CGT va déclencher un mouvement de grčve pour protester contre le plan Transform 2015 d’Air France.
Ledit plan est connu de longue date mais le syndicat, malgré les apparences, n’affiche pas pour autant un temps de retard. Il a attendu, pour déclencher les hostilités, l’annonce d’une réorganisation de la compagnie aérienne en huit activités autonomes, des Ťbusiness unitsť dans la terminologie du monde des affaires.
Pourquoi contester l’intéręt de la mise en place de ces unités ? Apparemment parce qu’il serait plus facile, ultérieurement, de les externaliser, voire d’enclencher un mouvement de démantčlement de l’entreprise. Du coup, on assiste ŕ un mouvement syndical qui va bien au-delŕ des grčves préventives que l’on a connues dans le passé. Cette fois-ci, il s’agit d’exprimer des craintes basées sur un pur fantasme. Les dégâts ne seraient pas sérieux, on prendrait le parti d’en rire.
L’essentiel ne s’en situe pas moins ailleurs. La CGT, comme d’autres syndicats, de la CFDT ŕ Sud, confirme implicitement son incapacité ŕ comprendre, ŕ analyser correctement, l’évolution profonde du transport aérien. Air France est en grande difficulté, profondément et gravement fragilisée, affiche des pertes abyssales, est violemment attaquée par des low cost qui ont plus que jamais le vent en poupe. Et qui sont en train d’inventer un nouveau modčle économique trčs dangereux pour les compagnies du canal historique. Pour le vérifier jour aprčs jour, il suffit d’observer la maničre de faire d’EasyJet.
La CGT ne propose rien. Elle s’en prend ŕ la maničre de faire d’Air France, dénonce les suppressions d’emplois de Transform 2015 (pourtant basées sur une méthode douce), comme s’il s’agissait de rappeler que telle est la loi du genre, pour le principe. C’est pire qu’un combat d’un autre âge, un affrontement inutile, stérile.
Ce combat de Bernard Thibault, qu’observe certainement avec beaucoup d’intéręt son successeur désigné, Thierry Lepaon, n’appelle aucune réponse. Pour obtenir la satisfaction du syndicat, il faudrait interdire les compagnies low cost, rétablir la réglementation ŕ l’ancienne du transport aérien, renationaliser Air France. Et, dans la foulée, abroger la loi Diard qui oblige les grévistes ŕ se dénoncer ŕ l’avance de maničre ŕ informer dans le détail leur employeur et leurs clients des perturbations qui les attendent. En d’autres termes, la CGT voudrait réinventer les années 60 et 70, la belle époque qui a précédé l’Airline Deregulation Act américain de l’automne 1978, c’est-ŕ-dire l’acte fondateur de la déréglementation du transport aérien, américain puis mondial.
Rien de tel n’est évidemment plausible. Bernard Thibault est un nostalgique qui s’ignore, qui n’admet pas que l’Histoire ne connaît pas la marche arričre. La culture de la grčve est, elle, bien vivante, fringante. Mais personne n’avait besoin de la piqure de rappel du 26 octobre pour en convenir.
Pierre Sparaco - AeroMorning