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De la relation avec un animal

Publié le 19 octobre 2012 par Taomugaia

chien

Tu liras ci-après le texte d'un entretien mené par Marie Auffret-Pericorne, journaliste au quotidien La Croix, avec Florence Burgat.
Il date du 11 septembre dernier.

La Croix  : L’animal fait aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches, menées notamment par des philosophes. Cette année, l’animal était d’ailleurs au programme de l’agrégation. Comment l’expliquez-vous ?

Florence Burgat :  Il est vrai que, depuis une quinzaine d’années, les travaux sur la place de l’animal dans la société ont pris de l’ampleur dans plusieurs directions et ont investi plusieurs champs de la philosophie : la philosophie morale – on s’interroge, par exemple, sur la question de savoir si les animaux ont des droits –, la philosophie de l’esprit, qui s’intéresse notamment à l’éthologie cognitive et se penche sur les formes de conscience et les représentations mentales des animaux. D’autres travaux portent sur la question de savoir comment « penser » l’animal : est-ce un modèle simplifié de l’humain ?

Le livre de la philosophe Élisabeth de Fontenay sur Le Silence des bêtes  a été fondateur, du moins en philosophie. À sa suite, des chercheurs français, également influencés par les philosophes américains, se sont peu à peu emparés du sujet. La « philosophie animale », comme nouveau champ de recherche, émerge. Aujourd’hui, de plus en plus d’étudiants en philosophie osent travailler sur ce thème, qui, auparavant, était plutôt déconsidéré.

Parallèlement se développe une réflexion sur le droit animalier, sur la réglementation et la législation (la chasse, la corrida, les mauvais traitements). En premier lieu, j’y vois une raison historique : la condition animale s’est détériorée. On n’a jamais autant tué d’animaux qu’aujourd’hui, qu’il s’agisse d’abattage avec des élevages à grande échelle, d’expérimentation animale ou encore de chasse. De plus, depuis les années 1990 et la crise de la vache folle, le grand public est sensibilisé aux conditions de l’élevage industriel, dont il a alors commencé à prendre connaissance.

Partagez-vous l’avis de certains ethnologues pour qui l’amour porté à des animaux de compagnie surprotégés serait une « rédemption » par rapport aux animaux d’abattoir surexploités ?

F. B. :  D’abord, je ne suis pas sûre que surprotéger son animal de compagnie soit de la bientraitance. On dit que ces animaux sont choyés, mais qu’est-ce que cela signifie ? Bien s’occuper d’un animal, c’est respecter ses besoins propres et lui consacrer du temps. Je dois dire que je suis surprise par la présence si importante d’animaux dans les familles et je m’interroge souvent sur la vie qu’ils y mènent. Par ailleurs, je ne pense pas que l’on accueille un animal sous l’effet d’une quelconque culpabilité. J’en veux pour preuve que les gens achètent le plus souvent un joli chiot ou un chaton dans une animalerie, rarement un animal adulte abandonné dans un refuge. Je ne crois pas que les personnes qui ont acheté un lapin nain dans un commerce du quai de la Mégisserie à Paris éprouvent de la culpabilité d’être carnivores.

Que traduit alors ce besoin croissant des Français d’avoir un animal ? Est-ce un besoin de nature, de pouvoir ? L’envie de donner une image particulière de soi-même, de lutter contre la solitude ?

F. B. :  Toutes ces raisons peuvent exister. Mais il faut bien garder à l’esprit que ce sont surtout les foyers avec enfants qui ont des animaux, et non d’abord les gens seuls. Ce sont, en effet, les enfants qui sont souvent demandeurs et qui, malheureusement, s’en détournent parfois très vite. Mais je pense que la présence d’un animal est aussi très éducative, car elle permet d’apprendre à un enfant à être responsable. Certaines familles peuvent aussi considérer qu’elle est un facteur d’équilibre. Je pense surtout que la relation avec un chat ou un chien n’est pas le substitut d’une relation non existante avec un humain, elle ne ressemble à rien d’autre.

Comment définiriez-vous cette relation ?

F. B. :  J’aime beaucoup la façon dont Freud en parlait dans une lettre à Marie Bonaparte, à la suite du petit livre qu’elle écrivit sur son chien Topsy. Lui aussi avait des chiens et qualifiait le lien qui unissait l’humain à l’animal d’« amour sans ambivalence ».  Je trouve que c’est très juste. C’est une relation dépourvue de tout conflit, jalousie, rivalité, qui font parfois le tissu des relations humaines. Elle ne se substitue pas. Elle se situe sur un plan différent et c’est ce qui en fait la richesse et la singularité.


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